Sans s'en rendre compte, avec l'hyper densification des connaissances sur le réseau Internet, notre société, avec une vitesse toujours accélérée, est en train d'aller toucher une position extrême.
Toutes les grandes Traditions et sagesses de l'humanité ont toujours regardé avec méfiance ce qui ne tendait par vers l'équilibre.
Le « bien-être » est, bien sur, en soi une valeur positive à entretenir et l'ouverture de conscience générale qui se profile et s'accélère nettement depuis plusieurs années sur la planète sont des cadeaux à savourer. A condition qu'on ne force pas cette ouverture, puisque elle représente la Vie même, une qualité tout à fait Sacrée. Certains pensent qu'un bien-être matériel totalement déconnecté d’une tradition spirituelle qui donne une cohérence et un sens à l’ensemble peut rapidement se transformer en une quête vaine. Chacun devra donc user de son discernement et de ses propres expérimentations pour se faire une opinion et avancer.
Or, la base de ce « bien-être » pourrait totalement se pervertir, s'il venait à s'unir totalement à « l'intelligence » de nos outils technologiques et médiatiques. En effet notre société, qui veut toujours mesurer les choses, ne raisonne désormais pratiquement que sur des données quantitatives pour juger. Ce fait étant posé, et qu'Internet étant par excellence le véhicule qui permet justement d'analyser, de raisonner, de partager et de stocker les éléments quantitatifs (une suite binaire, de 0 et de 1), il va s'en dire que le courant du bien être, au départ essentiellement qualitatif, se destine vraisemblablement à se faire instrumentaliser par le réseau Internet et tenter d'être, si cela est encore possible, totalement numérisé. Comme nous avons pu le montrer avec la numérisation progressive et exhaustive de notre environnement et de nos comportements, le pas sera facile à franchir de s'en remettre complètement, pour la planète et ses habitants, à l'intelligence et aux algorithmes mathématiques (sur lesquels planchent Google par exemple) d'un réseau omnipotent, omniprésent et omniscient. Il s'occupera et guidera, à la façon d'un GPS intime, parfaitement nos « vies » jusqu'à leur « plein épanouissement », écartant tout comportement « déviant » en faisant régner une morale perfectionniste refoulant toutes traces d'échecs.
Déjà des logiciels informatiques permettent de contrôler son état de santé à distance. La crise et les déficits de la sécurité sociale verront comme un Eldorado le fait de permettre aux assurés, via des machines, de suivre leur état de santé dans tous ses détails quantifiables sur le réseau.
Deux éléments risquent, malheureusement, d'énormément progresser dans les temps à venir :
Le premier : croire et imposer que la santé ne peut venir que d'une intervention sur le corps physique matériel, pouvant ainsi être réduit à une équation, alors que toutes les grandes Traditions expliquent bien que l'homme et l'Univers sont beaucoup plus nuancés que cela. Et que la partie subtile de l'être humain, qui ne se résout pas à la quantité (comme peut l'être le corps physique), est essentielle dans le chemin de la conscience et la manifestation d'une pleine santé.
Le 2nd problème vient du fait que toutes les données quantitatives de son propre « bien- être » vont s'étaler, grâce à des promesses de sécurisation et de confidentialité qui seront probablement bien vite oubliées, sur le réseau Internet, alors au vu et au su de chacun, stockées dans des mémoires technologiques infaillibles qui pourront probablement un jour être partagées plus largement. D'ailleurs, des praticiens commencent déjà à utiliser le réseau afin de réaliser des consultations on-line, voire même des prescriptions à distance.
Le réseau, donc, tentera peut-être de numériser des approches, notamment les médecines traditionnelles qui au départ, étaient pourtant essentiellement basées sur la qualité du soin, qu'on ne peut pas mesurer, encore moins par des machines.
La médecine moderne subit dans tout les cas, de près ces tendances. Déjà depuis de nombreuses années on peut avoir une idée de son état de santé global par une analyse de sang ce qui à été sans nul doute un grand progrès. Or avec la moralisation de notre civilisation, qui est de plus en plus nette, où d'abord nos politiques, puis bientôt l'ensemble des citoyens devront se montrer exemplaires, on peut tout à fait imaginer qu'à brève échéance des systèmes de contrôles informatiques sur la santé individuelle soient mis en place afin de « sauver l’ancien monde » et ses citoyens, dans un bien être mondial imposé et sous contrôle.
Ainsi, afin d'être « exemplaire », on forcera peut être un jour le « bon » citoyen, pour que son système de contrôle médical soit parfait, à manger équilibré (et notamment 5 fruits et légumes par jour, le slogan étant déjà dans les publicités), à ne pas avoir trop d'émotions fortes (qui feraient réagir l’électrocardiogramme wifi embarqué sur chacun), à faire de l'exercice plusieurs fois par semaine (vérifié par les puces RFID de ses baskets Nike)...Car ce qui se profile avec les TIC, c’est qu’on pourra peut être savoir un jour si Mme Michu est une bonne citoyenne en défendant la cause environnementale dans son quotidien. Recycle t-elle correctement ? Fait elle manger suffisamment bio à ses enfants pour le bien de leur croissance et le développement d’une agriculture plus saine ? etc…Tout cela les puces RFID bientôt insérées dans chaque produit de consommation de notre quotidien pourront le dire et tracer des profils de citoyens qui rentrent ou pas dans la norme. L’environnement n’est qu’un exemple bien sur, mais tous les éléments (comme l’éducation, le travail…) d’une soit disant morale du bien-être pourront éventuellement être un jour, pour chaque citoyen, récoltés et analysés afin de « tracer » les déviants qui ne voudraient pas participer à ce grand élan fraternel de bonheur mondialisé. Qui osera s’opposer dés lors à cette « saine morale » enregistrée dans des mémoires d’ordinateurs surpuissants ?
Mais dans ce marathon de l'exemplarité, qui arrivera à finir la course ?
Ce texte est extrait de l'ouvrage "Techno-illusion : du mirage numérique aux solutions intérieures" téléchargeable gratuitement (en Licence Creative Commons) à l'adresse :
Les évolutions que vous présentez me semble plus relever de la normalisation au bénéfice des assureurs et groupes pharmaceutiques que d’une quelconque morale. Le bonheur et le bien-être sont ainsi définis pour rester sur les rails de l’hyper-consommation.
« Être bien » ou « bien-être » ? telle est la question !
Le concept de santé.
Il y a un grand écart, un gouffre abyssal entre la définition de l’OMS : « La Constitution définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »,
et le concept de santé en médecine qui se rapproche d’une définition plus « centrée » sur l’état physiologique du patient : Un État physiologique normal de l’organisme d’un être vivant, en particulier d’un être humain qui fonctionne harmonieusement, régulièrement, dont aucune fonction vitale n’est atteinte, indépendamment d’anomalies ou d’infirmités dont le sujet peut être affecté."
C’est ici qu’on voit que le monde politique et le monde médical sont en complet déphasage !
« le courant du bien être, au départ essentiellement qualitatif, ... »
La qualitatif se présente comme une dynamique qui se poursuit, « la quête du bien-être » . Dès lors qu’il tend à se fixer, il rentre dans la mesure, il se pétrifie, se quantifie.
S’installe dès lors une sorte de doxa, sans laquelle il ne pourrait y avoir de moralisation, « écartant tout comportement « déviant » en faisant régner une morale perfectionniste », dont usent ceux satisfaits de leur état (« sauver l’ancien monde »), ou ceux intéressés par quelque Eldorado dont ils pourraient tirer vache grasse.
Votre sujet Axel est passionnant, il touche à des ressorts subtils. Dommage qu’il ne suscite pas plus de réactions.