Maroc : condamnation à trois ans ferme de l’auteur du faux profil du prince sur Facebook
Et voilà. Le Maroc vient d’entrer dans l’Histoire. Il n’est pas le premier pays africain à avoir organisé la Coupe du monde de football. Non. Il n’est pas non plus le premier pays arabe à accueillir une exposition universelle. Non : le Maroc peut se targuer d’être le premier, et le seul pays au monde, à faire condamner une personne à de la prison ferme (trois ans) pour la création d’un profil sur Facebook.
Le 22 février, au tribunal d’instance de Casablanca, le juge chargé de
l’affaire Fouad Mourtada était certainement au courant qu’il avait
rendez-vous avec l’Histoire. Ce n’est pas tous les jours qu’il lui est
donné, entre dossiers de violeurs, pédophiles (dernier fait en date au
Maroc : condamnation à deux ans pour viol d’un enfant de 4 ans) et escrocs
en tout genre, de traiter d’une affaire relayée par la presse mondiale.
Le tapage médiatique international qui règne autour de l’affaire
Mourtada, le juge en a certainement eu vent. Il dure depuis plus de
quinze jours. Il a dû même avoir entendu parler de l’article sulfureux
d’El Pais, qui a rapporté avec moult détails la manière dont le jeune
homme a été kidnappé et les sévices et tortures que lui ont fait subir
la police. On a dû lui rapporter que même le très lointain New Zealand
Herald avait consacré un article à Fouad Mourtada et avait présenté à ses lecteurs le Maroc comme un pays très étrange. Certains membres de
sa famille, les plus jeunes certainement, ont dû le prévenir que des
chercheurs américains attendaient ce verdict pour s’y pencher d’un
point de vue juridique et éthique. Que le livre Guiness, dans sa
rubrique traitant des condamnations les plus incroyables, allait dans
sa prochaine édition consacrer un article touffu à cette affaire. Le
juge savait tout ça.
Le juge savait aussi qu’il avait un dossier vide : aucune affaire
d’escroquerie, aucun message envoyé à quiconque au nom du prince ni
partie civile ni plaignant. Il savait que l’avocat de Fouad Mourtada
allait lui fournir toutes les preuves relatives à Facebook. Il allait
lui montrer les 493 profils de Georges Bush, les 127 profils du prince
Williams ou ceux du prince Felipe d’Espagne. Il allait lui démontrer
que lorsqu’il s’agit de célébrités ou de stars, il est entendu que la
majorité écrasante des profils sur Facebook étaient le fait
d’admirateurs, de fans ou de plaisantins. Il savait que l’avocat, Ali
Ammar, allait lui parler du profil encore actif du roi du Maroc
lui-même (créé par une personne résidant manifestement en France). Le
juge savait tout ça.
Il a pourtant condamné Fouad Mourtada à trois ans de prison ferme «
pour donner un châtiment exemplaire en matière d’usurpation d’identité
princière ». Les instructions étaient donc claires.
Fouad Mourtada, quant à lui, vient de se voir offrir le statut de
martyr du net, potentiellement le plus connu au monde. Ce même statut
lui permettra de fuir le Maroc dès sa libération, comme beaucoup de
jeunes Marocains choqués par cette histoire, pour refaire sa vie dans
un pays où les ingénieurs hautement qualifiés sont accueillis à bras
ouverts, et où il ne risquera pas de se faire kidnapper et torturer par
la police en allant à son travail.
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