Le lampadaire se fait l’andouille
Ça me reste sur l'estomac.
Une nouvelle embardée œnologique mena mes guêtres du côté de Chablis, entorse nécessaire à nos vins de Loire qui trouvent ici, collègues qui méritent largement le détour. Une maison digne d'éloge nous tendait ses bras pour baguenauder entre vins de Auxerrois et du Chablis, une vaste gamme de dix-huit cuvées différentes que nous nous mîmes en devoir d'explorer au pied levé..
L'aventure est ardue tout autant que fort agréable tant la gamme offre des variations plaisantes et des découvertes rares. La maison Gueguen mérite le détour d'autant que l’accueil y est aussi fameux que la production est hétéroclite, variée et riche de mille saveurs. Nous nous sacrifiâmes avec application au rite de la dégustation quand la raison nous imposa de nous sustenter avant que de reprendre la route.
Une maison portant un nom de couche géologique nous fut indiquée. Nous nous y rendîmes les yeux fermés, faisant alors preuve d'une naïveté fort coupable. Je vous épargnerai le nom de l'enseigne, vous comprendrez aisément pourquoi après la lecture de ce bref résumé de nos vicissitudes gastronomiques …
Nous entrâmes dans un caveau fort agréable, un de ces espaces ouatés dans lequel, on ne saura jamais pourquoi, les tenanciers s'échinent toujours à vous imposer en fond musical une pâle musique de jazz comme si le silence était hérétique dans un sanctuaire dédié à la gastronomie. C'est du moins ce que j’espérai que fusse cette enseigne .
Tout commença de la plus vilaine des manières à ma plus grande honte et confusion. La place qui me fut assignée se situait juste à côté d'un lampadaire que je coudoyais de fort inopportune manière. L'objet quoique lumineux me plongea dans des ténèbres de désolation car en bon château branlant, il s'effondra sur la table voisine dans un mouvement de haut en bas qui fit grands dégâts.
Le verre de l'un des convives se renversa tandis que le lampadaire finit sa course dans son andouillette. J’étais au sommet de la confusion alors que manifestement je n'avais fait qu'effleurer le vilain luminaire. Je ne peux vous décrire l'état de la table voisine sans sentir la honte que j'éprouvais dans l'instant.
J'eus la chance d'avoir des voisins compréhensifs qui manifestement avaient perçu le concours de circonstances défavorables qui conduisit à ce drame. Je tiens encore une fois à m'excuser tout en les remerciant pour leur mansuétude. Les serveurs se précipitèrent pour réparer l'incident tandis qu'une nouvelle andouillette faisait son apparition avant qu'elle ait eu le temps manifeste de griller à son tour. Ceci aurait dû me mettre la puce à l'oreille …
Nous en étions au choix du menu quand 24 anglais en goguette vinrent s'installer à une grande table dressée à leur usage. Le niveau sonore fit tomber le fond sonore dans les oubliettes tandis que nous dûmes passer au langage des signes pour converser jusqu'à ce qu'un miracle eût lieu. Les serveurs aussi prompts à servir à boire qu'à reproposer une andouille remplirent leurs verres de Chablis. Le silence se fit, hélas provisoirement …
Puis vint le temps de la commande, une aventure en cet établissement qui vous fait basculer dans un camp ou bien un autre. Mon camarade fit des choix qui le laissèrent sur sa faim mais égayèrent son palais tandis que rassasié, je dois à la vérité avouer qu'il y a fort longtemps que j'avais aussi mal mangé dans un restaurant. Ce fut un festival de mauvais goût, de cuissons manquées, de sauces froides et de légumes de la veille dans le meilleur des cas.
Se complaire dans la description de ce fiasco serait tourner le couteau dans la plaie alors qu'il ne sert à rien de se mettre la rate au court-bouillon. Elle eut été la seule à être servie à bonne température. J'en étais là de mes macérations tandis que je constatais avec curiosité à quel point le service de la grande tablée était rapide. Si la qualité était absente, la célérité posait question.
Renonçant au dessert pour ne pas ajouter aux déceptions déjà subies, nous décidions de quitter au plus vite ce bouge infâme. Il fallait cependant régler l'addition qui était inversement proportionnelle à notre satisfaction. Ce type de situation n’est hélas pas rare dans un pays dont la gastronomie est parait-il, patrimoine de l'humanité.
Les serveurs sentant le vent mauvais poindre sur la face désappointée d'un des clients s'empressèrent de calculer la note que nous divisâmes en deux. Un calcul sur le taux de satisfaction nous eut conduit sur des opérations fort complexes qui auraient nécessité des nombres complexes. La division par deux suffisait à notre désir de fuir au plus vite cette gargote.
Pour adjoindre une nouvelle touche plaisante, mon camarade qui venait de payer en liquide se vit rendre la monnaie avec l'oubli malencontreux d'un billet pour réaliser l'appoint. Cerise sur un fardeau déjà indigeste alors que je me refusais à répondre à la question évoquant mon degré de satisfaction.
Je laissais mon camarade leur exprimer une partie de mon courroux tandis que je fuyais la place. Les portes de la cuisine étaient grandes ouvertes, une trentaine de convives étaient encore à table et pourtant ils en étaient tous au grand lessivage de la place. Il y avait là sans doute une explication à la vitesse d'un service qui n'avait cessé de me surprendre.
L'adresse ne mérite pas qu'on en fasse publicité, même pour en dire le mal qui s'impose. Soyez donc prudent en allant manger à Chablis et ne vous fiez qu'aux noms bien de chez nous, c'est là le conseil le plus sage qui me soit permis de vous donner. En attendant, allez donc déguster du Chablis chez un des excellents vignerons de la place.
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