Jacques Bouveresse et la connaissance de l’écrivain
J’ai à plusieurs reprises fait part, en filigrane, d’un de mes dadas, la fiction. En effet, je suis convaincu (comme bien d’autres) de l’importance de la littérature, du cinéma, des séries etc. dans nos manières d’agir et de penser. Les publicitaires, marketeurs et autres consultants qui tablent sur l’influence de leurs propres messages ne pourront qu’être d’accord. Dès lors, être attentif à notre histoire artistique et aux formes actuelles de l’art (d’avant garde ou de masse) est un passage quasi-obligé pour comprendre et analyser les mouvements d’opinions et de pensées qui animent notre société.
Le dernier livre de Jacques Bouveresse qui vient tout juste de sortir est à ce titre une contribution importante. Le philosophe, professeur au Collège de France, nous propose une trentaine de réflexions, sous forme de fragments articulés entre eux, sur les rapports entre la littérature, la philosophie et la vie. Je ne retiendrai ici qu’un point de son ouvrage, issu de la première réflexion (comme quoi, je ne suis pas allé chercher bien loin : de par leur position et leur fonction dans l’espace social, certains écrivains (dont Proust est l’étendard) peuvent se libérer des contingences les plus insidieuses (matérielles et idéologiques) et offrir à leurs lecteurs une “connaissance pure” :
“La connaissance pure est une connaissance qui, comme c’est le cas justement de celle de l’écrivain, ne comporte rien de spécialisé et de professionnel, ne raisonne pas en fonction des conséquences et des applications pratiques, et ne se préoccupe que de la vérité. Se détourner de la recherche de celle-ci revient, pour Proust, à se détourner de la littérature elle-même ; et c’est ce que font ceux qui s’efforcent de la mettre au service d’objectifs qui, en réalité, ne constituent que des prétextes pour s’éloigner d’elle et échapper à ses exigences, comme la description exacte des faits ou de la réalité, le triomphe du droit, l’intérêt de la nation, etc.” (”Littérature et connaissance”, La connaissance de l’écrivain, p.19)
La dernière réflexion du livre fait écho à cet extrait lorsque Jacques Bouveresse rappelle que
“Selon Proust l’art exprime pour autrui et rend visible pour nous-mêmes notre vraie vie, que normalement nous ne pouvons pas observer et ne voyons pas” (”La connaissance de l’écrivain et les gens ordinaires”, La connaissance de l’écrivain, p.225)
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