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Accueil du site > Culture & Loisirs > Extraits d’ouvrages > Jean-Luc Marion : Stéphane Mallarmé et le concept de laïcité

Jean-Luc Marion : Stéphane Mallarmé et le concept de laïcité

 

J.-L Marion : Stéphane Mallarmé et le concept de laïcité

Brève apologie pour un moment catholique

Brève apologie pour un moment catholique

Présentée par Bruno Siméon, Dimitri Vetois, Guy Colrat, Jean-Claude Martin, Robin Guilloux Guy Colrat et son équipe commente l'ouvrage de Jean-Luc Marion, philosophe et académicien français, ...

https://rcf.fr/spiritualite/breve-apologie-pour-un-moment-catholique

Ecrit à la toute fin de la vie de l'auteur, publié en 1897 à la Bibliothèque-Charpentier,Divagations est un recueil de textes poétiques et de réflexions en prose de Stéphane Mallarmé. D'une grande modernité, cet ouvrage introduit pour la première fois en littérature la notion d'« essai poético-critique », à savoir un mélange entre poésie, essai et critique. L'ouvrage se compose de deux parties : d'abord une suite de poèmes en prose ; puis les « divagations » proprement dites, accumulation de réflexions critiques sur divers sujets.

Sommaire de l'ouvrage : Un livre comme je ne les aime pas [prologue) - Anecdotes ou poèmes - Volumes sur le divan - Quelques médaillons et portraits en pied - Richard Wagner, rêveries d'un poète français - Crayonné au théâtre - Crise de vers - Quant au livre - Le mystère dans les lettres - Offices - Grands faits divers

Étienne Mallarmé, dit Stéphane Mallarmé, né à Paris le 18 mars 1842 et mort à Valvins (commune de Vulaines-sur-Seine, Seine-et-Marne) le 9 septembre 1898, est un poète français, également enseignant, traducteur et critique.

Jean-Luc Marion évoque dans son dernier livre : Brève apologie pour un moment catholique (Grasset, 2017), à propos de la notion de "laïcité", le témoignage de Stéphane Mallarmé.

Le poète vivait douloureusement "l'absence de Dieu" qui, rappelle l'auteur, faisant référence à la théologie apophatique, n'est pas "la mort de Dieu", mais "un mode de sa présence" - sinon la Foi se confondrait avec le savoir et Dieu avec la création - on retrouve le même paradoxe à propos de la notion "d'Etre" (le retrait, l'oubli de l'Être) dans l'oeuvre de Heidegger, chez qui Dieu, cependant, n'est pas l'Etre (comme chez Saint Thomas d'Aquin), mais l'Etre la dimension dans laquelle le divin se déploie.

Mallarmé pressentait, "en pleine période d'incubation de la Loi de 1905" que la "laïcité" serait appelée à remplacer le Dieu absent chez les "sujets de la science" (Lacan).

"La Laïcité" n'est pas la séparation des Eglises et de l'Etat - le mot ne figure d'ailleurs nulle part dans la Loi de 1905 -, mais, comme le dit Mallarmé, une notion "qui n'élit aucun sens". Le poète redoutait que cette notion indéfinie ne fût appelée à jouer le rôle de "supplément d'âme" de la science, alors qu'en vertu du scientisme même et de la séparation des Eglises et de l'Etat - et non de la "religion" et de l'Etat, la notion de "religion" étant aussi vague que celle de "laïcité" - les tenants de ladite "laïcité" devraient s'interdire d'investir le domaine des dogmes et du sacré, qu'ils n'ont aucune qualité pour juger.

L'inféodation des Eglises et des croyances à un doctrine d'Etat est dans la logique de la "laïcité de combat" et on sait à quoi a abouti cette entreprise que l'on est en droit de qualifier de "totalitaire" dans l'Histoire récente, aussi bien en URSS que dans l'Allemagne nazie.

Comme le rappelle Albert Camus : "Mal nommer les choses, c'est ajouter du malheur au monde." C'est pourquoi il convient de substituer au mot "laïcité" ceux de "neutralité" et de "séparation" et au mot "religion", le mot "Eglises".

