Les faux monnayeurs d’Oudon

À en perdre la face.
Il fut des époques où, même pour les seigneurs au bord de l’eau,,il n’était pas simple de joindre les deux bouts. Cette histoire se passe entre Oudon et Mauves et elle illustre parfaitement l’adage qui prétend que l’argent ne fait pas le bonheur. Dans ce récit, l’appât du gain provoqua bien des malheurs à courir sans cesse après sa gloire et sa sournoise attirance.
Les Malestriot étaient seigneurs d’Oudon, cette ville qui doit son nom au celte Ould signifiant tout bonnement rivière. Ils jouissaient comme beaucoup de leurs semblables sur la Loire du privilège de tenir droit de péage et de ponctionner ainsi, sans vergogne, les mariniers qui passaient devant la redoutable tour.
Les temps étaient alors à la loi du plus fort, ce qui peut parfaitement se retourner contre ceux qui en abusent. Jean et Julien Malestroit menaient grand train, dépensaient beaucoup et usaient à plaisir de tyrannie vis à vis de leurs sujets. Nous ne pouvons que le déplorer. Ces deux-là profitant de la noble réputation de leurs ancêtres se comportèrent si mal, qu’en dépit de leurs lettres de noblesse, il furent cités devant la justice. Il fallut la conciliation de Louis Drouet, un avocat natif d’Oudon pour leur faire entendre raison et faire amende honorable.
Mais le repentir fut de courte durée car nos deux lascars trouvèrent une nouvelle manière de mal agir. Plutôt que de battre comme plâtre leurs sujets, ils se reconvertirent dans la fabrication de fausse-monnaie. Ils avaient choisi pour atelier clandestin une grotte placée à flanc de falaise au-dessus de la Loire, sur des terres qui aujourd’hui dépendent de la commune de Mauves.
Si le choix était judicieux quant à sa discrétion vis à vis des voies terrestres, il n’en fut pas de même avec la rivière voisine : frapper la monnaie, fut-elle de singe ou factice, fait grand bruit. L’eau porte les sons et ceux-ci arrivèrent malencontreusement aux oreilles du meunier qui tenait moulin à vent juste en face.
Brave homme, le meunier fut non seulement intrigué par les battements qui venaient de la grotte mais plus encore par les déplacements incessants qui s’y produisaient quand la nuit était venue. Il ne put tenir sa langue plus longtemps et prévint sans plus tarder les autorités qui diligentèrent une troupe de soldats.
Les malfrats, tout nobles qu’ils étaient, furent pris la main dans le sac de fausse monnaie. Ils eurent beau mettre en avant leurs titres et leurs quartiers de noblesse, le poids de l’histoire et la gloire de leurs aînés, ils furent montrés du doigt et contraints de se réfugier du côté de Nantes. C’est là qu’ils franchirent le Rubicon, commirent l'irréparable et mirent leurs têtes à prix.
Dans le cimetières des Jacobins, ils tentèrent d’échapper à leur triste sort en tuant le sieur Muce Pont-Hus qui voulait se saisir de leur personne. Ce coup d’épée aussi malheureux que funeste provoqua l’ire royale. François premier en personne manda le duc d’Etampes afin qu’il s'empare des deux gredins qui s’étaient réfugiés dans la tour d’Oudon.
Les deux lascars ne résistèrent pas longtemps et furent pris par celui qui manifestait le courroux royal. Les deux malfrats furent emprisonnés dans la prison du Bouffay à Nantes et condamnés à mort par le sire Guillaume l'Huillier, commissaire du roi, délégué par ce dernier en Bretagne pour mettre fin à l’épidémie de fausse monnaie qui touchait cette province.
Les deux seigneurs furent conduits en place de grève pour se faire raccourcir par la main de la justice. L’affaire eut pu en rester là même si on peut ajouter que le roi vendit la seigneurie d’Oudon pour la maudite somme de 8 000 écus, payables en monnaie estampillée. Nos deux martyres purent se satisfaire du châtiment car peu de temps après, le recours à la fabrication de la fausse monnaie était devenue si fréquent qu’en 1386, il avait été décrété un supplice terrible pour les faussaires.
C’est ainsi que les pauvres bougres, pris la main dans le sac de la bourse à fausse monnaie, se voyaient gratifiés d’une mort terrifiante. Le bourreau préparait alors une marmite et le coupable devait mijoter à gros bouillons jusqu’à la mort. Qui peut prétendre à ce compte-là que l’argent n’a pas d’odeur ? Il avait au moins celle de la chair humaine bouillie.
Mais revenons à nos deux Malestroit. L’annonce de leur trépas troubla grandement la fille du meunier. La belle ne pouvant supporter d’être la fille d’un délateur, à moins qu’elle n’eût quelques faiblesses pour l’un des deux suppliciés, préféra la mort à la honte ou au chagrin. Elle se pendit haut et court ce qui mit un point final et fatal à cette sombre histoire.
Pour des lecteurs plus férus en généalogie princière, je vous suggère de vous informer ici :
Après l'exécution la seigneurie d'Oudon fut vendue à Raoul du Juch. Claude du Juch, fille de Raoul, vendit cette terre à René du Bellay, mari de Madeleine de Malestroit, sœur des coupables. Claude du Bellay en hérita et la vendit, vers 1553, à Anne de Montmorency, connétable de France. Les Montmorency transmirent ensuite la seigneurie d'Oudon par héritage, aux Condé qui la possédaient encore en 1789 avant une nouvelle période propice à la chute de têtes.
Quant à vous informer sur la fausse monnaie, voilà de quoi satisfaire votre appétit de savoir à défaut de celui de richesses.
=> http://www.lauragais-patrimoine.fr/BIBLIOTHEQUE/SURVIVANCE-L.GRATTE/114-FAUX-MONNEYAGE.pdf
Faussairement leur.
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