Instants fugaces d’un été retrouvé
Quai du Chatelet
À CENABUM
Sur les quais, tout près du fleuve majestueux, la ville se réveille enfin à l’été. J’observe cette vie qui va d’un autre pas, ces gens qui prennent enfin ce bonheur simple de humer une journée de juillet qui ne fait pas grise mine. Il suffit de regarder et de suivre quelques instants les passants …
Une jeune femme, perchée sur ses rollers, glisse en chaloupant. Elle file sans bruit, ombre fugace éclairée d’un soleil qui la met en lumière. Plus loin, elle se pose pour goûter plus longtemps aux joies des rayons qui ambrent sa peau.
Une autre, à demi-dénudée s’offre lascive, sur un transat de fer, aux bonheur des caresses du Dieu Râ. Elle admire le fleuve sur son estrade perchée. De loin, je la devine qui s’abandonne au désir de fermer les yeux et de tout oublier.
Sur les pavés, plus bas, une jeune fille, tout de noir vêtue, avance d’un pas déterminé. Elle promène au bout de sa laisse un chien au pelage à elle si bien assorti. Ils filent, ne regardent rien, la bête et sa maitresse sont les deux seuls pressés.
Des marcheurs sereins avancent en duo. Ils flânent, se parlent de choses et d’autres. Certains portent à l’oreille, un étrange engin avec lequel, ils ont bien plus de choses à dire. Les couples sont souvent d’âge homogène.
D’autres moins à l’aise sont seuls. Cette femme engoncée dans une tenue qui ne lui permet pas de marcher, cette autre qui a ses robes qui volent au vent, celui-ci qui se parle à lui-même quand celui-là ne semble pas savoir où il va.
Un jogger défie la chaleur. Il mène bon rythme, suivant sans doute le tempo endiablé d’une musique diffusée à ses oreilles. Sa course légère ne fait aucun bruit sur le béton de la piste. Il est déjà loin.
Ma voisine de banc, curieuse de ce que je peux faire ici me dit alors : « Qu’on est bien ici, mieux qu’à la maison. Avec ce petit vent, on prend l’air sans s’assoupir bêtement sur un fauteuil devant la télévision ! Qu’on est bien … »
Deux skateurs passent dans le bruit un peu geignard de roulettes usées par les années. Ils vont de leur pas de trottinette, faire cabrioles et figures en un autre endroit. Ils profitent pourtant du spectacle comme les autres.
Des gens importants tiennent réunion auprès de panneaux de toile. Des photographies de Loire, œuvres d’artistes d’un autre département. Sans doute n’y a –t-il pas sur la place d’Orléans photographes de talents !
La voiture de la police nationale passe sur la bande piétonne. Je n’aime pas cette marque ostensible de la sécurité publique. Les forces de l'ordre seraient bien mieux à pied ou en vélo pour ne pas dénoter avec l’esprit des lieux.
Sur le fleuve, des archandiers notoires, mariniers ostensibles, refont le plancher d’un de leurs futreaux. Ils ont bien du mal à se retrouver à poste à l’heure convenue. Il y a toujours un outil qui manque, un problème technique ou bien d'alimentation.
Des cyclistes de la Loire à vélo échouent en cet endroit à bout de souffle. Ils sont chargés comme des mulets. Heureux sont ceux qui ont fait le bon choix et qui circulent le vent dans le dos. Les autres se reconnaissent à leur mine défaite …
Sur un banc, un homme écrit sur un petit calepin. Il regarde ceux qui passent, prend quelques notes et retourne à l'observation minutieuse de ce fragment de Loire et de ville. Il scrute tous ceux qui, en cette belle journée d'été, deviennent des passeurs du fleuve.
Les dames se pressent, elles portent tenues légères qu'un vent fripon s'amuse à faire encore plus courtes. Le soleil, le vent, l'eau à deux pas de là font de ce bord de quai un petit morceau d'ailleurs, un plaisir estival.
Un cycliste fend la bise, file bien trop vite là où ne doivent circuler que les piétons. Il est exception notable dans cette douceur partagée. Aussitôt passé, il est déjà oublié. Il n'a rien compris de la quiétude de l'endroit, tant pis pour lui !
Deux mamies marchent en devisant tranquillement. Non loin d'elles, leurs petits enfants avancent un peu plus vite sur leurs trottinettes. Ils s'arrêtent et attendent bienveillants ces deux vieilles dames dignes. On peut se demander qui surveille l'autre.
Deux amoureux, au pied de la jetée s'enlacent tendrement. Ils ont recherché le refuge d'un petit escalier, un petit recoin à l'écart des autres regards. Pour eux, ils ne sont que deux, tous les autres qui passent s'effacent à leurs yeux.
Un groupe sur la plateforme se lance dans une chorégraphie complexe. On devine qu'elle prend forme, qu'ils cherchent à se régler, à peaufiner leurs figures. Ils répètent sans eux non plus, se soucier de ceux qui les regardent de loin.
Il y a enfin un air de vacances, un temps qui cesse de jouer les chagrins. Chacun profite de ces rayons bénéfiques, de ce temps qui vous laisse libre de flâner tranquillement. Les vacances n'ont pas besoin d'exotisme, un espace loin des automobiles suffit à se sentir parti !
Et sur l'eau, un étrange bateau de bois, un grand rafiot qui porte le nom d'un oiseau, sort fièrement sa grande voile carrée et remonte le fleuve. Les têtes se tournent, chacun trouve en ce spectacle magique l'occasion de s'évader un peu plus. La ville d'Orléans a retrouvé sa Loire, on sent qu'il se passe là un moment en suspens dont il faut profiter …
Quiètement vôtre.
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON