L’Enracinement, Simone Weil
L’Enracinement, Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, est un livre de Simone Weil écrit pendant la seconde guerre mondiale. Il s’agit d’une réflexion profonde sur les sociétés humaines, articulée autour des notions de devoir (pendant nécessaire aux droits humains) et de besoins de l’âme. Elle met en avant le déracinement des humains au sein des sociétés occidentales (ou techniciennes pourrait-on dire aujourd’hui pour étendre la pertinence de son propos), à savoir une aliénation des âmes coupées non seulement d’elles-mêmes, mais aussi de la terre, d’une communauté vivante et d’un sens du commun.
Il est difficile de résumer cette œuvre riche et profonde qui mérite plusieurs lectures. Albert Camus qui édite ce livre en 1949 considère L’Enracinement comme « l’un des livres les plus lucides, les plus élevés, les plus beaux qu’on ait écrits depuis fort longtemps sur notre civilisation ». On peut difficilement lui donner tort, même si la rigueur de pensée et de langage du livre peut en rebuter plus d’un et parfois même sembler dérisoire à notre époque de tweets, de buzz et autres atrophies de la pensée.
Ce qu’il y a de remarquable dans la trajectoire de Simone Weil est d’avoir éprouvé par le corps ses pensées. Ainsi, l’exigence de ses pensées et leur dimension éminemment spirituelle ne manque pas de concret et raisonne toujours avec justesse à notre époque.
Les extraits sélectionnés sont un peu plus nombreux et un peu plus longs que d’habitude, mais difficile de couper… Pour bien faire, il faudrait recopier tout le livre. En voici un avant-goût :
- « On doit le respect à un champ de blé, non pas pour lui-même, mais parce que c’est de la nourriture pour les hommes. D’une manière analogue, on doit du respect à une collectivité, quelle qu’elle soit – patrie, famille, ou toute autre –, non pas pour elle-même, mais comme nourriture d’un certain nombre d’âmes humaines. »
- « Il faut aussi discerner l’essentiel et l’accidentel. L’homme a besoin, non de riz ou de pommes de terre, mais de nourriture ; non de bois ou de charbon, mais de chauffage. De même pour les besoins de l’âme, il faut reconnaître les satisfactions différentes, mais équivalentes, répondant aux mêmes besoins. Il faut aussi distinguer des nourritures de l’âme les poisons qui, quelque temps, peuvent donner l’illusion d’en tenir lieu. »
- « la liberté d’expression totale, illimitée, pour toute opinion quelle qu’elle soit, sans aucune restriction ni réserve, est un besoin absolu pour l’intelligence. Par suite c’est un besoin de l’âme, car quand l’intelligence est mal à l’aise, l’âme entière est malade. »
- « Au contraire, les publications destinées à influer sur ce qu’on nomme l’opinion, c’est-à-dire en fait sur la conduite de la vie, constituent des actes et doivent être soumises aux mêmes restrictions que tous les actes. Autrement dit, elles ne doivent porter aucun préjudice illégitime à aucun être humain, et surtout elles ne doivent jamais contenir aucune négation, explicite ou implicite, des obligations éternelles envers l’être humain, une fois que ces obligations ont été solennellement reconnues par la loi. »
- « De plus, il doit être admis qu’à partir du moment où un écrivain tient une place parmi les influences qui dirigent l’opinion publique, il ne peut pas prétendre à une liberté illimitée. Là aussi, une définition juridique est impossible, mais les faits ne sont pas réellement difficiles à discerner. »
- « L’intelligence est vaincue dès que l’expression des pensées est précédée, explicitement ou implicitement, du petit mot « nous ». Et quand la lumière de l’intelligence s’obscurcit, au bout d’un temps assez court l’amour du bien s’égare. »
- « Les groupements où s’agitent des pensées doivent être moins des groupements que des milieux plus ou moins fluides. »
- « Quant à la liberté de pensée, on dit vrai dans une large mesure quand on dit que sans elle il n’y a pas de pensée. Mais il est plus vrai encore de dire que quand la pensée n’existe pas, elle n’est pas non plus libre. Il y avait eu beaucoup de liberté de pensée au cours des dernières années, mais il n’y avait pas de pensée. »
- « Il n’y a aucune liaison de nature entre la propriété et l’argent. La liaison établie aujourd’hui est seulement le fait d’un système qui a concentré sur l’argent la force de tous les mobiles possibles. Ce système étant malsain, il faut opérer la dissociation inverse. »
- « Le public se défie des journaux, mais sa défiance ne le protège pas. Sachant en gros qu’un journal contient des vérités et des mensonges, il répartit les nouvelles annoncées entre ces deux rubriques, mais au hasard, au gré de ses préférences. Il est ainsi livré à l’erreur. »
- « Mais qui garantit l’impartialité des juges ? objectera-t-on. La seule garantie, en dehors de leur indépendance totale, c’est qu’ils soient issus de milieux sociaux très différents, qu’ils soient naturellement doués d’une intelligence étendue, claire et précise, et qu’ils soient formés dans une école où ils reçoivent une éducation non pas juridique, mais avant tout spirituelle, et intellectuelle en second lieu. Il faut qu’ils s’y accoutument à aimer la vérité. Il n’y a aucune possibilité de satisfaire chez un peuple le besoin de vérité si l’on ne peut trouver à cet effet des hommes qui aiment la vérité. »
- « L’argent détruit les racines partout où il pénètre, en remplaçant tous les mobiles par le désir de gagner. Il l’emporte sans peine sur les autres mobiles parce qu’il demande un effort d’attention tellement moins grand. Rien n’est si clair et si simple qu’un chiffre. »
- « L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien ; c’est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. »
- « Si un homme a soif à cause d’une blessure au ventre, il ne faut pas le faire boire, mais guérir la blessure. »
- « La vérité illumine l’âme à proportion de sa pureté et non pas d’aucune espèce de quantité. »
- « La profession de chef d’entreprise devrait, comme celle de médecin, être au nombre de celles que l’État, dans l’intérêt public, autorise à exercer seulement sous la condition de certaines garanties. Les garanties devraient avoir rapport non seulement à la capacité, mais à l’élévation morale. (…) Quant aux sociétés anonymes, il n’y aurait peut-être pas d’inconvénient, en ménageant un système de transition, à les abolir et à les déclarer interdites. (…) En tout cas, un tel mode de vie sociale ne serait ni capitaliste ni socialiste. Il abolirait la condition prolétarienne, au lieu que ce qu’on nomme socialisme a tendance, en fait, à y précipiter tous les hommes. Il aurait pour orientation, non pas, selon la formule qui tend aujourd’hui à devenir à la mode, l’intérêt du consommateur – cet intérêt ne peut être que grossièrement matériel –, mais la dignité de l’homme dans le travail, ce qui est une valeur spirituelle. »
- « Le courant idolâtre du totalitarisme ne peut trouver d’obstacle que dans une vie spirituelle authentique. Si l’on habitue les enfants à ne pas penser à Dieu, ils deviendront fascistes ou communistes par besoin de se donner à quelque chose. »
- « La seule attitude à la fois légitime et pratiquement possible que puisse avoir, en France, l’enseignement public à l’égard du christianisme consiste à le regarder comme un trésor de la pensée humaine parmi tant d’autres. »
- « Car, en allant au fond des choses, il n’y a pas de véritable dignité qui n’ait une racine spirituelle et par suite d’ordre surnaturel. »
- « Le malheur qui a mordu trop profondément suscite une disposition au malheur qui contraint à y précipiter soi-même et autrui. »
- « Et nous sommes de notre époque ; nous n’avons aucune raison de nous croire meilleurs qu’elle. »
- « La seule difficulté, c’est la méfiance douloureuse et malheureusement trop légitime des masses, qui regardent toute formule un peu élevée comme un piège dressé pour les duper. Une civilisation constituée par une spiritualité du travail serait le plus haut degré d’enracinement de l’homme dans l’univers, par suite l’opposé de l’état où nous sommes, qui consiste en un déracinement presque total. Elle est ainsi par nature l’aspiration qui correspond à notre souffrance. »
- « Le goût des Français pour la logique abstraite les rend très susceptibles d’être dupés par des étiquettes. »
- « Poser la patrie comme un absolu que le mal ne peut souiller est une absurdité éclatante. La patrie est un autre nom de la nation ; et la nation est un ensemble de territoires et de populations assemblés par des événements historiques où le hasard a une grande part, autant que l’intelligence humaine peut en juger, et où se mélangent toujours le bien et le mal. La nation est un fait, et un fait n’est pas un absolu. »
- « Parmi plusieurs paroles sublimes que le Livre des Morts égyptien met dans la bouche du juste après la mort, la plus touchante peut-être est celle-ci : « Je ne me suis jamais rendu sourd à des paroles justes et vraies. » »
- « Le mot de païen, quand il est appliqué à Rome, a vraiment à titre légitime la signification chargée d’horreur que lui donnaient les premiers polémistes chrétiens. C’était vraiment un peuple athée et idolâtre ; non pas idolâtre de statues faites en pierre ou en bronze, mais idolâtre de lui-même. C’est cette idolâtrie de soi qu’il nous a léguée sous le nom de patriotisme. »
- « L’obligation est un infini, l’objet ne l’est pas. Cette contradiction pèse sur la vie quotidienne de tous les hommes, sans exception, y compris ceux qui seraient tout à fait incapables de la formuler même confusément. Tous les procédés que les hommes ont cru trouver pour en sortir sont des mensonges. L’un d’eux consiste à ne se reconnaître d’obligations qu’envers ce qui n’est pas de ce monde. Une variété de ce procédé constitue la fausse mystique, la fausse contemplation. Une autre est la pratique des bonnes œuvres accomplie dans un certain esprit, « pour l’amour de Dieu », comme on dit, les malheureux secourus n’étant que la matière de l’action, une occasion anonyme de témoigner de la bienveillance à Dieu. Dans les deux cas il y a mensonge, car « celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment aimerait-il Dieu qu’il ne voit pas ? » C’est seulement à travers les choses et les êtres d’ici-bas que l’amour humain peut percer jusqu’à ce qui habite derrière. Un autre procédé consiste à admettre qu’il y a ici-bas un ou plusieurs objets enfermant cet absolu, cet infini, cette perfection qui sont essentiellement liés à l’obligation comme telle. C’est le mensonge de l’idolâtrie. Le troisième procédé consiste à nier toute obligation. »
- « Il n’y a échange que si chacun conserve son génie propre, et cela n’est pas possible sans liberté. »
- « On peut aimer la France pour la gloire qui semble lui assurer une existence étendue au loin dans le temps et l’espace. Ou bien on peut l’aimer comme une chose qui, étant terrestre, peut être détruite, et dont le prix est d’autant plus sensible. Ce sont deux amours distincts ; peut-être, probablement, incompatibles, quoique le langage les mélange. Ceux dont le cœur est fait pour éprouver le second peuvent, par la force de l’habitude, employer le langage qui ne convient qu’au premier. Le second seul est légitime pour un chrétien, car seul il a la couleur de l’humilité chrétienne. Il appartient seul à l’espèce d’amour qui peut recevoir le nom de charité. »
- « Ainsi la compassion a les yeux ouverts sur le bien et le mal et trouve dans l’un et l’autre des raisons d’aimer. C’est le seul amour ici-bas qui soit vrai et juste. »
- « Tout dans la création est soumis à la méthode, y compris les points d’intersection entre ce monde et l’autre. C’est ce qu’indique le mot Logos, qui veut dire relation plus encore que parole. La méthode est seulement autre quand le domaine est autre. À mesure qu’on s’élève, elle s’accroît en rigueur et en précision. Il serait bien étrange que l’ordre des choses matérielles, reflétât davantage de sagesse divine que l’ordre des choses de l’âme. Le contraire est vrai. Il est fâcheux pour nous que ce problème, sur lequel, sauf erreur, il n’y a rien qui puisse nous guider, soit précisément le problème que nous avons aujourd’hui à résoudre de toute urgence, sous peine non pas tant de disparaître que de n’avoir jamais existé. »
- « Le mouvement français de Londres a actuellement, pour peu de temps peut-être, ce privilège extraordinaire qu’étant dans une large mesure symbolique il lui est permis de faire rayonner les inspirations les plus élevées sans discrédit pour elles ni inconvenance de sa part. »
- « L’efficacité est rendue parfaite dans la faiblesse », dit saint Paul.
