Le renoncement
Un exemple à suivre…
Un personnage important, bon gré mal gré vient d'emprunter la voie de la sagesse, bien poussé dans le dos par ses amis, ses donateurs et une partie de ses électeurs afin de se rendre enfin à l'évidence pour finir par renoncer à son grand dessein. Il semble dans le climat délétère de cette époque que bien d'autres parmi ceux qui entendent imposer leurs vues et leurs désirs de par ce vaste monde devraient bien vite suivre son exemple. Je ne doute pas que notre pays profiterait lui aussi de ce phénomène s'il se généralisait chez ceux qui s'accrochent en dépit des évidences et des circonstances à leurs sceptres illusoires.
Oublions un temps ces pauvres pantins dérisoires et penchons-nous attentivement sur ce terme qui mérite bien qu'on lui réserve une chronique lexicale au risque, naturellement de décourager bien des lecteurs qui renonceront à poursuivre cette lecture.
Tout commence comme bien souvent par le latin et un certain Nonce qui n'est pas encore épiscopal. C'est le messager, le porteur du message. En Berry on reste proche de cet esprit avec le « renonceur » qui est bien sûr le messager mais aussi le confesseur, ce qui dénote une certaine dérive dans la fonction.
Ce fameux Nonce antique donna Nunciare pour servir de porte-voix à celui qui annonce, une sorte de crieur de rue en somme. Mais rapidement la chose prend de l'importance et surtout du galon et de la mozette. Il devint prédication, parole institutionnelle ou céleste. L'annonce ne peut venir que d'en haut, elle est assénée sur un bon peuple qui n'a plus qu'à se mettre à genoux.
Dans pareil contexte son contraire : Renoncer prend alors des allures de sédition ou d'apostasie. On ne badine pas avec les « renonceurs » qui abandonnent, renient, abjurent ou résilient. La « renonçance » berrichonne semble nous indiquer que ça n'a pas de sens de refuser cette parole d'importance.
La « renonce » berrichonne devient ainsi une rupture, une manière de couper les ponts ou bien de prendre le maquis pour échapper aux conséquences de ce refus de se plier aux injonctions multiples de ceux qui entendent mener nos existences. Celui qui renonce brise le contrat social, il se place de lui-même en marge de la société des humains et du domaine divin.
La « renoiance » est un véritable reniement, une fuite, une trahison. Il n'est pas permis de penser ou d'agir en dehors des codes communs. Ces pauvres personnages deviennent des renégats qui sont montrés du doigt à cause de tous leurs faits et gestes : leurs insupportables « renois ».
Pour les philosophes, renoncer c'est se détacher des contingences pour mieux s'en libérer. C'est encore abandonner pour se préserver, économiser ses forces et son énergie. D'autres y voient une forme de trahison morale en niant une part du possible que cet acte vient de rendre caduque. Chez les sportifs, c'est une manière de déclarer forfait, un forfait n'étant rien d'autre qu'un affreux méfait.
Ce renoncement américain n'a sans doute rien d'un forfait mais plus sûrement d'un retrait, d'un effacement sur la pointe des pieds à contre-cœur. Je renonce à établir la liste de tous ceux qui devraient lui emboîter le pas. Je ne tiens pas à passer pour un messager maléfique, un oiseau de mauvais augure. Bien des nonces laïcs avec carte de presse ou écharpe tricolore se plairont à gausser, pérorer, ratiociner à propos de ce cas particulier sans jamais songer à réclamer sa généralisation dans leurs rangs.
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