On parlera donc de "Loi de séparation des Eglises et de l'Etat" et on abolira "laïcité", "bibelot d'inanité sonore" - dont l'origine chrétienne, comme le rappelle aussi J.-L. Marion, est attestée dans un tout autre sens -, en mémoire d'un poète prétendument "ésotérique", auquel l'obstiné souci du vocable juste a coûté tant de tourments : "Eux, comme un vil sursaut d'hydre / Oyant jadis l'Ange, donner un sens plus pur aux mots de la tribu..." (Stéphane Mallarmé, Le tombeau d'Edgar Poe)

"Il ne faut pas reprocher aux "laïcs" (et aux Lumières) de s'opposer aux "religions", mais d'abord de s'imaginer savoir ce dont on parle quand ils prononcent ce mot.

Ils se pourrait d'ailleurs que la laïcité n'offre aucun concept du tout. Ce fut la conviction de Mallarmé : "Considérons aussi que rien, en dépit de l'insipide tendance, ne se montrera exclusivement laïque, parce que ce mot n'élit pas précisément de sens." ("De même", in Divagations, éd. B. Marchal, Oeuvres complètes, Paris, Pléiade, 2003, t.2, p.244) Et Mallarmé savait de quoi il parlait, puisqu'il écrivait ces lignes durant la plus intense période d'incubation de la loi de 1905.

Lui-même "athée", se sachant déserté de Dieu (en quel sens, ceci reste une autre question), il éprouva à l'extrême le manque des noms divins, qui résultait du retrait de la spiritualité et surtout de la liturgie catholique. Lui-même consacra beaucoup de sa meilleure attention à tenter de reconstruire, par les moyens du Livre, de la lettre poétique et de la performance théâtrale, les linéaments d'une telle liturgie (comme Wagner et sans doute d'un meilleur, plus probe échec que le sien).

Espérant d'autres cérémonies, mais sachant fort bien qu'aucune ne retrouverait la "Présence réelle" : ou que le dieu soit là, diffus, total, mimé de loin par l'acteur effacé, par nous su tremblants" ("Catholicisme", in Divagations, ibid., p.241). Il n'imaginait certes pas un instant que ce sacré, voire cette sainteté, puisse surgir de la supposée "laïcité" : "Une prétention qui se targue de laïcité, sans que ce mot invite sens, liée au refus d'inspirations supérieures, soit, tirons-les de notre fonds, imite à présent, dans l'habitude, ce qu'intellectuellement la discipline de la science omettait.

La "laïcité ne sait pas ce qu'elle veut, ni donc ce qu'elle dit, puisqu'elle prétend tirer de son propre fonds ce que par ailleurs elle récuse en vertu de son scientisme, puisqu'elle tente d'investir un domaine auquel elle a dénié toute réalité et dont elle se ferme elle-même l'accès. Il ne reste que cette contradiction, "le risque de choir ou de les prouver, dogmes et philosophie" (ibid., p.241).

Quand elle veut se conquérir un sens positif (c'est-à-dire polémique contre les "religions", donc d'abord contre le catholicisme), elle se mêle de dogmes, mais de dogmes qu'elle ne veut ni ne peut établir et qu'elle nomme d'un terme qui n'a pas de sens positif, des "valeurs". Ainsi, à vouloir énoncer ce qu'elle ne peut penser, risque-t-elle de virer totalitaire." (Jean-Luc Marion, Brève apologie pour un moment catholique, p.76-78)


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27 réactions à cet article    


  • papakill papakill 15 janvier 2018 11:02

    Intéressant cet article par rapport au mot laïcité.

    Le détournement du sens d’un mot est un élément important pour biaiser l’appréhension de certains concepts.


    • njama njama 15 janvier 2018 12:19

      Bonjour Robin Guilloux
      « La Laïcité » n’est pas la séparation des Eglises et de l’Etat - le mot ne figure d’ailleurs nulle part dans la Loi de 1905 -,...
      C’est très juste le mot n’y figure pas, mais il y a toutefois une grande pertinence sémantique essentielle il me semble puisque la société religieuse, catholique particulièrement sous nos latitudes, était composée de clercs,  et de laïcs, ouailles sans prérogatives ni droits que ceux de se soumettre à l’autorité des premiers consacrés, à leurs dogmes intangibles, à l’autorité papale indiscutable et infaillible, aux saints sacrements.
      Symboliquement je trouve que c’était une reprise en main de la société civile qui n’avait plus envie d’être cornaquée par le clergé, censé représenté l’autorité divine ici-bas. Jésus ne fit-il pas la même chose pour libérer ses frères de foi de l’autorité des docteurs et du sanhédrin et de leurs déviances, prêchant de rendre à César ce qui lui revenait.

