Avale-Loire : étape 10
Le Thoureil – Bouchemaine – Angers
L'improbable au coin de ce ru …
Me voici au terme de mon étape ligérienne à vous écrire d'une vedette hollandaise, quai de la savate à Angers. Les chemins de notre Loire sont multiples, celui du jour s'offre un détour sur son bel affluent du nord. Je n'ai pas trop le sentiment de lui avoir joué une infidélité, la fille Liger m'a quitté au passage du Pont de Cé, une autre rivière, qui cette fois pourrait tout aussi bien se nommer fleuve a pris sa place ….
Tout a commencé au soleil levant dans une toue où je passai une nuit de pacha. Je partais de fort bonne heure, désirant trouver le lien internet et de quoi manger. J'avais envisagé le petit village de Saint Mathurin à quelques coups de pagaie du Thouriel. Une maison de Loire compléterait une halte nécessaire et salutaire !
Un café portant le doux nom de Gabarre me fit de comprendre que c'est là, et pas ailleurs que se trouvait ma place. Je repris quelques forces, assez pour attendre l'heure d'ouverture de la maison de Loire. J'y rencontrai une charmante guide qui vint à ma rencontre un peu inquiète. « Que vais-je pouvoir dire à cet ostrogoth qui débarque en bien curieuse tenue ? » devait s'alarmer la demoiselle bien plus soucieuse de sa mise que votre humble serviteur !
Elle ne me jugea pas à l'habit qui à défaut de faire le moine, faisait à n'en point douter l'ours mal lavé. Oublions ce détail scabreux et allons un peu plus vite en besogne. L'hôtesse, après quelques hésitations, me livra détail de nature à imaginer un conte. Il s'intitulera « Le grand fossé », vous n'aurez que le plaisir d'attendre. Une de ses collègues vint à ma rencontre, elle m'avait entendu bonimenter à Challonnes. Le monde est rond et la Loire bien petite !
Je recevais par les voies de la toile, redevenue audible un message de Michel, responsable d'Atoue Loire m'avertissant que j'étais attendu à Bouchemaine à 17 heures à l'embarcadère pour me rendre à Angers en Gabarre. La proposition était alléchante et ne dérogeait pas à la règle que je m'étais fixée. Je n'avais plus qu'à pousser sur les bras pour arriver assez tôt afin de me préparer à cette escapade angevine.
Ce fut fait, non sans transpiration et surprise. Le paysage qui évoluait sous mes yeux changeait du tout au tout. Jusqu'au Pont de Cé, si Loire se faisait large, elle conservait ses bancs de sable et ses interminables serpentins. C'est après ce pont que jadis, elle changeait de nom. Elle changea d'apparence immédiatement. Elle se fit étroite et ombragée, creusée dans des couloirs de sable et de terre.
Puis soudain, elle éclata à l'envi, s'étendit dans un lit qui semblait ne plus avoir d'obstacles. Un coup au cœur, des senteurs plus violentes, une force qui surprend, j'allais sur la pointe de mes pelles. J'observais ce fleuve qui n'était plus ma rivière. Il me faudra faire ma cour, apprendre à mieux connaître cette nouvelle dame.
Je n'étais pourtant pas encore arrivé à la fusion du Maine et de la Loire que déjà elle se faisait immense. Je pris même un bras pour cet affluent que j'appelais de mes vœux. J'avais hâte de trouver une solution afin de laisser mon kayak et mes bidons pour me rendre, délesté d'une partie de mon fardeau en la cité angevine.
Quand le Maine est survenu, il me fallut la remonter. La base de Kayaks s'y trouvait. Je pensais bien naïvement pouvoir laisser mon fardeau dans le garage de cette grande structure contre, naturellement, un petit quelque chose. Hélas, « il n'en est pas question » fut la seule réponse qui me fut retournée. Une fois encore, les assurances sont prétextes à bien des contrariétés. Je n'avais d'autre choix que de pousser plus loin !
Fort heureusement tout proche de cette base nautique où le vagabond ne peut se poser, il y avait un espace réservé aux camping-cars. J'y trouvai une dame à qui je demandai où se trouvait la réception. D'accueil il n'y avait point, mais de fil en aiguille, elle comprit ma situation et en fit part à son époux. Les deux retraités heureux et en vadrouille décidèrent de garder mon barda en dépit des règles du lieu. Pour sa soirée, la dame réclama la collection complète de mes fables que par une étrange folie, je déplace avec moi depuis le début. Elle a de la lecture pour aller jusqu'au bout de la nuit.
J'arrivai à temps pour le passage de la Bohème conduite par Jean, secondé par Jérôme. Ce grand bateau de bois pouvant recevoir jusqu'à 30 passagers et effectue une navette entre Loire et Maine allait me faire l'honneur d'un bout de conduite. Je fis quelques bonimenteries discrètes pour égailler le voyage et amuser une vielle dame : Mauricette qui joua les coquettes et refusa de m'avouer son âge.
Pourtant la grand-mère, en charge de ses petits enfants, tandis que son mari photographiait tout ce qui passait à portée d'œilleton, m'avoua avoir connu les bateaux lavoirs de Tours. Nous n'en dirons pas plus pour ne pas vous apporter d'indice, je préserve ce secret auquel elle semble tant tenir !
La dame m'avoua sa passion pour la Loire. Elle est peintre et notre belle rivière est sa source principale d'inspiration pour des œuvres figuratives. Elle expose d'ailleurs en ce moment même à Champtoceaux, son village natal, une série de portraits de femmes issus de ces innombrables voyages lointains à la poursuite d'un mari qui n'a jamais eu les deux pieds dans le même sabot.
Notre agréable conversation s'arrêta justement là, quai des sabates, ces petits chaussons de feutre qu'on glissait autrefois dans les sabots de bois. La boucle était bouclée et me voilà débarqué en Angers à la recherche de mon contact. J'avais eu entre temps, un message de Marlène, une des deux filles d'en bas de notre expédition du Rio. Quai de la savate, se préparait un concert public et gratuit. J'avais bien peu de chance de trouver mes amis.
C'est pourtant ce qui advint par le plus grand des miracles. Histoire de ne pas perdre la main, ma soirée fut occupée au renflouement le fûtreau de Michel. Il semble que les chats noirs fréquentent tous les quais de la terre ! Ce fut une belle occasion de transpirer et d'en oublier presque de manger. J'espère revenir aminci de cette expédition sous un soleil, qui jusqu'alors, n'a jamais baissé les yeux !
Sérendipitement vôtre.
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