- « L’inspiration est une tension des facultés de l’âme qui rend possible le degré d’attention indispensable à la composition sur plans multiples. »
- « Quatre obstacles surtout nous séparent d’une forme de civilisation susceptible de valoir quelque chose. Notre conception fausse de la grandeur ; la dégradation du sentiment de la justice ; notre idolâtrie de l’argent ; et l’absence en nous d’inspiration religieuse. »
- « La superstition moderne du progrès est un sous-produit du mensonge par lequel on a fait du christianisme la religion romaine officielle ; elle est liée à la destruction des trésors spirituels des pays conquis par Rome, à la dissimulation de la parfaite continuité entre ces trésors et le christianisme, à une conception historique de la Rédemption, qui en fait une opération temporelle et non éternelle. »
- « Il est évident, c’est une vérité passée à l’état de lieu commun parmi les enfants et les hommes, que le talent n’a rien à voir avec la moralité. Or on ne propose à l’admiration des enfants et des hommes que le talent dans tous les domaines. Dans toutes les manifestations du talent, quelles qu’elles soient, ils voient s’étaler avec impudence l’absence des vertus qu’on leur recommande de pratiquer. Que peut-on en conclure, sinon que la vertu est le propre de la médiocrité ? Cette persuasion a pénétré si avant que le mot même de vertu est maintenant ridicule, lui qui était autrefois si plein de sens, comme aussi ceux d’honnêteté et de bonté. »
- « Comment un enfant qui voit glorifier dans les leçons d’histoire la cruauté et l’ambition ; dans celles de littérature l’égoïsme, l’orgueil, la vanité, la soif de faire du bruit ; dans celles de science toutes les découvertes qui ont bouleversé la vie des hommes, sans qu’aucun compte soit tenu ni de la méthode de la découverte ni de l’effet du bouleversement ; comment apprendrait-il à admirer le bien ? »
- « Par rapport au prestige de la science il n’y a pas aujourd’hui d’incroyants. Cela confère aux savants, et aussi aux philosophes et écrivains en tant qu’ils écrivent sur la science, une responsabilité égale à celle qu’avaient les prêtres du XIIIème siècle. »
- « Dans la catastrophe de notre temps, les bourreaux et les victimes sont, les uns et les autres, avant tout les porteurs involontaires d’un témoignage sur l’atroce misère au fond de laquelle nous gisons. »
- « Hitler a très bien vu l’absurdité de la conception du XIIIème siècle encore en faveur aujourd’hui, et qui d’ailleurs a déjà sa racine dans Descartes. Depuis deux ou trois siècles, on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leurs relations mutuelles. C’est une absurdité criante. Il n’est pas concevable que tout dans l’univers soit absolument soumis à l’empire de la force et que l’homme puisse y être soustrait, alors qu’il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles. Il n’y a qu’un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l’œuvre dans l’univers, à côté de la force, un principe autre qu’elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse unique et souveraine des relations humaines aussi. »
- « Or cette science, aussi scientifique que la nôtre ou davantage, n’était absolument pas matérialiste. Bien plus, ce n’était pas une étude profane. Les Grecs la regardaient comme une étude religieuse. Les Romains tuèrent Archimède. Peu après ils tuèrent la Grèce, comme les Allemands, sans l’Angleterre, auraient tué la France. La science grecque disparut complètement. Dans la civilisation romaine, il n’en subsista rien. Si le souvenir en fut transmis au Moyen Âge, ce fut avec la pensée dite gnostique, dans des milieux initiatiques. Même en ce cas, il semble bien qu’il y ait eu seulement conservation et non continuation créatrice ; excepté peut-être en ce qui concerne l’alchimie, dont on sait si peu de choses. »
