Prendre à témoin

L'interposition inconfortable.

Il n'est plus détestable situation que celle des convives qui se trouvent soudainement pris entre deux feux, devenant par la même les témoins impuissants d'une dispute conjugale, d’un esclandre qui monte soudainement dans les tours pour une de ces broutilles dont la vie de couple aime à se nourrir. Il convient alors de se faire tout petit, de raser les murs, de trouver à vaquer loin des belligérants pour échapper à la querelle.

Une fois le calme revenu, le plus difficile se profile à cet horizon qui risque fort de s'obscurcir si vous n'y prenez pas garde. Tandis que les bretteurs reprennent leur souffle, tentent vainement de retrouver un peu de dignité, ils peaufinent leurs arguments, désirant profiter de votre présence pour porter le coup décisif…

Alors que ceux qui étaient il y a peu à couteau tiré, semblent avoir déposé les armes, vous devriez vous méfier de l'eau qui donne l'impression de dormir. Ils n'attendent qu'une chose, se retrouver seul avec vous pour vous prendre à témoin, recherchant votre approbation pour marquer ce point décisif qui satisfera à leur mauvaise foi.

Car de votre point de vue, ce dont à quoi vous avez été contraint d'assister, était d'une affligeante banalité, d'une désolante vacuité et ne méritait pas même cette montée d'adrénaline qui a jeté un froid. Hélas, dans pareil cas, la vengeance est un plat qui se déguste à chaud et l'un comme l'autre n'ont qu'un désir : « Que vous départagiez les combattants ! »

C'est alors qu'il convient de ne pas se trouver pris au piège, embarqué dans un coup fourré qui vous pousse à quitter la salle commune pour vous retrouver en tête à tête avec l'un des deux duettistes. La cave est d'ailleurs l'endroit idéal pour les hommes pour tomber plus bas encore alors que les femmes optent plus volontiers pour prendre de la hauteur dans la chambre d'un enfant.

C'est alors qu'il faut jouer fin, éluder les remarques acerbes qui vous tendent la main parle truchement d'un ami sournois pour tomber à bras raccourcis sur cette autre amie à qui pourtant vous n'avez rien à reprocher. La guerre des genres, dans le cas de figure évoqué présentement devrait vous pousser à vous ranger derrière votre ami, c'est du moins ce que sournoisement il espère.

Prendre parti est certainement la pire des choses que vous puissiez faire. Si dans l'instant vous flattez l'orgueil de celui ou celle qui s'est trouvé pris en flagrant délit de faiblesse intime, vous semez une graine perfide qui se retournera tôt au tard contre vous. Si dans le cas contraire, vous refusez de prendre position, vous blessez votre interlocuteur qui espérait trouver en vous un avocat partial. Le piège se referme sur vous.

Le mieux est de tenir quelques banalités à visées généralistes qui mettront dos à dos les combattants, les renverront tous deux dans des cordes qui se passent aisément de témoin. C'est là une rude exigence qui n'a de sens que si votre partenaire, de son côté agit de même, dans l'autre confessionnal.

Considérons alors que tous deux vous avez tenu votre rang d'amis qui ont su rester neutres dans l'algarade mémorable qui s'est déroulée sous vos yeux, le plus difficile à avaler par la suite sera la réconciliation spectaculaire de vos deux protagonistes à grande démonstration de mots doux, de baisers tendres et de propos mielleux.

Vous vous demandez à quel point vous n'avez pas été convié à un jeu de rôle bien réglé qui n'a d'autre but que de mesurer votre fidélité. C'est fort gênant et ne manque jamais de vous interroger sur l'opportunité de reprendre le risque, une fois prochaine d'être à nouveau pris à témoin par ces grands spécialistes de la scène de ménage en compagnie.