Initiation à la géographie sacrée
Extrait d'un prochain ouvrage en cours d'écriture.
Depuis l'aube de l'humanité, les Hommes ont considérés certains lieux naturels comme sacrés, qu'il s'agisse de montagnes, de grottes, de forêts ou encore de lacs. Les fidèles ont alors bâti avec les moyens de l'époque des monuments dédiés aux cultes, d'abord sans doute de simples mégalithes pour arriver quelques milliers d'années plus tard à la construction d'immenses temples. L'étude de l'emplacement de ces monuments, qui correspond à des règles géométriques bien précises est appelée géographie sacré. Si la localisation des lieux de culte sur une carte peut constituer diverses figures géométriques, l’alignement, que l’on nomme ley line dans le monde anglo-saxon, en constitue la forme la plus fréquente.
L’alignement le plus connu est sans doute celui qui relie de nombreux temples dédiés à saint Michel répartis entre l'Irlande et la Grèce. On peut retrouver la liste des lieux concernés sur le site très documenté d’Henri Pornon, géomètre-expert topographe de formation, consacré à la géographie sacrée :
https://www.geographie-sacree.fr/Ligne_Apollon_Athena.r.htm
Si nous retenons seulement les six principaux lieux consacrés à l'archange, respectivement du Nord-Ouest au Sud-Est, nous obtenons la liste suivante :
- le monastère de l’île de Skellig Michael en Irlande
- le prieuré de Saint Michael’s Mount en Angleterre
- l’abbaye du Mont-Saint-Michel en France
- l’abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse en Italie
- le sanctuaire de San Michele Arcangelo du Monte Gargano en Italie
- le monastère de saint Michel, sur l’île de Symi en Grèce
Cette ligne imaginaire est appelée épée de saint Michel et représente symboliquement le coup d’épée donné par l’archange au démon. En fait, le Monastère Stella Maris ou Monastère du Mont Carmel en Israël est censé faire partie de la liste, permettant ainsi d’avoir sept sites, nombre sacré dans de nombreuses religions. Mais comme ce dernier monastère bâti sur une grotte dite d’Elie, ne semble avoir en réalité aucun lien probant avec saint Michel, il ne sera pas retenu ici.
Concernant trois des lieux, il existe une autre particularité étonnante : l’abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse est située à équidistance du Mont-Saint-Michel et du Sanctuaire du Monte Gargano, soit à environ 1000 kilomètres à vol d’oiseau des deux autres sites. Autant dire que le hasard semble n'avoir que peu de place dans la localisation de ces lieux cultuels.
Selon la tradition chrétienne, ces sites sont dédiés à saint Michel, car l’archange y fit soit une apparition comme au mont Gargano vers 490 ou au Saint Michael’s Mount, soit il exhorta l’évêque ou l’ermite local à y faire bâtir un monument comme au Mont-Saint-Michel en 708 ou à Saint-Michel-de-la-Cluse aux alentours de l’an mille.
Mais concernant le Monte Gargano, il est reconnu qu’avant le culte du saint, on y célébrait Mithra, une divinité solaire. De même, le monastère de saint Michel en Grèce a été bâti sur les ruines d'un temple d’Apollon et là où est construite l’abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse, on vénérait le dieu Lug, lui aussi associé à la lumière. Et pour le Mont saint-Michel, l'article Wikipédia consacré à l'ilot Tombelaine tout proche indique :
Une autre étymologie mythique associe Tombelaine au dieu gaulois Belenos, à savoir tumulus Belenis, le « tumulus de Belenos », dieu gaulois de la guerre, de la lumière et guide des morts, triple fonction reprise par l'archange Michel dans les croyances chrétiennes.
Il est donc certain qu’au moins quatre des points de l'épée de saint Michel étaient consacrés précédemment à une divinité solaire. Il est alors temps de constater que la ligne passe en plus par deux sites majeurs associés à Apollon, l'île de Délos et le sanctuaire de Delphes : Délos correspond au lieu de naissance d’Apollon et c’est à Delphes que vivait l’oracle du dieu et que se trouvait l'Omphalos, une pierre sacrée représentant le centre du monde.
Cela fait donc pas moins de six sites majeurs dédiés à la vénération de divinités solaires, alignés les uns avec les autres. Autrement dit, dans des temps antérieurs au culte de saint Michel, des hommes ont coordonné la construction de temples répartis sur plusieurs milliers de kilomètres, à travers différents pays et à différentes époques !
Aux esprits chagrins qui ne manqueront pas de faire remarquer qu’il existe une majorité de temples solaires qui ne sont pas sur cette ligne, il est bien évident que l’adoration de ces divinités étant très populaire et s’étalant sur plusieurs siècles, les lieux de culte sont forcément répartis sur l’ensemble des territoires, au plus proche des fidèles et que seuls les plus emblématiques figurent sur ce tracé. D’autre part, on peut toujours chipoter sur l’alignement plus ou moins parfait de ces différents lieux, mais il faut le considérer avec les moyens de l’époque, ce qui représente une prouesse incroyable.