- « Du fait même de la désertion des Églises par le peuple, la religion fut automatiquement située à droite, devint une chose bourgeoise, une chose de bien-pensants. Car en fait une religion instituée est bien obligée de s’appuyer sur ceux qui vont à l’église. Elle ne peut s’appuyer sur ceux qui restent dehors. Il est vrai que dès avant cette désertion, la servilité du clergé envers les pouvoirs temporels lui a fait faire des fautes graves. Mais elles auraient été réparables sans cette désertion. Si elles ont provoqué cette désertion pour une part, ce fut pour une part très petite. C’est presque uniquement la science qui a vidé les églises. Si une partie de la bourgeoisie a été moins gênée dans sa piété par la science que ne l’a été la classe ouvrière, c’est d’abord parce qu’elle avait un contact moins permanent et moins charnel avec les applications de la science. Mais c’est surtout parce qu’elle n’avait pas la foi. Qui n’a pas la foi ne peut pas la perdre. Sauf quelques exceptions, la pratique de la religion était pour elle une convenance. La conception scientifique du monde n’empêche pas d’observer les convenances. Ainsi le christianisme est en fait, à l’exception de quelques foyers de lumière, une convenance relative aux intérêts de ceux qui exploitent le peuple. »
- « Mais les êtres qui malgré la chair et le sang ont franchi intérieurement une limite équivalente à la mort reçoivent par delà une autre vie, qui n’est pas en premier lieu de la vie, qui est en premier lieu de la vérité. De la vérité devenue vivante. Vraie comme la mort et vivante comme la vie. Une vie, comme disent les contes de Grimm, blanche comme la neige et rouge comme le sang. C’est elle qui est le souffle de vérité, l’Esprit divin. »
- « On peut affirmer sans crainte d’exagération qu’aujourd’hui l’esprit de vérité est presque absent de la vie religieuse. »
- « La vérité est l’éclat de la réalité. L’objet de l’amour n’est pas la vérité, mais la réalité. Désirer la vérité, c’est désirer un contact direct avec de la réalité. Désirer un contact avec une réalité, c’est l’aimer. On ne désire la vérité que pour aimer dans la vérité. On désire connaître la vérité de ce qu’on aime. Au lieu de parler d’amour de la vérité, il vaut mieux parler d’un esprit de vérité dans l’amour. »
- « Le remède est de faire redescendre l’esprit de vérité parmi nous ; et d’abord dans la religion et la science ; ce qui implique qu’elles se réconcilient. L’esprit de vérité peut résider dans la science à la condition que le mobile du savant soit l’amour de l’objet qui est la matière de son étude. Cet objet, c’est l’univers dans lequel nous vivons. Que peut-on aimer en lui, sinon sa beauté ? La vraie définition de la science, c’est qu’elle est l’étude de la beauté du monde. »
- « Le savant a pour fin l’union de son propre esprit avec la sagesse mystérieuse éternellement inscrite dans l’univers. Dès lors comment y aurait-il opposition ou même séparation entre l’esprit de la science et celui de la religion ? L’investigation scientifique n’est qu’une forme de la contemplation religieuse. »
- « Le poète est une personne ; pourtant dans les moments où il touche à la perfection poétique, il est traversé par une inspiration impersonnelle. »
- Anaximandre a écrit :
- « C’est à partir de l’indéterminé qu’a lieu la naissance pour les choses ; et la destruction est un retour à l’indéterminé, qui s’accomplit en vertu de la nécessité. Car les choses subissent un châtiment et une expiation les unes de la part des autres, à cause de leur injustice, selon l’ordre du temps. »
- « La science de l’âme et la science sociale sont l’une et l’autre tout à fait impossibles si la notion de surnaturel n’est pas rigoureusement définie et introduite dans la science, à titre de notion scientifique, pour y être maniée avec une extrême précision. Si les sciences de l’homme étaient ainsi fondées par des méthodes d’une rigueur mathématique, et maintenues en même temps en liaison avec la foi ; si dans les sciences de la nature et la mathématique l’interprétation symbolique reprenait la place qu’elle avait jadis ; l’unité de l’ordre établi dans cet univers apparaîtrait dans sa souveraine clarté. L’ordre du monde, c’est la beauté du monde. Seul diffère le régime de l’attention, selon qu’on essaie de concevoir les relations nécessaires qui le composent ou d’en contempler l’éclat. »
- « Quelle que soit dans le ciel la signification mystérieuse de la mort, elle est ici-bas la transformation d’un être fait de chair frémissante et de pensée, d’un être qui désire et qui hait, espère et craint, veut et ne veut, en un petit tas de matière inerte. »
Source : https://unmultiple.wordpress.com/2023/05/24/lenracinement-simone-weil/
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