Révolte dans la gargote
Un pois, c'est tout !
Un humble pois ayant fait don de sa bonne nature à la gastronomie du quotidien dans une aimable gargote, se mit soudain en tête qu'il risquait de payer les pots cassés. Son sacrifice s'accompagnait souvent de flatulences ce qui lui octroie bien malgré lui, une bien mauvaise réputation parmi les convives. Il en était contrit d'autant plus que d'après lui, cette rumeur était sans fondement pour qui le mijote avec du bicarbonate de soude.
On peut mesurer dans cette pensée un bienveillant souci pour la digestion des gastronomes. Cependant, avant de plonger dans la marmite, il se mit à flageoler, redoutant de ne pas être à la hauteur. Il voulut apporter son grain de sel afin que le maître queux se mette en quatre pour réussir son sacrifice. Impressionné par les senteurs qui émanaient de la cuisine, il eut envie d'être sauté, une fin plus glorieuse que de finir sottement ébouillanté. Une idée reçue chez les légumes depuis que le wokisme venu d'Asie faisait fureur parmi eux.
Le marmiton sentant les réticences du pois voulut adoucir sa peine en lui adjoignant un compagnon de misère. Il prit ce qu'il avait sous la main en bon adepte de la nouvelle cuisine. C'est donc une noix qui devait partager le trépas du pois. L'association peut paraître curieuse, elle était même frauduleuse puisqu'une aubergine de faction sur le plan de travail voulut adjoindre une amande par l'entremise d'un papillon.
Le marmiton déconfit se rendit compte qu'il n'avait pas un radis pas plus que d'oseille pour satisfaire à ce petit supplément. Il entendit contenter l'aubergine en lui donnant des queues de cerise ce qui ne fit qu'accentuer son courroux. La querelle risquait de tourner au vinaigre alors qu'il avait l'intention de jeter le pois et la noix dans un bain d'huile. Tout ceci lui restait sur l'estomac.
Le pois voulut s'interposer pour aplanir les choses. Il réclama qu'un foie d'oie fut adjoint pour transformer ce plat ordinaire en met d'exception. De vieilles figues saisirent l'occasion à feu vif pour réclamer leur participation tandis que contrairement à leurs habitudes des bulbes rouges affirmèrent véhémentement que ce plat ne relevait plus de leurs oignons. Le cuisinier exaspéré par cette rébellion demanda aux ingrédients de ne plus ramener leur fraise.
Ce fut le mot de trop. Un vent de révolte souffla dans la légumerie ; ses hôtes se mirent en marche en avant. Les épices se joignirent à eux tandis que la moutarde montait au nez des condiments en colère. Une révolution des sens et des ingrédients qui dérouta un cuisinier qui rendit les armes. Il laissa tomber cuillère de bois et couteau pour s'emparer du fusil afin de mettre à la raison tout ce petit monde.
Tableaux de David Teniers Le Jeune
Le malheureux eut un mot de trop. Dans sa fureur il leur dit : « Vous allez manger froid ». Il y avait manifestement de l'eau dans le gaz ce qui expliqua que dans l'instant le piano rendit l'âme. Le pois qui avait voulu mettre les pieds dans le plat en fut fort marri. Il s'était fait à l'idée de finir en beauté et devait accepter le report de son sacrifice.
N'acceptant pas pareille hypothèse, il se cassa, prit la poudre d’Espelette pour aller se trouver un petit pied à terre dans le Béarn. Il se planta dans un endroit charmant, y prit racine et se fit producteur. La noix lui emboîtât le pas pour retrouver ses racines. Pour l'oie hélas, il était trop tard, la belle avait été plumée, elle n'avait plus guère la liberté de ses mouvements.
Le pauvre marmiton se jura mais bien trop tard de tendre l'oreille aux suggestions des ingrédients. Il se dit que sa quête des étoiles lui avait fait perdre la tête et que rien ne vaut une cuisine simple et authentique. C'est ainsi qu'il trouva sa voie avec des menus qui ne proposaient jamais tous les protagonistes de cette honteuse rébellion.
Si vous pouvez les citer à votre tour, vous gagnerez un repas dans sa merveilleuse petite auberge rurale qu'il ne vous restera plus qu'à découvrir. J'ai eu vent qu'il fallait désormais réserver pour trouver une table.
Rendez-vous samedi 28 septembre 2024
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