Du bollard à l’anneau
Divagation annulaire.
Notre bon baron eut le nez creux en amarrant sa création à cinq anneaux afin que le sport accoste sur les cinq continents. Imaginez donc un peu qu'il eut préféré la bitte d’amarrage autrement nommée billard, baulard, boulard et encore borne ce qui avouons-le, aurait singulièrement changer la donne.
Quoique le bollard nous aurait mis en garde sur le risque de capeler l'œil des aussières avec des cordages qui au fil des époques devinrent de plus en plus gros tant le rafiot olympique prenait de l'ampleur. Un tonnage toujours plus important exige des attaches au réel solidement ancrées dans un territoire qui va devoir subir une pression financière sans égale.
Il faut donc se résigner à conserver les anneaux plutôt que nos troublantes bittes d'amarrage sur lesquelles se seraient assis bien des organisateurs qui finirent toujours par se montrer incapables d'assurer leurs arrières, une fois les jeux faits. Avant de céder la place, ces formes oblongues assez évocatrices tiennent à rappeler que leur nom vient de l'anglais « Bole » qui signifiait alors tronc d'arbre, celui qui pousse les spectateurs à monter aux branches.
Si par hasard, en vous promenant sur un quai, il vous venait la mauvaise idée de donner un grand coup de pied dans l'un de ces curieux bollards, vous seriez immédiatement qualifiés pour participer aux épreuves de foot-bole, réservées aux pieds cassés que les grands clubs ont laissé aux équipes nationales
L'anneau a donc gagné la partie, manière de rappeler adroitement que les chaînes et leurs droits TV ont leur raison d'être avec ce lointain souvenir de la servilité. De nos jours du reste et sans doute pris par la fièvre olympique, nombre d'individus ne savent plus où se mettre l'anneau pour marquer leur attachement indéfectible à cette grande célébration de la jeunesse sportive.
Il fut un temps lors des célébrations où l'anneau ne trouvait place à l’annuaire, justement nommé ainsi pour rappeler qu'il était uni pour le meilleur et puis le pire à ce petit rond de métal précieux. Aujourd'hui, nez, oreilles, joues, lèvres de toutes natures se font doux réceptacles à cette diversité joaillère. La Cérémonie du reste a fait la part belle à cet hétéroclisme des pratiques.
Je me rends compte que je divague et que je perds de vue le symbole. J'avais pourtant le sentiment d'être au taquet en m'attachant aux origines des termes. Il est vrai que l'époque n'est plus au conservatisme et qu'il est bon de s'affranchir des racines et des traditions. Il convient de couper les ponts, de se libérer de nos entraves passées. Dans ce cas, les anneaux vont rapidement constituer des freins à ce désir de grand large.
Mais revenons à nos marins qui avaient bien du mal à lancer les aussières et qui pour favoriser le jet du cordage lui adjoignait des toulines, des petites boules de cordage savamment tressées ce qui peut expliquer pourquoi j'ai les boules devant la dérive financière de ce qui se déroule sous mes yeux.
À ce stade d'une réflexion qui prend l'eau de toutes parts, je viens juste de comprendre pourquoi la Seine fut au cœur de la liturgie symbolique. C'était une volonté de libérer toutes les embarcations de leurs entraves, quelle qu'elles fussent. Les anneaux n'ayant plus à remplir leur rôle, il n'est plus rien à dire sur ce symbole qui se contente de nous expliquer qu'il convient de mettre beaucoup de zéros pour payer la note.
Je crains que les cinq continents n'y suffisent pas.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON