Tout sur la casserole
De la queue au bec verseur.
Poêlon à usage domestique, la casserole est mise à toutes les sauces pour qui se pique d'être un maître queux sur son piano. Son utilisation atteste que l'art de mijoter n'a pas encore rendu l'âme devant l'hégémonie prochaine d'un micro-onde insipide et sans imagination. Curieusement, certains lui ont adjoint un sifflet pour chanter à toute vapeur dans la cuisine embuée. C'est ainsi qu'on peut lui dire qu'elle chante comme une casserole quand on ignore tout du plat qui mijote et murmure à feu doux.
Le piano quant à lui espère que jamais on dira de lui qu'il joue comme une casserole même s'il est capable d'en mettre en musique plus de quatre sur des bouches qui font feu de tout bois. Il se fait ainsi instrument à vent en mettant les gaz tout en donnant avec délicatesse dans différentes touches gustatives.
La casserole est honorée de profiter d'un pareil instrument. Elle ronronne de satisfaction mais dès que le marmiton a le dos tourné, elle libère son contenu en un débordement qui versera sa bile sur le plateau. Il convient de la surveiller comme le lait sur le feu, surtout quand son manche transmet insidieusement la chaleur de sa marmite.
Pas question cependant de lui clouer le bec. Elle verserait par-dessus bord dans une vague de mécontentement qui vous laisserait sur votre faim. Elle aime être traitée avec respect ce qui peut paraître louche à ceux qui osent encore dire d'une ménagère qu'elle va passer à la casserole. L'expression honteuse suppose qu'à l’instar des belles plantes qui frétillent dans une sauteuse, la dame se fera un plaisir de satisfaire un goujat.
La casserole s'indigne qu'on puisse ainsi la prendre pour une sauteuse, ustensile qui manque singulièrement de contenance tout en ayant une préférence affichée pour la friture. Elle qui veut garder la ligne, préfère de loin les cuissons à l'eau ou dans des rots qui ne s'excusent jamais de faire grand bruit quand ils arrivent à table.
Même si elle a bon fond, elle s'accroche à la qualité de sa matière, il lui arrive qu'elle accroche, donnant alors un parfum de graillé à sa préparation. Si personne n'intervient à temps, la chose peut brûler les étapes et carboniser ce qui aurait dû satisfaire tous les palais. Il convient de ne pas noircir le tableau, ceci n'est jamais de sa faute mais souvent de l'imprévoyance du cuisinier ou de la cuisinière.
Elle se toque parfois d'avoir la tête dans les étoiles. C'est ainsi qu'elle s'affiche en nombre pour exprimer la qualité de la table ou d'une recette. Curieusement pour cette utilisation de prestige, elle n'opte pas pour ce cuivre qui exige tant de soin. Elle évite cependant le fer blanc qui ne trouve plus de rétameur lorsqu'il y a un petit trou.
La casserole est condamnée à l'excellence puisqu'à la moindre anicroche, elle finit au rebut pour une nouvelle matière soudainement à la mode. La fonte ou bien la pierre, l'inox ou bien l’aluminium et même le titanium pour ceux qui parlent encore un latin de cuisine, se bousculent dans les placards, s'offrant même le luxe de la queue amovible.
Elle se couvre d'un couvre-chef qui n'a rien d'une toque, un couvercle qui aime la transparence tout en préservant une petite cheminée pour exhaler ses parfums. Comme la vapeur n'attend pas le nombre des années, elle croit toujours que la hotte sera sa fidèle compagne. Gare à qui l'oublie, la cuisine se fait alors hammam.
Elle enchante mon palais et mes narines, elle est la compagne de mes préparations et je lui devais bien ce petit billet qui exprime par le menu combien je lui voue une profonde admiration.
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