Il est vrai que des auteurs ayant assimilé ces alignements à des lignes de force tellurique, voire aux trajets que suivaient les ovnis, la géographie sacrée est hélas le plus souvent considérée comme une pseudoscience. A chacun de se faire sa propre opinion, mais nous ne pouvons que reprendre à notre compte le constat d’Henri Pornon figurant sur son site :
C’est d’ailleurs une difficulté de cette entreprise, de trouver un juste milieu entre le scientisme anti-spirituel de notre époque, qui tendrait à contester en bloc toutes ces observations, en même temps que l'idée d'une réalité autre que matérielle, et la crédulité, voire la malhonnêteté de certains auteurs dont les analyses ne reposent sur aucun fondement sérieux, et qui tendraient au contraire à identifier ou à fabriquer des correspondances de partout.
Si pour nous, il n’y a pas de doute concernant une volonté humaine derrière cette réalisation, il est malheureusement impossible d’en identifier les concepteurs surtout que la ligne passe par d’autres sites célèbres parmi lesquels Bourges et sa fameuse cathédrale, le temple d’Artemis à Corfou ou encore le sanctuaire d’Eleusis, des édifices bâtis pour des motifs différents et sur une période de plus de mille ans.
Mais le fait que la majorité des sites dédiés à saint Michel soient construits sur des temples initialement associés au culte solaire, avait déjà été signalé. On peut citer l’historien breton Jacques Cambry en 1798 dans son livre Voyage dans le Finistère ou état de ce département en 1794 et 1795 en faisant référence au mont Saint-Michel de Brasparts :
Sur le point le plus élevé des montagnes d’Arès, à près de deux lieues de la Feuillée, est une chapelle antique, consacrée sans doute au Soleil, dans les temps les plus reculés, comme le rocher de Tombelène en Normandie, comme le mont Penninus, comme tous les hauts-lieux : c’est à présent saint Michel qu’on y révère. Dans les belles nuits, on le voit quelquefois déployer ses aîles d’or et d’azur, et disparoître dans les airs.
On peut aussi en trouver de nombreuses références dans le très bel ouvrage Saint Michel écrit par un collectif d’auteurs et publié aux éditions du cerf, comme ici sur le lien avec Apollon dans la région de Colosses en Phrygie :
Dans cette région, avant saint Michel, c’étaient Héraclès et Apollon qui étaient vénérés par la population. (p27)
Ou encore avec Lug ou Mithra, en sachant qu’un mitreum, ou mithréum, désigne un sanctuaire du culte de Mithra :
La typologie michaélique est une des questions qui tourmente le plus les historiens des religions. Nous n’avons pas besoin de revenir ici sur la question déjà débattue de ses rapports avec Mithra, qui déplaceraient le débat vers l’angélologie et la mythologie indopersanes. (p48)
Datée des premières décennies du XIVieme siècle, les fresques de l’église Santa Maria del Parto à Sutri (Viterbe), édifiée sur un mitreum et dédiée à l’origine à saint Michel, sont de la même teneur. (p61)
Michel aime les hauteurs. Et le pèlerinage voulu par le pape Urbain était né sans nul doute aussi sous ses auspices, sous sa protection. De fait, c’était, sur un pic élevé, élancé, coupant comme une lame, qu’au Puy, on vénérait l’archange dans une chapelle dont la petite taille n’avait d’égal que la splendeur, saint-Michel d’Aguilhe : le lieu avait été semble-t-il anciennement le siège d’un autre sanctuaire dédié à Lug-Hermès-Mercure. (p55)
Le fait que ces lieux consacrés à saint Michel soient tous situés sur des hauteurs s’explique alors parfaitement : comme ils étaient antérieurement des sites dédiés au culte solaire, leur emplacement permettait de visualiser l’astre solaire du lever au coucher. Et on peut ainsi se poser la question de la véritable étymologie du mot belvédère qui proviendrait nous dit-on de l’italien bel (beau) et de vedere (voir). Il est fort probable que la racine bel doit plutôt être comprise primitivement comme l’indication du dieu Belenos, le dieu que l’on célébrait le jour de la fête de Beltaine et qui donna son nom à l’adjectif qualificatif associé à la beauté.
Si l’on en croit le même ouvrage, il existe un autre point commun entre plusieurs de ces sites :
Les lieux dédiés à l’archange se trouvent souvent sur des hauteurs ou des montagnes…ou encore dans des grottes situées dans des lieux élevés, parfois difficiles à atteindre et devenues souvent destination de pèlerinage (sanctuaire de Saint-Michel à Monte Sant’ Angelo dans les Pouilles, grotte de l’Ange à Olevano sul Tusciano en Campanie, grotte de Saint_Michel à San Chirico Rapàro en Basilicate)… (p57)
Là non plus pas vraiment de hasard : il s’agit d’une des caractéristique du culte initiatique de Mithra.
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