      Cela n’ôtait rien aux croyants, qui restaient laïcs à part entière, bien au contraire puisque ça leur apportait liberté de jugement et de conscience dont ils avaient été dépouillés par allégeance culturelle, atavique, et dont ils n’avaient du coup plus à en rendre compte en confessions.
      La séparation des pouvoirs religieux et politiques, n’est juste qu’une analogie de séparations des mêmes pouvoirs cléricaux et laïcs, qui s’exerçaient sur la cité temporelle.


      • Pascal L 15 janvier 2018 13:32

        @njama
        «  laïcs, ouailles sans prérogatives ni droits que ceux de se soumettre à l’autorité des premiers consacrés, à leurs dogmes intangibles, à l’autorité papale indiscutable et infaillible, aux saints sacrements »

        Les laïcs n’ont justement pas l’obligation de se soumettre à l’autorité ecclésiastique alors que les personne consacrées font un vœux d’obéissance. Etre laïc, pour un Chrétien, c’est être libre et c’est justement cette liberté qu’à combattu le concordat et faisant main mise sur les clercs. Il faut être libre pour être chrétien. Le clergé ne représente aucunement l’autorité divine, Dieu nous a fait libre, ce n’est pas pour nous soumettre a un quelconque pouvoir. Vous pouvez relire dans saint Luc, les rapports entre le Christ et le pouvoir dans l’épisode de la tentation au désert (Luc 4, 5-7) et vous comprendrez la position des Chrétiens. La loi de 1905 nous a rendu libres, non du clergé, mais de la tutelle de l’Etat.

        De même, il ne faut pas communautariser les Chrétiens. Ceux-ci ont le devoir d’être présents dans toute la société, sans exceptions. Il n’existe aucune loi chrétienne qui permet de les séparer des non-Chrétiens : pas d’interdits alimentaires, pas d’obligation de rites...

        Par ailleurs aucun dogme n’est intangible. Ils peuvent évoluer et c’est ce qui s’est souvent passé dans l’histoire, mais l’évolution est soumise à un consensus. Cela peut prendre du temps, donnant cette impression d’immuabilité, parfois plus d’un siècle, mais au moins tout le monde est d’accord. Il faut voir les dogmes comme une photographie instantanée de l’Etat de nos connaissance sur Dieu et la foi.

        L’infaillibilité papale ne peut être invoquée que très rarement et dans un contexte d’enseignement où le consensus est déjà passé par là. Elle permet de calmer ceux qui n’acceptent pas le consensus pour maintenir l’unité des Chrétiens.

        Quand aux sacrements, ils n’ont pas d’autorité en soi. Ils permettent de maintenir le contact avec le Christ vivant.

        Ne confondez pas l’islam avec le christianisme.

      • njama njama 15 janvier 2018 16:58

        @Pascal L

        Laïcité provient du mot laïc, qui lui donne tout son sens. D’un temps où le monde était partagé exclusivement entre clercs et laïcs. Le terme athée est très récent, les premiers étaient qualifiés de nihilistes puisque Dieu était TOUT et qu’ils ne croyaient en rien (nihil en latin).
        La société civile s’est donc par la loi de 1905 séparée des clercs . Faut-il s’en plaindre  ?
        De mon point de vue non puisqu’ils disposent comme tout un chacun de la citoyenneté et des prérogatives de postuler des mandats s’ils souhaitent exercer des fonctions politiques. Les clercs ne sont nullement lésés par cette loi.

        S’il y a problème, il vient de l’Église qui a toujours vu d’un mauvais œil les rares engagements politiques de ses prêtres qu’elle décourageait. Peur qu’ils virent communistes comme Jésus peut-être ? qu’ils se mettraient vraiment à défendre la cause des pauvres ?  smiley
        La théologie de la libération est la bête noire de la Congrégation pour la doctrine de la foi c’est bien connu.
        Ce n’est pas la laïcité qu’il faut réformer, c’est l’Église qui est anachronique, elle continue de fonctionner peu ou prou comme un parti conservateur.


      • Pascal L 16 janvier 2018 15:12

        @njama
        Décidément, votre connaissance de l’Eglise est pleine de poncifs et d’idées reçues. La séparation ente clercs et laïcs n’existe que dans l’Eglise catholique et c’est lui donner bien de l’importance en l’assimilant au monde. Vu de l’extérieur, il s’agit d’individus comme tout le monde.

