Tourments et désagréments
Le livreur ne donne pas signe de vie
Déjà trois jours qu’il aurait dû donner signe de vie. Mais que fait ce maudit livreur ? Je suis dans tous mes états, je tourne telle une bête sauvage, j’ai l’humeur massacrante et bien plus encore. Il ne fait pas bon m’approcher, l’ours grogne et montre des dents d’autant plus qu’il est enfermé là, dans sa demeure à attendre vainement l’appel du coursier.
Voilà la punition pour celui qui n’a pas de portable. Il ne peut quitter son domicile ne serait-ce que pour se rendre chez le boulanger ou bien au fond du jardin. La pelouse attendra, tout comme la haie, que ce maudit transporteur daigne enfin tenir son engagement. Pire encore, je ne peux le joindre, ignorant tout de ses coordonnées, je suis pris au piège comme un rat dans le meilleur des cas.
L’hypothèse la plus défavorable étant alors que je suis victime d’une arnaque, que le livreur et l’imprimeur ont joué les filles de l’air pour entourlouper joyeusement. Ce serait alors le drame et le camouflet pour ce livre qui nous a demandé tant de temps, d’efforts et d’énergie. Nous l’attendions tel le messie et même la septième merveille du monde et lui disparaît dans les arcanes du fret routier.
Je suis en train d'échafauder des hypothèses qui ne tiennent pas debout. Je perds la boule à avoir ainsi passé tout ce temps à surveiller un téléphone qui reste aphone. J’ai la tête prête à exploser moi qui, en d’autres circonstances, ne fais jamais appel à ce genre de livraison. Je suis foncièrement hostile à ce système de messagerie, à ces grands mouvements erratiques qui mettent sur la route des camionnettes furieuses pour livrer à domicile des quidams en mal de déplacement.
Savez-vous que fixer ainsi un téléphone rend chèvre ? Comme une biquette qui tourne autour de son piquet pour brouter un cercle restreint quand toute la prairie s’offre à son regard. Je rumine ma rancœur pour ce professionnel de la route qui a même osé prétendre à son commanditaire qu’il m’avait donné un rendez-vous par téléphone. Quel culot ! L’envie me prend de lui botter le train si jamais il vient jusqu’à moi.
J’entends déjà les rieurs qui se gaussent de ma mésaventure. Certains espèrent même que l’aventure du roman à quatre mains se termine dans le plus effroyable fiasco. Depuis le temps que je vous bassine avec cette expérience, que l’affaire tombe à l’eau ne serait qu’un caprice de langage. Prenez bien garde que je ne vole pas dans les plumes des rieurs, je suis à bout de patience, incapable de raisonner ni même de me raisonner.
La seule thérapie que je connaisse constitue à prendre le clavier et à frapper les touches de doigts vengeurs pour débiter mes tourments et évacuer ma bile. Je vous prie de m’excuser de faire de vous les témoins passifs et innocents de mon courroux. Je vais mieux depuis que je vous narre la farce qui tant qu’elle n’a pas tourné à la tragédie peut encore être décrite.
Les supputations les plus folles vont bon train. Mais si j’étais le dindon de la farce ? Je connais un autre volatile qui se poilerait. Voilà bien ce qui advient à qui veut jouer au plus malin, ce que d’ailleurs je n’ai jamais été. Toutes mes expériences attestent de ma maladresse tout autant que de mon incapacité chronique à mener convenablement ma barque. Même quand je prends un canoë, il pleut des cordes sur le trajet.
Je laisse en suspens ce billet d’humeur. L’ironie pousse les analogies à leur comble. Ce maudit transporteur porte le sigle TNT et c’est moi qui suis en train d’exploser. Mais qui donc est de mèche avec lui ? La nouvelle va se répandre comme une traînée de poudre dans le Landerneau ligérien ; règlement de Conte sur la Loire a sombré corps et biens entre l’imprimerie et cet insupportable cabot. Pourvu que je me trompe, laissons passer une nuit de plus sur cette angoisse incommensurable.
Une semaine plus tard, le mystère enfin se déchire. Le sus-dit transporteur a trouvé route barrée, chose qui durera longtemps encore dans ce quartier en rénovation et a fait demi-tour sans demander son reste. Nul appel téléphonique durant une semaine avant qu’il se décide à affronter les nids de poule et autres facéties semées sur le chemin. Le Livre est désormais entre nos mains et il ne reste plus qu’à vous le proposer à la vente, sous le manteau bien sûr, loin des réseaux officiels.
N’hésitez pas à nous contacter. Il est en vente pour la modique somme de 15 euros et nous vous demanderons une participation de 3 euros si vous souhaitez le recevoir par la poste. À bientôt j’espère.
Livraisonnement vôtre.
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