Une bonne pâtée
Cette expression populaire n’est pas sans rapport avec un épisode méconnu de l’histoire de France. Il s’agit de la bataille de Patay, une belle victoire remportée sur les Anglais, quatorze ans après l’humiliante défaite d’Azincourt. Elle montre que les Français sont capables de gagner quand ils en ont la volonté, quand ils sont unis, avec une bonne organisation.
L’origine de l’expression « prendre une pâtée » qui signifie en langage sportif « subir une cuisante défaite » n’est pas certaine. On ne voit pas bien quel peut être le rapport entre cet aliment pour animaux domestiques et une correction infligée à des joueurs de foot. Pourtant l’expression est ancienne, car on la trouve déjà chez Rabelais.
L’histoire de la guerre de Cent Ans permet d’avancer une hypothèse assez plausible. En 1415, le roi d’Angleterre, l’ambitieux Henri V, débarque en Normandie. Son projet est d’occuper toute la France, gouvernée par le malheureux Charles VI qui a sombré dans la folie depuis 1392. Il prend Harfleur, le 22 septembre, puis il écrase l’armée française à Azincourt, le 25 octobre. La défaite des Français, malgré une supériorité numérique écrasante, est due essentiellement au manque de coordination. Ne pouvant pas assurer la garde des prisonniers qui étaient plus nombreux que leurs propres soldats, les Anglais en ont massacré un grand nombre. On a évalué les pertes à quatre cents hommes du côté anglais, sept mille du côté français.
Les prétentions d’Henri V à la couronne de France étaient justifiées par le fait qu’il était, par sa mère, le petit-fils de Philippe le Bel. Tandis qu’il avait instauré l’ordre en Angleterre, la France s’était divisée en factions rivales. A la faveur de ces divisions, Henri V fait alliance avec le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Leur projet commun est de se partager le royaume de France.
La défaite d’Azincourt permet à l’armée anglaise et à l’armée bourguignonne d’occuper tout le territoire au nord de la Loire. En 1420, Charles VI signe l’humiliant traité de Troyes par lequel il reconnaît le nouvel ordre de succession : « Les deux couronnes de France et d’Angleterre demeureront ensemble et seront à une même personne, à savoir notre fils le roi Henri, tant qu’il vivra et de là aux personnes de sa descendance ».
Henri V et Charles VI meurent tous les deux en 1422. Le nouveau roi d’Angleterre Henri VI donne à son oncle Jean, duc de Bedford, le titre de régent de France. Le dauphin, qui n’est pas encore Charles VII, se replie à Bourges. Et c’est au château de Chinon, en février 1429, que Jeanne d’Arc viendra le trouver pour lui demander de lever une armée afin de délivrer Orléans, assiégée par les Anglais et les Bourguignons.
Orléans est délivré le 8 mai, Beaugency le 17 juin. L’armée anglaise, conduite par Talbot, se replie vers le nord. L’armée française, conduite par Dunois, le bâtard d’Orléans, assisté de Jeanne d’Arc, se met à sa poursuite. Surprise au matin du 18 juin, l’armée anglaise n’a pas le temps de se mettre en ordre de bataille. Selon le chroniqueur Guillaume Gruel, Talbot avait décidé de tendre une embuscade aux Français. Il avait placé ses troupes de part et d’autre de la route, derrière d’épaisses haies. Or, à la vue d’un cerf sorti d’un bois, les Anglais se mettent à crier, ce qui révèle leur présence aux Français. Une partie des Anglais est prise à revers, les autres s’enfuient. Plus de 2 000 Anglais sont tués, Talbot est fait prisonnier. Belle revanche sur Azincourt ! Les Français ne comptent de leur côté que deux morts.
Le couronnement du roi à Reims, puis la capture, le procès et l’exécution publique de Jeanne d’arc, à Rouen, ont un peu éclipsé la victoire de Patay dans l’histoire de France. Mais à en croire les chroniqueurs l’effet moral fut immense, tant du côté français que du côté anglais. La retraite des Anglais et des Bourguignons aurait pu être plus rapide, mais elle a été ralentie par de nombreuses intrigues dans l’entourage de Charles VII. La dernière bataille de la guerre de Cent Ans a été livrée à Castillon le 7 juillet 1453. Vingt-deux ans après la mort de Jeanne d’Arc, les Anglais sont chassés hors de France.
À la prochaine défaite d’une équipe anglaise, les journaux français pourront donc écrire : « ils ont pris une belle Patay ».
Je ne suis pas historien. Que les historiens me pardonnent si j’ai commis quelques inexactitudes. Toutes mes informations proviennent du livre de Régine Pernoud, La Libération d’Orléans.
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