Secrets de vestiaire de Rugby
Entre la poire et la chaînette.
Le plus grand mystère demeure sur un aspect très particulier des sports collectifs en général et du rugby en particulier : « Que se passe-t-il sous la douche ? » Si les caméras de Canal + poussent toujours plus loin l'investigation impudique, qu'elles pénètrent systématiquement dans le secret des vestiaires de Rugby, elles s'arrêtent et c'est heureux à la lisière de cet espace entièrement dédié au carrelage et à la nudité des gladiateurs.
Si parfois on nous montre quelques plongeons présidentiels dans de vastes piscines bouillantes pour ceux qui viennent de remporter le bouclier, rien ne transpire de ce qui se passe entre la poire et la chaînette si jamais il restait encore de tels accessoires...
Alors, pour éclairer votre lanterne, poussons la porte secrète, évitons les éclaboussures tout en tentant d'y voir à travers ce nuage de vapeur afin de dévoiler pour la première fois les pratiques jusque-là cachées mais toutes plus ou moins avouables de ces guerriers qui se débarrassent des scories du combat !
Il y a les soucieux, ceux qui pensent déjà au prochain entraînement et s'empressent de boire, pour la récupération, cela va de soi, une bonne bière rafraîchie par un petit filet d'eau froide. Il y a les élégants, ceux qui espèrent trouver dans le club house local, l'âme sœur et pour cette vaine quête, se rasent en aveugle au risque d'hériter d'une nouvelle balafre. Il y a encore le petit nouveau, celui qui vient d'entrer dans l'équipe et qui curieusement passe son temps à ramasser les savonnettes bien que cet objet ait totalement disparu de la trousse de toilette du joueur moderne, consommateur averti des produits de beauté.
On y trouve souvent les égyptologues convaincus, ceux qui s'enturbannent avant chaque rencontre et doivent dans la douleur, retirer les multiples bandelettes qui enserrent leur corps d'athlète. Ceux-là, le plus souvent ont recours à un comparse qui les fait tourner en bourrique pour les libérer de leur gaine élastique. Il y a les célibataires, ceux qui doivent laver eux-mêmes leur tenue de scène, et, tels des petits fils de la mère Denis, entament là un prélavage des plus utiles qui ne manque jamais d'encrasser les grilles d'évacuation.
Il y a encore les adorateurs de la Star Académie, ceux à l'organe développé (non pas celui-là) qui poussent la chansonnette à gorge déployée lorsque la victoire a choisi leur camp. Il y a les lents, les jouisseurs de l'eau réparatrice, les parleurs de l'après-match, ceux qui attendent que le ballon d'eau chaude s'épuise (cela vient vite parfois) et rêvent sous la quiétude de cet espace subtropical. Il y a les autres, ceux qui n'ont qu'une conception élémentaire de ce plaisir hydrique, et se hâtent de retrouver la réception, le bar et des liquides plus en adéquation avec leurs goûts.
Il y a aussi les bêtes de scène, les cabotins de la salle de bain, ceux qui passent presque une heure dans cet espace clos pour échapper au rangement des maillots, au nettoyage du vestiaire et aux diverses corvées inhérentes à ce grand « barnum » en déplacement que constitue une équipe de rugby. Il y a enfin les entraîneurs, épuisés de n'avoir rien fait, impuissants tout au long de la rencontre, épuisés de colère et de dépit, chargés des effluves du stress et de l'angoisse qui trouvent sous ce filet d'eau, la quiétude qui les avait fuis depuis le matin.
Il y a encore celui qui se demande quel sujet il pourra bien développer dans sa prochaine chronique et qui puisera l'inspiration à la source même…
À contre-pied
Illustrations de Jean-Luc LOPEZ
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