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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Le bedeau et la chanteuse

Le bedeau et la chanteuse

Chanson d'amour ...

Une farce en point d'orgue

 

Je revois la ville en fête et en délire
Suffoquant sous le soleil et sous la joie
Et j'entends dans la musique les cris, les rires
Qui éclatent et rebondissent autour de moi
Et perdue parmi ces gens qui me bousculent
Étourdie, désemparée, je reste là 
Quand soudain, je me retourne, il se recule,
Et la foule vient me jeter entre ses bras...

 

Tandis que les m'as-tu vu et les bourgeoisiaux de not' bourg se pressent comme des sardines en une estrade exotique célébrant la modernité triomphante, quelques badauds périphériques en goguette ont été rejoints par des baguenaudiers de hasard. En bord de canal, la chanteuse fait son récital.

Elle célèbre les vieilles chansons françaises, héritage d'une époque révolue où chanter dans sa langue était une évidence. Son répertoire évoque des souvenirs attendris à tous ceux qui ont entendu leurs parents fredonner ces airs que l'on pensait éternels. Le rouleau compresseur de la mondialisation culturelle n'était pas encore passé par là ; depuis il écrase tout sur son passage.

La chanteuse ne craint rien. Elle s'amuse et c'est bien là l'essentiel. Elle nous offre des chansons d'amour, des chansons de Paris que reprenaient les rossignols de leurs trilles joyeux. Elle est gourmande, elle a l'œil qui pétille et partage sans faux-semblant ce patrimoine laissé à l'abandon par une nouvelle vague qui surfe sur les phénomènes de mode.

La chanteuse a remarqué le regard également pétillant du bedeau. Entre le maître des clefs du paradis et cette diablesse, le courant est passé. Le ciel pour témoin, ils échangent œillades et sourires, signes discrets et évidences certaines. La chanteuse s'est tournée vers lui : elle lui offre son récital, elle lui déclame ses chansons d'amour.

Le bedeau est aux anges ; jamais il n'a approché son patron d'aussi près. Saint Pierre lui ouvre ses portes d'une manière bien curieuse ! Les grandes orgues de la cathédrale n'étaient qu'une bien modeste expression céleste ; mais dans la gorge de la Chanteuse, elle s'élève en une extase sans pareille, elle exulte. Notre Bedeau est dans l'éther.

La chanteuse a ferré son admirateur. Elle se joue de lui, le caresse de ses airs enjôleurs, l'entraîne vers des ébats dont nous ne voulons rien savoir. Ils sont seuls sur le parquet, plus qu'eux deux , apparemment si heureux. Il est à ses pieds, il la vénère et la porte aux nues ; on ne se refait pas : il a vu en elle Sainte Thérèse d'Avila, c'est elle : il en est certain !

La complainte se fait étreinte, le tour de chant parade nuptiale ; nous sommes leurs témoins, la cérémonie commence mais nous ne serons pas invités à la danse. Le vent emporte leurs rares échanges, propos susurrés à l'oreille, chuchotements secrets que le micro ne vient pas trahir. Que c'est beau un coup de foudre enchanté !

Le ciel s'assombrit tout autant que l'épouse de notre homme. Elle fuit ce spectacle impudique ; s'en retourne, l'âme en peine. Où se niche la malice ? pense-t-elle contrariée. Il est venu en ce lieu de perdition tenir la table de mixage pour ses compères. Cette conception du mixage relèverait donc des péchés capitaux ?

Plus rien n'entrave l'amour de nos héros de l'heure. Ils échangent alors devant les spectateurs ahuris, un sirop étrange qu'ils avalent avec délectation. Ève avait croqué la pomme ; la chanteuse des extraits de plante. Lucifer s'amuse à reproduire inlassablement la faute initiale. Le Bedeau a perdu son âme, la chanteuse a hérité d'un chevalier servant.

La fin du récital leur sera fatale. Tout cela n'était, bien sûr, qu'artifice et mise en scène. La Chanteuse retournera à ses neuf petits-enfants, le Bedeau à son trousseau de clefs. C'est fou l'effet qu'Il lui a fait, elle l'a eu dans la peau le temps de ces trente-cinq chansons. Elle en fut dingo ! Hélas, au moment du bouquet final, sous un tonnerre d'applaudissements, la foule les éloigna l'un de l'autre.

 

Et traînée par la foule qui s'élance

Et qui danse
Une folle farandole
Je suis emportée au loin
Et je crispe mes poings, maudissant la foule qui me vole
L'homme qu'elle m'avait donné
Et que je n'ai jamais retrouvé...

 

Enchantement leur.


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8 réactions à cet article    



    • C'est Nabum C’est Nabum 21 juillet 2015 19:08

      @juluch

      Un peu de fraîcheur durant cet été caniculaire ne peut nuire

      Soufflons un peu !


    • Le p’tit Charles 22 juillet 2015 10:02

      +++++

      J’aime bien la photo de la dame qui fait une pipe à une saucisse.. !


      • C'est Nabum C’est Nabum 22 juillet 2015 12:27

        @Le p’tit Charles

        Ça tombe bien, le bedeau est de Strasbourg


      • Simple citoyenne Simple citoyenne 22 juillet 2015 13:20

        Vous êtes une véritable bouffée d’air et de Zen aussi.
         Merci à vous Nabum


        • C'est Nabum C’est Nabum 22 juillet 2015 13:35

          @Simple citoyenne

          Je suis un souffleur de vent
          Je suis heureux que vous appréciez cette petite bise sans importance


        • Garibaldi2 22 juillet 2015 16:02

          @ l’auteur


          Je revois la ville en fête et en délire
          Suffoquant sous le soleil et sous la joie
          Et j’entends dans la musique les cris, les rires
           ....

           

          Vieille chanson française ? J’en doute, en fait c’est l’adaptation (très libre) de  Que nadie sepa mi sufrir " par Michel Rivegauche, une chanson argentine  (paroles originales de Enrique Dizeo et musique de Ángel Cabral). A titre personnel j’estime que le texte de l’adaptation par Michel Rivegauche est bien meilleur que le texte original, c’est un vrai sujet mené de main de maître et taillé sur mesure pour Edith Piaf. ‘’La foule’’ date de 1957 et la mort de Marcel Cerdan de 1955.

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