        La loi de 1905 n’a pas séparé les individus mais les structures. Relisez les auteurs de XIXème siècle et vous comprendrez que la France n’est plus catholique depuis les XVIIème siècle au moins. Si l’Eglise avait encore de l’influence au XIXème siècle, c’est à cause de la volonté des hommes politiques athées qui tenaient le pouvoir depuis la révolution ! Le concordat n’avait pas d’autre but que maîtriser cette église tout en la spoliant régulièrement de tous ses biens. Les pays restés concordataires comme la Belgique ont des églises vides, ce qui n’est pas le cas en France, du moins dans les grandes villes.
        La loi de 1905 a libéré l’Eglise de cette tutelle mortelle qu’est le concordat. Il s’agissait principalement de calmer les esprits en reconnaissant la spoliation des biens de l’Eglise. Cela se concrétise par une promesse d’entretien des biens qui restaient affectés au culte comme les églises dont l’Etat ne pouvait pas faire grand chose. 

        « Les clercs ne sont nullement lésés par cette loi. » Au début, quelques-uns ont regretté les salaires qui n’étaient plus versés, mais ils ont gagné en liberté. Pour le reste, rien n’est changé. Il y avait plus de prêtres députés avant la loi de 1905, mais l’éloignement du pouvoir leur à fait comprendre qu’il ne pouvait à la fois obéir à Jésus et à un chef de parti.

        « Peur qu’ils virent communistes comme Jésus peut-être ? » Il faut bien mal connaître l’enseignement de Jésus pour sortir une telle affirmation. Le communisme est bien postérieur à Jésus et peut parfaitement être compris comme une hérésie de l’enseignement de Jésus. Hérésie où le salut n’est plus auprès de Dieu, mais sur terre après le grand soir. Il s’agit de l’hérésie messianiste que l’on retrouve également dans l’islam. Dans ce cas, il devient nécessaire de détruire toutes les personnes qui empêchent l’avènement de ce salut terrestre par un formidable renversement des valeur. Le mal devient un bien lorsqu’il s’agit de mettre en place le salut en court-circuitant Dieu. Dans l’enseignement du Christ, l’amour est premier et doit conduire tous nos actes. Personne ne doit faire de mal à personne et toute épuration est un péché. 

        La théologie de la libération est un mal dans la mesure où elle s’associe à une œuvre de destruction. L’église a réagi en reprenant ce qui était bon dans cette théologie par la définition de l’option préférentielle pour les pauvres. La pauvreté doit être combattue, mais en aucun le mal ne peut être battu par le mal. Il s’agit d’u combat perdu d’avance car le résultat d’un tel combat est encore le mal. L’Eglise soutient un nombre considérable d’œuvres qui travaillent contre la pauvreté : Secours Catholique, CCFD, frères de Saint Vincent de Paul, sœur de la charité, œuvre d’Orient... Les hôpitaux et les écoles en France ont été fondés par des ordres religieux avant que l’Etat ne les confisque.

        Si vous dites que l’Eglise est anachronique alors vous affirmez que Jésus est anachronique. Je vous laisse défendre cette idée face à lui. Vous dites que Jésus était communiste et les Musulmans affirment qu’il était Musulman ce qui prouve bien que sont enseignement est bien contemporain puisque tout le monde veut encore le récupérer.

      • njama njama 15 janvier 2018 12:19

        La loi de 1905 est carrément évangélique smiley


        • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 13:29

          La loi de 1905 est carrément évangélique 

          @njama
          Oui, comme le Coran qui prescrit la chose suivante (X,5) :
          « Les mois sacrés expirés, tuez les idolâtres partout où vous les trouverez, faites-les prisonniers, assiégez-les et guettes-les en toute embuscade ; mais s’ils se convertissent, s’ils observent la prière, s’ils font l’aumône, alors laissez-les tranquilles, car Dieu est indulgent et miséricordieux »

          C’est à cause de ces sortes d’injonctions destinées aux musulmans qui font la sottise de prendre au sérieux le Coran qu’il me paraît moins que jamais souhaitable d’essayer de faire la peau au concept de laïcité. Dans certaines traductions, « idolâtre » est remplacé par « associateurs », c’est-à-dire que les chrétiens eux aussi, du point de vue de l’islam, méritent la mort.

          Les chrétiens en ont fini depuis des siècles avec le fanatisme. Ils sont les premiers désormais à déplorer les guerres de religion et les massacres de la Saint-Barthélémy de 1572 ; il n’y a pas à craindre qu’ils s’attaquent demain en France aux athées, aux musulmans et aux bouddhistes. Mais si on laissait faire l’islam, il pourrait finir par leur arriver ce qu’ont connu ces dernières années les chrétiens d’Orient. Je pense à ces Coptes qu’on fait sortir d’un car de tourisme, dont on vérifie les papiers avant de les envoyer dans l’autre monde en leur tirant une balle dans la tête.

          La loi de 1905 est imparfaite, comme toutes les lois, mais tant qu’elle existera et qu’elle sera appliquée, on ne verra pas ça en France.


        • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 13:38

          ERRATUM
          sourate IX (le repentir) et non pas X : faute de frappe. Il y en a d’autres, mais on corrigera aisément. Excuses


        • njama njama 15 janvier 2018 14:32

          @Christian Labrune

          vous savez lire ?
          Que viennent faire ici le coran, l’islam, et fanatisme. Merci toutefois de nous concéder au passage que la charia catholique a existé par le passé  smiley
          Je rajoute
          Jésus ne fit-il pas la même chose pour libérer ses frères de foi de l’autorité des docteurs de la loi et du sanhédrin et de leurs déviances, prêchant de rendre à César ce qui lui revenait, chassant les marchands du temple etc ....

          Chacun comprend qu’au travers de cette loi de 1905, la vie civile s’est libérée de la tutelle des pouvoirs religieux, lesquels sont inventions des hommes, dont l’autorité est fort discutable dans un paysage national, républicain, qui accorde statutairement à chacun importance égale de citoyen. La hiérarchie est donc étrangère à la nation, en dehors de fonctions précises dans ses institutions.

          Si vous y réfléchissez un peu, en regardant attentivement l’architecture d’une église, elle est restée reflet parfait de l’organisation féodale, le clergé est dans le chœur, déambulatoire et absidioles autour de l’Autel, séparé du peuple par le chancel, la noblesse ou bourgeoisie devant au bord du transept, la plèbe derrière sous la nef ... Il fallait bien que la révolution s’affranchisse de ce vieil ordre social.


        • njama njama 15 janvier 2018 14:49

          @Christian Labrune
          La loi de 1905 est imparfaite, comme toutes les lois,...

          Imparfaite ! je ne pense pas que l’adjectif soit pertinent. Un magistrat (dont j’ai publié le nom, il m’en excusera) disait « il n’y a de bonnes lois, que des lois générales ». Ô combien sa remarque est juste, tant elle résume l’Esprit des lois ! 
          Réformer des lois demande donc d’infinies précautions, et ne saurait de faire à la hussarde, sauf à les violer.

          Il n’y a pas deux laïcités identiques en €urope, observez celles de nos voisins. Et même au monde, chacune est le produit d’une histoire, de l’histoire de « sa » propre nation. Le mot laïcité n’existe pas en anglais par exemple, le concept politique leur est étranger outre-Manche.

          Je pense que certains aimeraient voir dans la laïcité une valeur universelle, voire philosophique, alors qu’elle n’est qu’un concept politique, d’organisation sociale.


        • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 14:53

          vous savez lire ?
          Que viennent faire ici le coran, l’islam, et fanatisme.
          ...................................................................... ...............
          @njama
          Ben oui, je sais lire ! C’est même à cause que j’ai lu votre pseudonyme toujours associé pour moi depuis que je visite ce forum, à la défense de l’islam et à l’antisémitisme qui va avec, que je me suis dit : tiens, voilà l’islam ! Qu’est-ce donc que peut bien venir faire l’islam à propos d’un article traitant surtout du christianisme ?

          Je vois, bien que je ne sois pas très sûr de vous avoir compris, que vous prendriez fait et cause pour la laïcité, maintenant. Vous vous seriez donc quelque peu « modéré » et vous ne prendriez plus tout à fait sérieux le Coran. C’est bien. Acceptons-en l’augure.
          A moins évidemment que vous ne trouviez des charmes à la laïcité que lorsqu’elle pourrait servir à clouer le bec à des koufar ?


        • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 15:24

          @njama

          Toutes les lois sont imparfaites, et toutes sont politiques. Elles sont rédigées par des Assemblées forcément politisées, et la loi de 1905 ne fait pas exception. Si elle est une « bonne loi », c’est précisément parce qu’elle est, comme vous dites, une « loi générale », que tout le monde admettait sans difficulté et même avec profit en France, 80 ans après son adoption.

          Les difficultés ont commencé avec l’apparition d’un islamisme qui a prétendu imposer aux musulmans de considérer que la charia était au-dessus des lois de la République. C’est tout à fait inacceptable, et il faudra bien que les musulmans, s’ils veulent rester en France, rentrent dans le rang, comme ceux des autres religions.

