Mettre le pied à l’encrier
Le pot aux proses
Les chemins de la plume…
Quel est donc cet étrange mystère qui un jour pousse un individu à coucher sur le papier des histoires, des chroniques, des confessions, des essais ou des traces quelconques qui font de lui un écriveur ? Chacun y va d'un parcours que certains même dissocient de la nécessité de lire de manière compulsive.
Le premier mot autonome, pas celui qu'impose le parcours scolaire où les obligations administratives, né d'un impératif impérieux, n'est pas toujours clairement établi. Il se dilue dans les tergiversations qui pour beaucoup, repoussent cette folie de l'assuétude scripturale. Nombre de gens de plume anonymes pressentent que le risque est grand de se perdre dans cette folie envahissante jusqu'à un jour, se laisser emporter par cette folie pure.
Les vocations naissent toutes d'un inspirateur, d'un déclencheur, d'un modèle ou d'un mystérieux appel. Tout est bon pour mettre la main au crayon ou sur le clavier pourvu qu'il n'y ait pas en arrière-plan le désir d'entrer dans le panthéon des écrivains reconnus. Car là est la plus incroyable des illusions dans une société où désormais il y a plus de gens qui écrivent que d'autres qui lisent.
Il convient ainsi de rappeler la genèse historique de cette vocation envahissante : le livre ou l'auteur qui fait franchir le Rubicon. La chose peut s'affirmer aisément quand c'est un grand auteur ou un roman célèbre qui justifie l'entrée dans la carrière. Un immense aîné est un parrain acceptable alors qu'avouer que c'est un roman ordinaire d'une collection de gare qui a donné ce coup de pouce, il est préférable d'éluder.
Pour donner corps à cet élan, il est conseillé d'évoquer un maître, un guide, un enseignant qui a vu en son élève, ce talent exceptionnel qui fera date dans la littérature. Là encore, il est préférable de citer un grand nom ou bien d'aller puiser dans la toute petite enfance, cette institutrice bienveillante qui avait tout compris. Par contre, si votre scolarité n'a rien eu d'exceptionnel, il vaut mieux passer sous silence vos notes médiocres ou calamiteuses.
Il est possible encore qu'une rencontre soit la porte d'entrée de ce bureau qui vous coupera si souvent du monde extérieur. Des occasions idoines s'offrent à vous : salon du livre, conférence, atelier d'écriture ou visite dans l'une de vos classes. Là c'est du pain béni, vous pourrez évoquer la larme à l'œil la sollicitude de ce modèle, ses premiers conseils, cette relation épistolaire qui un jour, fera date dans la publication de votre correspondance. Si vous n'avez jamais croisé de grandes plumes, gardez le silence, c'est préférable, vous risquez de vous brûler les ailes.
Que reste-il en magasin pour justifier qu'on vous tende le micro ou bien qu'on vous consacre un article de presse ? Il convient que l'anecdote soit porteuse de rêve, d'originalité pour avoir de quoi, servir vous aussi de point de départ à d'autres envies. Le roman magique trouvé dans une boîte à livres signé par l'auteur lui-même, le souffle divin derrière un pilier de la cathédrale, la découverte d'un document mystérieux que vous mettrez en forme…
Si vous n'avez rien de cette nature à mettre en avant pour justifier qu'un jour vous avez mis le pied à l'encrier, évitez d'évoquer la vérité surtout si elle est prosaïque, même s’il n'est plus bel adjectif pour expliquer la fièvre de l'écriture. Quant à moi, j'éviterai de vous avouer que du pot à la lunette, le livre ne me tomba jamais des mains et qu'il fallut un ordinateur portable qui vienne se glisser sur mes genoux pour entrer dans la carrière en un lieu où le papier ne sert pas à cet usage. Il faudrait être au bout du rouleau pour reconnaître pareille origine, pour dévoiler ce mystère insondable…
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