Sommes-nous seuls dans l’Univers ?
Jean Heidmann, Alfred Vidal-Madjar, Nicolas Pratzos, Hubert Reeves, Sommes-nous seuls dans l'univers ? Entretiens réalisés par Catherine David, Frédéric Lenoir et Jean-Philippe de Tonnac, Librairie Arthème Fayard, 2000
Table :
Introduction - Jean Heidmann : La musique des sphères : Ouverture - Des signaux venus du ciel - De qui attend-on un message ? - L'humanité galactique - Quelques objections - Les pollutions radio - Un radiotélescope sur la Lune - Une lentille solaire - Lorsque le premier message arrivera - Alfred Vidal-Madjar : La lumière des soleils : Ouverture - Les nouvelles planètes - Un seau plein d'étoiles - Le mystère des pulsars - Le temps des atomes - L'océan primordial - Les mésaventures de l'extraterrestre - Les surprises du nouvel an cosmique - L'exception de la vie - Nicolas Prantzos : Ouverture - Premiers pas dans l'espace - En route vers la planète Mars - Des obstacles sur le chemin - Voyages dans le Système solaire - Vers les étoiles - Une aventure pour tous ? Pour quand ? - Quand la réalité dépasse la fiction - Sommes-nous uniques, les premiers, ou, tout simplement, les seuls ? - Hubert Reeves : Le Gai Savoir : Ouverture - Qu'est-ce que la vie ? Histoire de la vie sur terre - Le billard planétaire - Le fantôme de l'Univers - Le contact est-il possible ? - Les voyageurs du cosmos - Un projet dans la nature ? - Le levain cosmique - Annexes : Le calendrier cosmique - Glossaire - Bibliographie - Remerciements.
Les auteurs :
Nicolas Prantzos, chargé de recherches au CNRS, est spécialiste d'astrophysique nucléaire ; Alfred Vidal-Madjar travaille à l'Institut d'astrophysique de Paris et enseigne la physique à l`Ecole polytechnique ; Jean Heidmann, astronome à l'observatoire de Paris-Meudon, est l'un des principaux animateurs du comité SETI (Search for extraterrestrial Intelligence) ; Hubert Reeves, célèbre auteur de Patience dans l'azur, enseigne la cosmologie à Montréal et à Paris.
Quatrième de couverture :
"Nous savons depuis peu qu'il existe d'autres systèmes solaires dans notre galaxie. Une trentaine de nouvelles planètes ont déjà été détectées, et les surprises se multiplient. C'est pourquoi, l'hypothèse d'une vie et d'une intelligence extraterrestres est devenue l'une des préoccupations majeures des astronomes contemporains.
Les entretiens réalisés par Catherine David, Frédéric Lenoir et Jean-Philippe de Tonnac auprès de quatre astrophysiciens de renommée internationale nous plongent au cœur d'un débat scientifique brûlant et relancent de manière nouvelle et passionnante l'éternel questionnement sur l'apparition de la vie et la place de l'homme dans l'univers."
Extrait de l'Introduction :
"L'Humanité pourra-t-elle un jour se rendre dans les étoiles ? Les astronomes en sont persuadés et imaginent déjà, avec l'aide des ingénieurs et des physiciens, des moyens de propulsion qui seront peut-être ceux de l'humanité galactique. Si l'accélération du progrès technologique se maintient au rythme actuel, disent-ils, les hommes auront colonisé tout le système solaire dans quelques siècles. Et dans trois millions d'années - le temps qui nous sépare de Lucy -, c'est bien le diable s'ils n'ont pas réussi à atteindre les étoiles. Feront-ils des rencontres en chemin ?
C'est ainsi que, depuis quelques années, l'hypothèse d'une vie extraterrestre a quitté le domaine des spéculations vaines sur les "ovnis", pour entrer de plein droit dans le champ de la recherche fondamentale. Elle nourrit désormais les préoccupations quotidiennes des astronomes et des biologistes. ce changement de perspective, sans doute le nouveau paradigme du XXIème siècle, est peut-être aussi important que la révolution copernicienne.
D'où l'idée de lui consacrer ce livre, résolument tourné vers le IIIème millénaire. Après les Entretiens sur la fin des temps, où nous avions tenté une première exploration du futur à la lumière du passé culturel de l'humanité, voici donc le témoignage de quatre scientifiques, quatre grands témoins du cosmos. Ils sont tous aux premières loges pour observer cette mutation majeure du regard scientifique. Nous leur avons demandé leur intime conviction sur cette question délicate, propice aux fariboles et aux extrapolations : compte-tenu des données les plus récentes, pensez-vous que l'humanité rencontrera un jour ses semblables quelque part dans l'Univers ? Ou serons-nous condamnés à assumer notre solitude cosmique ?