          Les bouddhistes, les juifs, les protestants, les confucianistes, les catholiques, n’ont jamais songé depuis un siècle à imposer leurs croyances à tout un peuple. Il n’y a donc aucune espèce de raison de les emmerder avec un principe de laïcité qu’ils respectent ou, comme je l’ai souvent entendu faire, de feindre de les mettre en cause pour des excès qu’ils ne commettent pas afin de pouvoir taper avec bonne conscience sur les musulmans sans avoir à craindre d’être taxé d’islamophobie par des imbéciles.

          La question de la laïcité, aujourd’hui, ne se pose que par rapport à l’islam, et c’est l’islam qui devra changer, pas l’inverse. Les autres religions n’auraient rien à gagner, surtout en ce moment, à remettre en question une loi qui les protège, sauf si elles tiennent, comme l’évêque de Rome, à se soumettre à l’islam. En voilà un qui ferait bien - je parle du pape-, de se souvenir un peu de Pie V et de Lépante !


        • njama njama 15 janvier 2018 17:01

          @Christian Labrune

          Le lobbying religieux est très intense à Bruxelles toutes obédiences confondues. C’est l’€urope qui est une menace pour la laïcité car elle promeut les communautarismes (Art. 17 du TFUE).


        • njama njama 15 janvier 2018 17:05

          @Christian Labrune
          l’€urope qui est une menace pour la laïcité car elle promeut les communautarismes

          il faudra vous y faire ... je pense qu’il sera très difficile d’inverser la vapeur, mais du moins pouvons-nous résister héroïquement de très haute lutte le plus longtemps possible pour faire honneur à notre passé républicain et à nos révolutionnaires


        • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 12:46

          Lui-même « athée », se sachant déserté de Dieu (en quel sens, ceci reste une autre question), il éprouva à l’extrême le manque des noms divins, qui résultait du retrait de la spiritualité et surtout de la liturgie catholique.
          ...................................................................... ...........................
          @Robin Guilloux
          Je ne pense pas qu’on puisse comparer un Mallarmé « déserté de Dieu » à un mystique en proie à la déréliction et tout à fait disposé, s’il le faut, à faire le deuil de l’exigence rationnelle. Mallarmé était athée, vous le reconnaissez, et cela implique l’attitude du philosophe qui continuera à s’interroger et à douter jusqu’à la mort sans jamais consentir au suicide de l’intellect cher à Pascal.

          J’ai la plus grande admiration pour Husserl, qui fut le grand philosophe du XXe siècle, entouré certes de chrétiens à la fin de sa vie, lesquels voyaient probablement dans sa pensée quelque chose de très éloigné d’un matérialisme naïf à la mode. Mais pour Husserl, Dieu reste "un index lors de la construction de certains concepts-limites dont l’athée lui-même a besoin quand il philosophe"(*).

          Je n’ai pas du tout la même admiration, cela va sans dire, pour un Jean-Luc Marion qui ne sera jamais pour moi un philosophe, mais un simple croyant-récupérateur. Un philosophe pense, doute, il ne croit pas, et s’il y a bien une « FOI perceptive » dans l’expérience du monde, il n’est pas question qu’elle ne soit pas interrogée, qu’elle puisse échapper à l’épochè et à la réduction éidétique. Marion récupère la phénoménologie husserlienne à peu près comme les fabricateurs du symbole de Nicée-Constantinople avaient pu bricoler une métaphysique de l’UN héritée de Plotin.

          Cette autre récupération, de Mallarmé cette fois, ne me paraît pas bien sérieuse, pas plus que quelques propos sur la notion de laïcité qu’on pourrait vouloir utiliser dans les débats actuels. J’y reviendrai peut-être, je n’ai pas le temps de creuser, et je n’ai pas lu les textes en question.

          Qu’il puisse paraître nécessaire que, dans une société, les masses croient à quelque chose, à je ne sais quelle instance dont ils pourraient craindre le jugement à la fin des temps et qui les induirait à bien se tenir dans ce monde, c’est déjà ce que pensait Voltaire, mais on est là dans ce que Spinoza avait appelé le théologico-politique, et fort loin des spéculations d’une métaphysique sérieuse et digne de ce nom. Un théologien ne pourrait assumer cela qu’à condition de pas croire lui-même à ce qu’il raconte.

          (*)Husserl Idées directrices, §79, page 265, note (a).



