Les bas-reliefs de Saint-Sernin et du cloitre de l’abbaye de Moissac proviennent-ils de l’ancienne église de la Daurade ?
Extrait de mon livre Le roi et le graal.
Même si le décor de l’église de la Daurade a été démoli, il en reste encore quelques traces de nos jours. On trouve par exemple au musée Calvet d’Avignon un fragment de mosaïques dont nous aurons l’occasion de reparler. Vingt-six colonnes et chapiteaux ont aussi été récupérés dans le cloitre de l’abbaye de Roseland à Nice et d’autres sont également visibles au musée Saint-Raymond à Toulouse.
Mais il intéressant de savoir s’il n’est pas possible de trouver d’autres pièces qui auraient échappé à cet inventaire. Pour ce faire, intéressons-nous maintenant à une autre église emblématique de la ville de Toulouse, celle de Saint-Sernin. Dans un texte publié en 1929 dans les annales du midi sous le titre Les bas-reliefs de Saint-Sernin, Étienne Delaruelle, historien et spécialiste de l'histoire médiévale de l'Église, nous livre quelques informations précieuses :
Les sept bas-reliefs encastrés dans la paroi du déambulatoire de Saint-Sernin et qui représentent successivement du nord au sud deux apôtres, un chérubin, un Christ de majesté, un séraphin et deux anges, ont depuis longtemps intrigué les archéologues. On s'est demandé bien souvent ce qu'ils représentent, quelle est leur origine, quelle est leur histoire. Des travaux récents, que j'aurai l'occasion de citer souvent dans les lignes qui suivent, ont en partie renouvelé la question. Je voudrais essayer d'en rapprocher les conclusions et d'en tirer quelques hypothèses.
Il n’est pas difficile de deviner que ces bas-reliefs n’ont pas toujours occupé l’emplacement où nous les voyons aujourd’hui. Remontons donc l’échelle des témoignages.
En 1835, le bureau d’administration de l’école des sciences et arts de Toulouse a fait don à l’église de Saint-Sernin de quatre d’entre ces bas-reliefs. Le procès-verbal de cette délibération vaut d'être cité : « Monsieur le Maire fait part au Bureau de l'existence dans le dépôt d'objets d'art de quatre anges de marbre provenant d'églises démolies. Monsieur le Maire propose de faire don de ces quatre anges à l'église de Saint-Sernin comme une marque de la reconnaissance de la ville pour le zèle que la fabrique de cette église a montré lors de la célébration du service funèbre pour S. M. Louis XVIII. Le bureau approuve la destination à laquelle M. le Maire propose de consacrer ces anges. Il y trouve l'avantage de retirer ces objets de la poussière des dépôts où ils restoiént ensevelis et de les rendre à l'ornement des temples auquels (sic) ils avoient été consacrés. Ces objets sont du reste sans importance pour les arts par le peu de mérite de leur exécution. »
Sans doute n'est-il pas dit explicitement que ces pièces avaient appartenu jadis à Saint-Sernin, mais si nous feuilletons le registre nous voyons que ces cessions d'objets d'art étaient faites aux églises qui les avaient possédés jadis. Peut-être en leur accordant ces bas-reliefs voulait-on faire patienter les fabriciens de Saint-Sernin, qui depuis plusieurs années réclamaient instamment des réparations jamais faites.
C'est tout ce que nous savons sur ces bas-reliefs pour la période de la Révolution, de l'Empire et de la Restauration. Les inventaires révolutionnaires sont muets, pareillement les Archives de Saint-Sernin ; les comptes de la fabrique contiendraient peut-être quelque indication, mais il nous manque justement celui de 1826. Les papiers d'Alexandre Dumège font bien allusion à des « bas-reliefs placés autrefois sans ordre aux deux côtés du portail ouvert dans l'axe de la grande nef du côté de la rue du Peyrou » et qui auraient été des débris d'un monument disparu. Mais, faute de renseignements plus explicites, on ne peut croire qu'il s'agisse là des pièces qui nous occupent. On en peut dire autant de la proposition de Dumège, alors commissaire antiquaire (conservateur), transmise au bureau des sciences et des arts, le 4 décembre 1811, demandant « qu'on fasse transporter au Musée quelques débris de monumens antiques existans dans une portion du cloître de Saint-Sernin ».
En résumé, à plusieurs reprises, il est question d’un bâtiment antique démoli :
- quatre anges de marbre provenant d'églises démolies
- basreliefs placés autrefois sans ordre aux deux côtés du portail ouvert dans l'axe de la grande nef du côté de la rue du Peyrou et qui auraient été des débris d'un monument disparu
- quelques débris de monumens antiques existans
Visiblement, cette information entrant en contradiction avec la thèse défendue par l’auteur, à savoir que les bas-reliefs provenaient à l’origine de l’église Saint-Sernin, il n’en tient absolument pas compte. Par contre, comme nous savons que l’église de la Daurade fut démolie en 1761, il est important d’examiner d’un peu plus près ces 7 bas-reliefs, attribués jusqu’ici à Bernard Guildin, un sculpteur dont le nom est inscrit sur la table d’autel de Saint Sernin.
Pour ce faire, nous allons nous servir de la description des niches figurant dans Les mosaïques de l’église wisigothique de Toulouse de Jean Cassaigneau. Et parmi les bas-reliefs, s’il en est un qui d’emblée attire l’attention, c’est bien celui représentant le Christ en majesté (cf image 1). Et on peut constater qu’il correspond en tous points à la description qu’en donne frère Odon :
Le sauveur Jésus montre à sa main gauche un livre ouvert ; de sa main droite avec le quatrième doigt touchant le majeur, il bénit ; sur le livre on lit en caractères rouges : Pax vo – biscum ; sa tête nue est entourée de trois rayons doubles ; il a l’air vénérable avec sa chevelure longue et fournie autour de laquelle est écrit le mot SALVA-TOR.
Pas de doute, il s’agit bien là du Christ en majesté provenant de l’ancienne église de la Daurade ! Comme nous le verrons, certaines inscriptions faisant partie de la mosaïque au-dessus des niches, il est normal que le mot SALVATOR ne figure pas sur le bas-relief. Le fait que frère Odon signale des caractères rouges indique que le Christ devait être peint à l’époque. Mais alors qu’il a noté PAX VO - BISCUM, nous pouvons juste lire PAX VOBIS sur le livre. Mais il semble bien qu’il s’agisse d’une erreur de retranscription du bénédictin car dans Le sanctuaire paléo-chrétien de la Daurade de Toulouse et ses origines orientales publié en 1949, Raymond Rey, professeur d’histoire de l’art à Toulouse, indique :
Au-dessous de la scène de la Nativité apparaît le Sauveur. Le mot Salvator est mis en évidence au-dessus du nimbe crucifère. Il bénit solennellement de la main droite et présente de la gauche le livre ouvert de la Loi avec l'inscription Pax vobis.
Dans La Religion des Gaulois, Jacques Martin écrivait qu’il pensait que les niches contenaient initialement des statues :
La cavité de chaque niche est de sept pieds trois pouces de hauteur, & d’un pied deux pouces de profondeur sur une largeur proportionnée. Chaque niche ou cavité devoit contenir une statue ; toutes ces statues ont péri, & ont été apparemment jettées dans la Garonne, comme je le dirai bien-tôt. Les Goths pour remplacer les statues, ont figuré dans chaque niche quelqu’un des Saints ou Personnages dont j’ai parlé.
S’il ne précise pas la nature de ce que contenaient ensuite les niches à l’époque des Goths, nous pouvons maintenant affirmer qu’il ne s’agissait ni de mosaïque, ni de statues, mais de bas-reliefs peints ! Et concernant la présence de peinture, elle est confirmée par une déclaration de l’académicien toulousain Jean-François Montégut, datant de 1777, et relevé par Jean Cassaigneau dans son livre :
C’est sur cette mosaïque en or & argent qu’on avoit peint grossièrement des ornements & des figures de saints, dont les niches étoient remplies.
En ce qui concerne les quatre anges des bas-reliefs de l’église de St Sernin (cf image 2 à image 5), on peut également remarquer qu’ils correspondent à la description de ceux présents dans les niches de la Daurade :
Uriel, un jeune ange ailé debout, les ailes pendantes jusqu’aux genoux dans une attitude assez semblable à celle de son voisin Michel ; sa main droite tient un bâton du pied à la tête dont le sommet porte … ; il tient dans sa main gauche quelque peu en creux trois petits globes ; il porte des sandales, il a au niveau de la tête l’inscription HUR –IHIL.
Michel, couronné d’un diadème, les cheveux bouclés, des sandales aux pieds avec de larges ailes pendantes et déployées vers le sol ; de sa gauche il tient un triple globe diversement coloré et de sa droite un bâton. Sa tête est coiffée d’un haut bonnet avec cette inscription MICA-HIL.
Gabriel, dans la même attitude que Michel et Raphaël, les cheveux frisées couverts d’un bonnet en forme de diadème, figure jeune, ailé, il tient dans sa main gauche un bâton allongé ; dans sa droite levée trois globes ronds et verts de grosseur inégale. Il a autour de la tête le mot GABRIEL.
Raphaël, les cheveux frisés sous un bonnet en forme de diadème, ailé et d’aspect juvénile, sa main gauche tient un bâton de pèlerin long de la tête aux pieds ; la droite levée porte trois globes ronds et verts égaux entre eux soit proportionnellement différents ; il a à la tête le mot RAFA-EL.
Bien sûr, il faut comprendre que les inscriptions, les globes et sans doute les sandales d’Uriel étaient peints mais pour le reste, tout y est. Il est quand même suffisamment rare que des archanges soient représentés portant un bonnet, pour qu’il s’agisse d’un simple hasard. Sur les sept représentations conservées à Saint Sernin, il n’en reste donc plus que deux à identifier (cf image 6 et image 7). Chacun des personnages tenant un livre de la main gauche, il est possible que nous ayons à faire à l’un des personnages suivants :
Abimelech, sur un champ d’or, revêtu d’un manteau argenté (blanc), la main droite levée et tendue vers l’autel majeur, regarde en direction de l’autel, la main gauche abaissée et légèrement relevée en courbe (la main gauche porte un livre au niveau du genou), les pieds nus dans des sandales. Prés de sa tête le mot ABIMELEC.
Paul, tête nue, barbe courte, entourée d’un diadème ; il lève et étend sa main droite dans l’attitude de l’extase ; de sa main gauche il tient un grand livre rouge ornée de petites pierres dorées ; autour de sa tête on lit PAV –LVS.
Certaines différences entre les descriptions faites par frère Odon et les bas-reliefs tels qu’ils nous apparaissent aujourd’hui peuvent là aussi s’expliquer par la peinture de l’époque qui permettait d’en modifier le rendu. Il est également possible qu’il y ait eu quelques erreurs dans le relevé effectué par Odon. Mais de toute façon, le plus important est d’avoir pu redécouvrir ces pièces uniques appartenant tout à la fois au patrimoine historique de l’église de la Daurade, et à celui du légendaire temple du graal.
Il nous faut aussi dire un mot concernant l’inscription du fragment exposé au musée Calvet (cf image 8). Comme l’explique Jean Castagneau, les lettres qui apparaissent sur le morceau de mosaïque semblent ne correspondre à aucun des noms relevés par frère Odon :
Formées de tesselles noires régulières, trois lettres latines VBI, dont la troisième n’a pas été conservée dans son intégralité, donnent l’impression de faire partie d’une inscription dont Jean-Luc Boudartchouk a tenté de retrouver la signification originale. Les inscriptions scripturaires reprenant des citations bibliques essentiellement néotestamentaires n’étaient pas rares au Ve siècle au-dessus des portes principales, soit à l’entrée soit à la sortie des édifices, églises ou baptistères, à des fins d’exhortation des fidèles. En voici deux exemples commençant par le mot VBI : Vbi Christus ibi Spiritus Et Pater est à l’église de Saint-Félix édifié par Paulin de Nole, ou bien VBI DEPOSIVIT IHS VESTI…MENTA SVA au baptistère néonien de Ravenne.
Plusieurs problèmes se posent à l’égard de la mosaïque dauradienne. Tout d’abord, il semble difficile de croire que Frère Odon soit passé à côté d’une telle inscription qui plus est écrite en latin horizontalement, alors qu’il a pris la peine de retracer une inscription écrite en grec verticalement (voir infra).
Etant donné l’emplacement possible sur la partie supérieure du décor d’une niche vu la bordure supérieure de tesselles sanguines, il paraitrait logique qu’il s’agisse du titulus de l’un des personnages. Mais aucun ne commence par VBI et aucune suite telle que rapportée par Frère Odon n’est formée des trois lettres V,B,I. La forme spéciale du B qui se rapproche de celle d’un R en raison du tracé de la jambe droite, conduirait au titulus de l’archange Uriel, sauf que ledit titulus était écrit HURIHIL (voir MED 09), c’est-à-dire que la première syllabe commençait par un H ; de plus, celle-ci aurait dû se trouver à gauche et non à droite de la tête de l’archange ; en effet, on peut distinguer sur le fragment une ligne verticale de tesselles brunes à la gauche du V et un fragment d’arc de cercle formé de tesselles argentées et sanguines qui pourrait correspondre à un nimbe… sauf que les quatre archanges dauradiens n’étaient pas nimbés.
Dans la publication de Jean-Luc Boudartchouk en question, on apprend qu’à l’origine le fragment était plus long et qu’on pouvait y lire Ubi alma :
Lors de la destruction de l’église de la Daurade, en 1761-1763, fut recueilli un important fragment de mosaïque à fond d’or portant une inscription. Les circonstances de sa découverte sont rapportées dans le « Manuscrit Malliot », mémoire demeuré inédit dont seulement trois copies sont connues de nous (Bibliothèque Municipale de Toulouse, ms 998 ; Archives Municipales de Toulouse, ms 3.S.4 et ms 5.S.136). On peut raisonnablement situer la rédaction de ce manuscrit – dont l’original a disparu – dans les années 1790-1800. Les manuscrits AMT 3.S.4. et 5.S.136 présentent des variantes minimes et paraissent être des copies de bonne qualité. En revanche le manuscrit BMT MS 998 est une copie manifestement effectuée à la hâte « sur l’original » ( ? ) ; elle comprend de nombreuses fautes et ratures. Nous avons choisi de suivre le manuscrit AMT 3.S.4, qui nous a paru offrir la transcription de l’original la plus précise (p. 202).
« Je tiens de mr l’abbé Bertrand, qui pendant la démolition s’était donné des soins pour avoir quelques fragments de la mosaïque, un ouvrier lui apporta un plâtras considérable sur lequel se lisaient les mots Ubi alma. Il courut aussitôt sur les lieux, espérant pouvoir lire le reste de l’inscription, qui vraisemblablement aurait donné des éclaircissements qui sont perdus à jamais. Il n’en restait plus rien, et les démarches qu’il fit à ce sujet furent inutiles. On peut cependant sans témérité assurer d’après la tradition et ce que j’ai dit jusqu’ici, que cet édifice était un temple des faux Dieux, bâti après la Conquête de ce pays par les Romains, changé ensuite en Eglise et finalement décoré par les Goths. »
On aurait pu imaginer qu’il s’agit d’un morceau de l’inscription HUR-IHIL (URIEL) mais en l’état actuel il est difficile de le prouver et pour reprendre la déclaration de Jean Castagneau dans son livre : le mystère reste entier !
Il est aussi intéressant de se poser la question de savoir si d’autres vestiges du batiment pourraient avoir été stockés ou réutilisés ailleurs. Et il se trouve que l'église de la Daurade était rattachée à l'abbaye de Saint-Pierre de Moissac depuis 1077. Cette dernière possède un cloitre dont la construction remonte au XIIe siècle et qui contient des bas-reliefs présentant de très fortes similitudes avec ceux retrouvés à Saint Sernin : réalisés sur des plaques de marbre, chacun des personnages figure également sous un arc reposant sur des colonnes et surplombé de deux fleurs. Seul celui représentant l'abbé Durand de Bredons, le premier abbé clunisien (cf image 9) n'est pas du même style. Il est probable que ce dernier fut sans doute réalisé postérieurement, peut-être en retaillant un des bas-reliefs de la Daurade car on retrouve pourtant les colonnes, l'arc et les deux fleurs.
Les autres bas-reliefs, placés deux à deux à chacun des angles du cloitre, sont censés représenter les apôtres Jacques et Jean, André et Philippe, Paul et Pierre, Barthélemy et Matthieu, celui de Simon figurant sur un pilier médian. En effet, leur nom est indiqué au dessus de chacun d’eux mais au vu des descriptions faites par frère Odon et toujours extraites du livre de Jean Cassaigneau, nous proposons une autre identification mais sans certitude :
Jacques à Moissac (cf image 10) : description de Simon
Sous la fenêtre vitrée du nord, la tête nue avec une légère barbe, regarde le Sauveur ; sa main droite s'élève un peu dans l'air ; sa main gauche repliée repose sur la cuisse (tient un volumen enroulé sur sa cuisse). Sur la tête, on lit SI-MON
Jean à Moissac (cf image 11) : description de Pierre
Pierre, l'air âgé, tête nue et chauve entourée d'un grand diadème ; il regarde vers l'image sacrée (le Christ Sauveur) ; il porte comme les autres les pieds chaussés de sandales. Il saisit sa toge argentée de sa main gauche qui tient des clés ainsi qu'une croix qui repose sur ses épaules ; il étire son bras droit à hauteur des épaules.
Sur sa tête, on lit PE-TRVS. Les crevasses du mur ont déchiré en deux la mosaïque de la tête aux pieds.
A noter : la clé et la croix, absents du bas-relief devaient être peints à l'origine.
André à Moissac (cf image 12)
André lève la main droite au niveau de la poitrine et l'étend vers (l'autel) le Sauveur ; de sa gauche, il soutient son habit tout en tenant un bâton dont l'extrémité porte une croix ; sur son habit argenté il y a une bande large de quatre doigts avec cette lettre I sur la droite ; il porte des sandales. Sur sa tête entourée d'un diadème le mot ANDR-EAS
Philippe à Moissac (cf image 13) : description de Jean
Jean, assez jeune, barbe rasée mais large (autour du visage), grande tête entourée d'un cercle doré, tient de sa main gauche un livre d'évangile doré, fermé et orné de formes de diverses couleurs, or, argent, rouge sang, vert, blanc et noir que sa main droite touche à l'un des coins ; sur son habit argenté apparait du côté gauche la lettre S ou un 8 ; les pieds nus dans des sandales comme les autres (personnages) et les Anges ; il regarde le sauveur ; il porte écrit sur sa tête : JOHA-NNIS
Paul à Moissac (cf image 14)
Paul, tête nue, barbe courte, entourée d'un diadème ; il lève et étend sa main droite dans l'attitude de l'extase ; de sa gauche, il tient un grand livre rouge orné de petites pierres dorées ; autour de sa tête on lit PAV-LVS
Remarque : Paul ayant été possiblement déjà été identifié parmi les bas-reliefs de Saint Serrnin, il est difficile d’être affirmatif !
Pierre à Moissac (cf image 15) : description de Luc
Luc tourné légèrement vers le Sauveur, la tête couverte d'un bonnet (pileus), sa main droite posée sur sa cuisse (abaissée vers le genou) ; il tient de sa main gauche un livre (évangile) assez grand qui repose sur sa poitrine (dans la région du cœur) ; il est très vieux (parait très jeune) ; il porte une légère barbe ; il a des sandales au pied. Sur sa tête, on lit LU-CAS
Remarque : dans la description de Luc, il n'est pas indiqué de clés alors qu'elles figurent sur le bas-relief de Pierre. Mais la position de la main droite semble très improbable, ce qui peut laisser penser que celle-ci a pu être retaillée ultérieurement (à Moissac) afin que l'apôtre Pierre soit porteur de clés.
Barthélemy à Moissac (cf image 16)
Barthélemy, la main droite levée, la gauche soutient la toge comme s'il la levait légèrement ; il semble marcher, porte des sandales ; autour de la tête l'inscription claire et nette MARTA-LAMEVS
Matthieu à Moissac (cf image 17)
Matthieu, la main droite posée sur sa poitrine, sa gauche tient un livre également sur la poitrine, les pieds nus dans des sandales. Inscription autour de la tête MATTH-AEUS
Simon à Moissac (cf image 18) : description de Philippe
Philippe, presque entièrement vêtu d'or, les mains jointes au niveau de la poitrine, regarde respectueusement (comme s'il marchait) en direction du Sauveur, sur la tête nue ornée d'un diadème le mot FILI-PPUS.La main droite, comme pour les deux autres (Esdras et Abimelech), tient un volumen enroulé et l'autre, la main gauche, est recouverte au niveau de la ceinture par l'habit (qu'elle tient).
Il apparait donc que comme dans le cas de Saint Sernin, après la destruction de la Daurade entre 1759 et 1765, certains bas-reliefs furent récupérés et disposés dans le cloitre de Moissac. Et c’est à ce moment là que les inscriptions indiquant le nom des saints furent ajoutées. Il reste à trouver à quelle époque ces travaux furent menés. Bien sûr, c'est forcément après la date de la démolition de la Daurade. Et d'aprés les notes publiées en 1850 par Jules Marion dans un livre intitulé L'abbaye de Moissac, notes d'un voyage archéologique, on peut affirmer que les bas-reliefs étaient bien présents au milieu du XIXe siècle :
Sur la face intérieure de ces piliers, sont appliqués de grands bas-reliefs en marbre blanc, qui portent, sculptées en pied et de grandeur naturelle, des figures de saints ; chacune d'elles est accompagnée d'une inscription explicative, gravée en belles lettres capitales autour du bas-relief. Les saints ainsi représentés sont : saint Pierre, saint Paul, saint Jean l'évangéliste, saint André, saint Barthélémy, saint Philippe, saint Matthieu, et enfin le second fondateur de l'abbaye, saint Durand de Bredon, évêque de Toulouse et abbé de Moissac.
On sait juste que le cloitre fit l'objet de restaurations au XIXe siècle notament par Viollet-le-Duc avec un réaménagement de certains bas-reliefs. On en trouve trace dans un ouvrage trés documenté intitulé Apogée de Moissac de Régis de La Haye publié en 1995 :
Le bas-relief représentant Simon le Cananéen, qui se trouvait au début du XIXe siècle au portail de l'abbatiale, fut placé dans le cloître, sur le pilier dit "de consécration", côté préau, par Viollet-le-Duc. Un fragment de bas-relief de Thaddée, dessiné par Beaumesnil dans ses Antiquités de Moissac, a été perdu. Il représentait un apôtre barbu tenant un phylactère portant une inscription dont il ne restait que le fragment suivant : S. TAD...
Il faudrait sans-doute fouiller les archives locales pour voir si on trouve une trace de travaux faisant mention de l'ajout de ces bas-reliefs. Mais on peut raisonnablement douter de l'issue de cette recherche en lisant le constat désolant dressé par l’auteur dans le même ouvrage :
Une partie du fonds de l'abbaye fut transférée par le pouvoir révolutionnaire à Lauzerte, chef-lieu de canton du département du Lot, auquel appartenait Moissac avant la création du Tarn-&-Garonne en 1808. Une autre partie resta à Moissac et fut oubliée dans des placards ...
Les archives et la bibliothèque ne souffrirent pas tant de l'administration révolutionnaire que de l'incurie du début du XIXe siècle. En 1832, Adrien Lagrèze-Fossat visita pour la première fois les archives de l'abbaye, du moins celles qui étaient restées à Moissac. Il écrit : "Je visitai pour la première fois les archives de l'abbaye. Elles étaient alors dans l'état le plus déplorable. Les carreaux de l'unique fenêtre qui éclaire la salle étaient presque tous brisés, les portes ne fermaient plus, toutes les boiseries avaient disparu, et les liasses, la plupart éventrées, gisaient pèle et mêle sur des dalles avec des actes officiels du temps du Directoire et de l'Empire qu'on y avait très-probablement transportés à la hâte, pour les cacher, en 1814 et 1815. Ce n'est pas tout : un grand nombre de titres avaient été détruits par des moisissures, d'autres maculés par les déjections des animaux nocturnes, quelques uns lacérés par des mains inconnues et dépouillées des sceaux qui attestaient leur authenticité ; enfin il ne restait pas très-certainement un dixième des dossiers inventoriés en 1792. Tout ce qui manquait avait été pris, disait-on, par des relieurs de Moissac et des villes voisines". Puis, plus loin : "Les titres de l'abbaye furent dans cet état d'abandon jusques en 1840. La fabrique de l'église Saint-Pierre ayant eu besoin, vers cette époque, de la salle où ils étaient déposés, l'administration municipale les fit enlever et porter à l'hôtel-de-ville". C'est donc à la mairie que Lagrèze-Fossat consulta les archives de l'abbaye, jusqu'en 1859, année où le préfet de Tarn-&-Garonne ordonna le transfert du fonds à la préfecture de Montauban. C'est à Montauban que le fonds fut classé.
Il est donc bien possible que les documents afférents à ces travaux aient disparu à tout jamais.
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