Notes de lecture :
Selon Jean Heidman, ancien directeur du programme SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), les conditions qui ont permis l'émergence de la vie sur la planète Terre sont si nombreuses et si aléatoires (notamment la "bonne distance" par rapport à notre soleil) que l'éventualité d'une forme de vie intelligente sur d'autres planètes, paraît faible. Cependant, on découvre constamment de nouvelles planètes en dehors du système solaire (exoplanètes) et on pense qu'elles sont en nombre virtuellement infini, ce qui, statistiquement, change la donne et incite à continuer à "écouter le ciel" à l'aide des radiotélescopes.
En se fondant sur le "paradoxe de Fermi", redécouvert, entre autres, par Carl Sagan : "s'il existe une forme de vie intelligente sur une autre planète, pourquoi ne nous a-t-elle pas déjà contacté ?", Alfred Vidal-Madjar estime, que les probabilités sont à peu près nulles. Mais la vie peut exister sur d'autres planètes sous une forme ou sous une autre (bactéries par exemple), sans émergence d'une forme de conscience.
Note : En 1975, l'astrophysicien Michael Hart explicite le paradoxe de Fermi de la manière suivante :
- Il se peut que la probabilité d'apparition d'une civilisation technologiquement avancée soit très faible, si bien qu'un univers de la taille du nôtre est nécessaire pour qu'elle ait une chance de se produire une fois (mais beaucoup moins probablement deux) ;
- Il se peut que les extraterrestres existent mais que, pour une raison ou une autre, la communication et le voyage interstellaires soient impossibles ou ne soient pas jugés souhaitables ;
- Il se peut que la vie existe ailleurs, mais en des lieux rendant sa détection difficile, par exemple dans des océans protégés par une couche de glace, organisée autour d'évents hydrothermaux ;
- Il se peut enfin que les extraterrestres existent et nous rendent visite mais d'une manière indétectable avec les moyens techniques actuels.
Alfred Vidal-Madjar fait le point sur les données les plus récentes de l'astrophysique, sur notre connaissance de l'univers et sur les possibilités concrètes de voyager dans l'espace - mais aussi les inconvénients comme les effets des rayons cosmiques et de la gravité, le mode de propulsion, le coût, le retour sur Terre, etc. - et de coloniser et de "terraformer" (rendre semblable à la planète Terre) d'autres planètes, à commencer par la planète Mars et d'exploiter les astéroïdes.
Nicolas Pranzos estime quant à lui "qu'il n'est pas pensable de dépenser l'équivalent du PIB d'un pays pour envoyer des hommes sur Mars alors que la moitié de l'humanité ne mange pas à sa faim. La Terre a tellement de problèmes à résoudre - pollution, inégalités socio-économiques, pauvreté, chômage, etc. - que cette aventure spatiale peut attendre quelques décennies, voire plusieurs siècles... Il faut commencer par résoudre quelques-uns des problèmes les plus urgents de la planète avant de se lancer dans de nouveaux programmes spatiaux extrêmement coûteux."... Il fait toutefois remarquer que les programmes spatiaux coûtent moins cher que le commerce des armes ou des produits cosmétiques. (p.185)
Selon lui, si la probabilité d'émergence de la vie sur une planète est par hypothèse de un cent milliardième (1/100000000000), il n'y a rien d'illogique à concevoir la Terre comme l'unique planète de la galaxie où la vie soit apparue (p.193)
Nicolas Pranzos reprend l'argument (ou le paradoxe) d'Enrico Fermi, déjà avancé par Alfred Vidal-Madjar : "s'il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient déjà être ici, chez nous. Or nous n'avons jusqu'à présent aucun indice d'une telle visite."
Selon Wallace, cofondateur avec Darwin de la théorie de l'évolution, l'homme résulte d'une série d'événements uniques et imprévisibles dans la longue chaîne de l'évolution. La probabilité que cette même série d'événements se produise ailleurs, même dans des environnements semblables à celui de la terre, est infime.
Selon lui, l'émergence de l'homme et de l'intelligence relèvent, comme le pense également le paléontologue Stephen Jay Gould du hasard pur. "Les arguments biologiques, combinés au calendrier cosmique (principaux événements survenus depuis le big bang à l'échelle d'une année terrestre) et au paradoxe de Fermi, invitent, (à son avis), au plus grand scepticisme vis-à-vis de l'hypothèse d'une intelligence extraterrestre." (p.202)
Contrairement à Isaac Asimov par exemple, Nicolas Pranzos n'envisage pas l'existence d'une forme de vie intelligente sur d'autres planètes, totalement différente de l'Homme.
Dans la quatrième partie du livre dont le titre est inspiré d'une oeuvre de Nietzsche : "Le Gai Savoir", Hubert Reeves avance des réponses à la question qui sous-tend celle de savoir si nous sommes seuls dans l'univers : "Qu'est-ce que la vie ?"
"On a progressivement découvert que la matière se présente dans différents niveaux d'organisation, depuis les structures les plus simples jusqu'aux plus sophistiquées, et qu'il y a une continuité entre ces niveaux. La matière passe spontanément de l'un à l'autre. C'est bien le message le plus important de l'astronomie contemporaine." (p.208)
Reeves explique les propriétés qui caractérisent les êtres vivants, notamment la capacité d'apprendre, d'acquérir de l'expérience (p.211). Il raconte "à grands traits" l'histoire de la vie sur la Terre et souligne que la transition, il y a près de quatre milliards d'années de la matière inorganique à la matière vivante "reste une des plus grandes énigmes de la science contemporaine".
Dans cette transition l'eau "solvant miracle" permettant aux molécules prébiotiques de se déplacer plus facilement et le soleil, placé "à une distance convenable" ont joué un rôle fondamental, ainsi que l'existence autour de notre planète d'une atmosphère (étymologiquement "bulle d'air") propice à la respiration : "La transformation du gaz carbonique en oxygène par les algues bleues va fournir aux organismes une source d'énergie formidable." (p.217)
Il évoque ensuite la sortie de l'eau des amphibiens, effet, selon la thèse évolutionniste de la compétition pour de nouveaux territoires et rappelle la fonctionnement d'une cellule que l'on peut comparer, selon lui à celui d'une usine de produits manufacturés.
Les organismes "extrêmophiles" (qui survivent dans les conditions les plus extrêmes, notamment en l'absence de lumière), découverts récemment, montrent que la vie telle que nous croyons la connaître ne serait qu'un cas particulier.
Il rappelle (p.224) les conditions qui permettent l'apparition de la vie : "la planète porteuse doit avoir une masse suffisante pour retenir par son champ de gravité de l'eau liquide à sa surface. La température superficielle ne doit être ni trop basse - on a de la glace -, ni trop élevée - on a de la vapeur." (p.224)
Ce n'est le cas ni de Vénus, ni de Mercure, mais il y a de l'azote, des hydrocarbures et probablement de l'eau liquide sous la banquise des satellites de Jupiter.
L'existence des "extrêmophiles", notamment des bactéries qui oxydent le soufre et le fer constituent un argument en faveur de la vie sur d'autres planètes. Les météorites pourraient abriter des colonies de bactéries "en dormance."
Hubert Reeves ne partage pas l'opinion de Jacques Monod dans Le Hasard et la Nécessité, selon qui l'apparition de la vie serait un phénomène si improbable qu'il n'aurait pu se produire qu'une seule fois. Si bien que nous sommes assurément seuls dans l'univers.
Reeves rapporte un certains nombre de faits et d'observations qui ont sérieusement ébranlé cette conviction : Premièrement, les célèbres expériences des chimistes américains Harold Urey et David Miller en 1955 qui ont réussi à simuler les conditions terrestres initiales en provoquant des décharges électriques sur des molécules simples. Deuxièmement, une série d'observations radio-astronomiques allant globalement dans le même sens qui ont mis en évidence la présence de molécules dans l'espace. Troisièmement : la présence de centaines d'acides aminés, dont certains se retrouvent dans la constitution des protéines, sur certaines météorites tombées du ciel.
En faveur de la vie extraterrestre, Hubert Reeves avance "l'argument des trois fenêtres" :
- Première fenêtre si l'on regarde l'Univers à grande échelle, on reconnaît une grande homogénéité dans la structuration de la matière : partout des galaxies peuplées d'étoiles, ayant des caractéristiques communes.
- Deuxième fenêtre : l'univers est constitué des mêmes "briques" répertoriées dans la table de Mendeleïev et les lois de la physique sont les mêmes partout : la gravité, l’électromagnétisme, la force nucléaire et la force faible.
- Troisième fenêtre : "Sachant que la nature a trouvé le moyen de structurer la matière de façon analogue à grande et à petite échelle, on peut supposer qu'il en va de même dans l'échelle intermédiaire (celle de la vie)." (p.237)
Conclusion (Hubert Reeves) :
"Tout au long de ce livre, mes collègues et moi, avons développé deux argumentations bien étayés, qui pourtant semblent nous amener à des conclusions diamétralement opposées au sujet de cette pluralité des mondes habités...
D'une part, un ensemble impressionnant d'observations et d'arguments donnent à penser que la vie est vraisemblablement un phénomène universel et que le ciel foisonne de planètes habitables et habitées.
D'autre part, l'absence de contacts avec des extraterrestres fonde le pessimisme évoqué par Alfred Vidal-Madjar. Pour paraphraser Albert Camus (dans un tout autre contexte), on pourrait parler du "silence déraisonnable du ciel". Ou, avec Blaise Pascal, du "silence des espaces infinis".
Ces argumentations et conclusions contradictoires posent les limites des réponses que nous pouvons donner aujourd'hui à la question qui nous a rassemblés.
"Sommes-nous seuls dans l'univers ?"
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