          • Gollum Gollum 15 janvier 2018 14:58

            @Christian Labrune

            Sur Mallarmé il est intéressant de se reporter à la préface d’Yves Bonnefoy des poésies de celui-ci dans la collection Poésie chez Gallimard.

            On y lit que Mallarmé était à la poursuite d’une expérience du Néant et qu’il semble bien en être arrivé au terme de ce néant : la possibilité d’être devenu totalement impersonnel. Les phrases citées de lettres de Mallarmé à Cazalis ont des résonances quasi védantines. Il écrit à celui-ci, en gros, que Stéphane est mort et que c’est l’Univers qui se voit et se développe à travers ce qui fut moi.

            Phrases, ô combien troublantes, et qui donne à l’athéisme supposé de Mallarmé une connotation fort différente de l’habituel athéisme.. Bien évidemment on peut toujours argumenter comme quoi ces phrases ne sont rien d’autre que délire de poète.. Par tempérament je préfère les prendre au sérieux.

            Je ne crois pas non plus que Mallarmé fut à cheval sur l’exigence de rationalité, ni qu’il fut philosophe.

            Sur l’importance de Husserl je vous suis tout à fait. 

          • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 15:37

            @Gollum
            C’est peut-être aussi qu’il ne faudrait pas réduire l’athéisme à la position d’un imbécile animé par le plus grossier matérialisme et tout à fait étranger aux spéculations métaphysiques. Après l’ivresse narcissique assez affligeante du romantisme, Mallarmé n’est pas le premier qui soit en quête de l’impersonnalité dans la « religion » de l’art pour l’art. Cela fait penser, effectivement, aux sagesses d’un extrême ’Extrême-Orient qu’on découvrait avec ravissement dans ces années-là et dont les « religions » se gardent bien, dans leurs spéculations les plus subtiles, de promettre un salut individuel et la vie éternelle.

            Ce que vous dites de la question du néant dans Mallarmé (Sartre avait écrit là-dessus un texte intéressant) me rappelle la définition que Paul Valéry donnait de l’univers : « un défaut du néant ». J’avoue qu’elle me convient assez.


          • Gollum Gollum 16 janvier 2018 14:50

            @Christian Labrune

            Tout à fait. Mais en Occident, athéisme rime avec matérialisme de manière générale.

            Alors que l’Orient connait un athéisme complètement différent, à savoir le bouddhisme.

            L’athéisme occidental fait dans le relativisme. L’Oriental est compatible avec un Absolu. Le Nirvana n’est pas du relatif.

            Mallarmé serait donc un athée épris d’absolu et qui l’aurait trouvé si on en croit sa prose.

            Paul Valéry donnait de l’univers : « un défaut du néant ». 

            Oui c’est une façon de faire du néant la matrice parfaite des choses.

          • Gollum Gollum 16 janvier 2018 14:57

            Je rajoute que pour l’Orient, Dieu n’est pas l’Absolu. Il s’agit d’un être créé. Le dieu créateur indien Brahma correspond à ce que nous appelons Dieu. Or Brahma finit par disparaitre lors de la Grande dissolution cosmique (Pralaya). Il est absorbé dans l’Absolu appelé Brahman.


            Dieu donc n’existe que parce qu’il y a du relatif. Il est l’image de l’Absolu mais il n’est pas l’Absolu. On a des concepts identiques chez le dominicain Eckhart quand il évoque un au-delà de Dieu appelé Déité.

          • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 13:15

            @Robin Guilloux

            Me revenaient en mémoire, au moment d’envoyer la petite remarque ci-dessus, les vers admirables au début du poème Apparition :

            La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
            Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
            Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
            De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.

            Mallarmé n’a jamais cru à l’existence des séraphins, mais dans la peinture des préraphaélites qui est fort proche de sa propre esthétique, on en voit partout. J’étais encore ce matin au Louvre, parce que c’était le dernier jour, à l’exposition sur François Ier et l’art des Pays-Bas. On y voit partout des anges, des vierges, des martyr(e)s et les trois hypostases du dieu chrétien. C’est un monde délicieux, qui existe très fortement dans notre imaginaire, aussi bien que les cantates et les passions de Bach. Il reste que je ne suis pas moins ému par les très subtiles cosmogonies des anciens égyptiens et les dieux d’un panthéon débordant, que par les inventions poétiques du christianisme. Isis allaitant Horus et la vierge à l’enfant, pour moi, c’est exactement la même chose. Je ne pourrais pas me passer des promenades dans les musées et les églises, mais ce n’est certainement pas là que je trouverai le moyen de comprendre quelque chose à l’émergence prochaine tout à fait prévisible d’une intelligence artificielle forte et à ce qui va en résulter du point de vue de la connaissance.


            • Robin Guilloux Robin Guilloux 15 janvier 2018 18:52

              @Christian Labrune


              Oui. vous reprenez la différence que fait Kant (et Husserl) entre la foi et le savoir et vous distinguez légitimement entre la dimension culturelle de la religion (l’art, la littérature, l’architecture, la peinture, la musique) et la foi proprement dite qui ne sont pas du même ordre (mais ça peut aider !)

              Je pense que Mallarmé éprouvait la nostalgie d’un monde où les oeuvres de Bach et la cathédrale de Reims ont été rendues possibles. Il n’avait probablement pas la foi, mais il avait la nostalgie de la foi et il voyait dans la liturgie catholique une sorte d’opéra, un spectacle total (mais un spectacle auquel il se sentait étranger, où il ne se voyait pas comme acteur).

              Mallarmé vivait sans doute très mal (plus mal qu’un autre) la « mort de Dieu » qui a transformé les « enfants de Dieu » en « sujets de la science » (Lacan). Le mot « laïcité » vient de laikos et dési gne ceux qui ne sont pas« clercs » (les évêques, les prêtres, les diacres). On peut donc être chrétien et laïc. 

              Mallarmé admettait la séparation des Eglises et de l’Etat, mais non la « laïcité de combat »,scientiste et antireligieuse.

            • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 22:11

              @Robin Guilloux

              Que le petit père Combes ait été un parfait imbécile, cela ne fait aucun doute, et il m’est arrivé aussi de voir des laïcistes un peu fanatiques, ce qui est un comble.

              Il ne fait aucun doute qu’on peut éprouver une certaine nostalgie : la pompe funèbre à l’époque de Louis-le-Grand, par exemple, c’était quelque chose. Et même aujourd’hui encore dans une modeste église de campagne, surtout si on a en tête, sinon dans les oreilles, le requiem de Fauré. C’est quand même autre chose qu’une crémation de libre-penseur au Père-Lachaise, avec invention de rites d’une solennité burlesque et qui paraissent bien inutiles. Nos contemporains ont cependant beaucoup de mal à s’en passer, parce que les rites, c’est réconfortant, et cela réconcilie avec un monde que les dieux ont voulu atroce.

              C’est peut-être bien dans le Contre Sainte-Beuve (mais je n’en jurerais pas) que Proust dit qu’il faudra, quand personne ne prendra plus au sérieux le catholicisme, continuer quand même à dire des messes, pour la beauté de la chose.

              C’est aussi mon avis. Il reste qu’il ne prévoyait sûrement pas Vatican II et l’irruption des guitares électriques. Tout athée que je sois, je préfèrerais le rite de Sant-Pie V, le latin et les grandes orgues !


            • Bernard Mitjavile Bernard Mitjavile 15 janvier 2018 14:27

              Effectivement, le mot laïcité dont on use et abuse, est rarement clairement défini or « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». 


              • Christian Labrune Christian Labrune 15 janvier 2018 14:55

                @Bernard Mitjavile
                Oui, c’est très juste. Et je dirai plus : « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».


              •  C BARRATIER C BARRATIER 15 janvier 2018 18:56

                Le sens du mot laïcité a complètement changé. De non clerc il est devenu adoptable même par un clerc, des lors que celui ci accepté, respecte (ce qui va plus loin que la tolérance ) les philosophies les plus diverses, une forme d’humilité. Là .laïcité n’est pas une doctrine mais une attitude, elle est aussi un dépassement de soi et de ses propres certitudes. Je suis sur de ce que je pense, donc les autres ont leur certitude qui a priori vaut la mienne. 

                J’interprète dans ce sens la pensée se Mallarme que j’aime beaucoup comme poète, je ne m’étais pas préoccupé de son éventuel athéisme qui n’est de toute façon pas du tout une condition pour être laïque...Des athées ne le sont pas

                •  C BARRATIER C BARRATIER 15 janvier 2018 18:58

                  Je veux dire laïc non clerc est devenu laïque...curieux mot ni masculin ni féminin, un adjectif


                  • Crab2 16 janvier 2018 13:55
                    ... Nicolas Cadène s’est montré guère plus qualifié que Jean-Louis Bianco pour parler de la Laïcité – Suite :

                    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2018/01/la-laicite-et-cnews.html

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