Quand le feu s’éteint
Le fin mot de l'histoire.
Nous sommes le 30 mai 1431, l'histoire semble prend fin sur un bûcher de toutes les lâchetés. L’Église, l’État et l'armée : ceux-là même qui, aujourd'hui, aiment à célébrer l'héroïne, l'ont abandonnée sans coup férir à son triste sort. Jehanne se consume sur son pauvre tas de bois ; elle est promise à l'enfer et découvre les joies de l'incinération. Paix à ses cendres dont beaucoup se couvrent la tête.
Le brave évêque Cauchon se frotte les mains : il en a terminé avec sa mission, a servi les intérêts des Anglais tandis que quelques Bourguignons sont venus jeter du vin sur les flammes. Tout était organisé pour que s'éteigne au plus vite la légende et la courte carrière de la demoiselle. Un bon supplice redore le blason du bourreau et ravive sa cote de popularité auprès d'un peuple prompt à s'enflammer pour un joli spectacle.
Hélas, les choses ne tournèrent pas comme c'était prévu. Personne dans les milieux autorisés n'avait envisagé la formidable popularité de la victime ni les forces mystérieuses qui allaient se liguer contre ses assassins et leurs complices. Le public enthousiaste n'avait pas eu le temps de rentrer chez lui que déjà se déroulaient d'étranges manifestations.
Au début, personne n'y prit garde. Le printemps s'acheva, l'été prit le relais, l'automne arriva sans que la survenue d'un étrange phénomène ne troublât les hommes de ce temps. Dans toutes les provinces tenues par les maudits Anglois, le feu continuait de couver, accordant à tous la beauté de ses flammes. Mais étrangement, nulle impression de chaleur n'émanait de celui-ci. Le feu boudait ceux qui avaient brûlé la petite bergère.
C'est quand l'hiver étendit son manteau de frimas et d'intempéries que chacun put constater qu'en effet, il n'était plus possible de se réchauffer auprès de flammes qui avaient perdu toute capacité calorifique. Les plus folles rumeurs commencèrent à circuler. Le refroidissement climatique était alors à la mode : une théorie qui voulait que l'usage de plus en plus fréquent du bûcher avait un effet désastreux sur le temps qu'il faisait et sur le moral du peuple.
C'est ainsi que durant dix-sept jours, la Seine et la Marne sont prises par les glaces. Nous sommes en Janvier 1432. Sur toute la zone anglaise, il n'est plus possible de se réchauffer au feu d'une bonne cheminée. Dans la population, l'inquiétude est grande : les rumeurs vont bon train. Toutes les conversations sont d'accord sur un point : il ne fallait pas condamner à mort la jeune pucelle.
Dans ce contexte délétère, Cauchon était devenu le mouton noir, le responsable de cette tragédie inexplicable. Tout bascula vraiment quand, en mars 1432 des inondations dramatiques noyèrent la place de l'hôtel de ville à Rouen. Cette fois, non seulement les gens grelottaient, mais ils le faisaient les pieds dans l'eau. Il y avait anguille sous roche et mauvais tour de cochon. Les feux de l'enfer étaient punition moins redoutable que ces quelques mois d'horreur climatique.
Pour tous, le message céleste était évident. Dieu punissait ceux qui avaient mis à mort celle qui était en relation directe avec lui. Des voix s'élevèrent un peu partout pour que les responsables du procès fassent amende honorable. Le pouvoir des Anglais vacillait, celui de ses alliés était menacé. Hélas, le bon peuple n'a que peu de poids devant la force injuste des armes et du pouvoir.
Mais rien ne s'arrangeait. Le froid et le gel accompagnèrent les débuts de juillet. Les bourgeons des arbres fruitiers furent détruits sur pied. La famine menaçait. Il fallut faire acte de contrition, demander pardon au Maître des cieux et du temps qu'il fait. Le feu devait au plus vite retrouver son pouvoir chauffant pour repousser le Diable, responsable de cette malédiction.
Des négociations débutèrent alors en secret. La décision fut prise d'organiser un grand pardon, une immense procession pour prier le ciel de revenir à de meilleures dispositions envers les pauvres gens de cette partie de la France. Mieux même, les Anglois promirent de partir si le retour de la chaleur était constaté. Ils avaient sans doute le feu aux fesses : leurs affaires sentaient le roussi.
Le roi d'Angleterre en personne vient demander pardon sur les lieux même du crime abominable. Immédiatement, le temps change. Août 1431 est -c'est un miracle- chaud et sec. Dieu a pardonné et, pour montrer sa mansuétude, il provoque un miracle. Jehanne des Armoises surgit sur la place même où la pauvre bergère de Domrémy avait péri dans d'affreuses souffrances. Dans un éclair elle fait son apparition ; la foule s'agenouille devant ce miracle magnifique.
La demoiselle vécut heureuse le reste de ses jours avec son époux, Robert, un brave Lorrain, avec lequel, hélas, elle n'eut pas d'enfant. Elle cessa de brûler les planches et se consacra à une vie tranquille. Elle refit cependant une petite visite à sa chère ville d'Orléans, histoire d'entretenir les braises. Les Anglais quittèrent le royaume et le feu à nouveau, réchauffa tous les sujets du roi Charles VII. Voilà la véritable histoire ; et bien malin celui qui pourrait prétendre que tout cela est mensonge. Je mettrais ma main au feu qu'il n'en est rien.
Complotement vôtre.
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