Le canal d’Orléans
Conférence bonimentée !
Une bien curieuse affaire …
Le canal d'Orléans porta le nom d'une ville dans laquelle il ne passait pas. Ce fut la première incongruité d'un ouvrage marqué souvent par le mauvais œil, la malchance ou les affaires louches. Son histoire n'est qu'une suite de mystères et de coups tordus pour redonner à la ville d'Orléans une grande partie du commerce que le canal de Briare lui avait ôtés.
Le canal de Briare fut le premier ouvrage fluvial de partage des eaux. Commencé en 1604 par l'ingénieur Cosnier, à l'initiative d'Henry IV et de Sully, il fut achevé en 1642 et permit alors l'approvisionnement de Paris par voie d'eau pour les marchandises venant du Sud. Il s'imposa alors et attisa les jalousies d'Orléans qui perdait ainsi son rôle de plaque tournante du fret vers la Capitale.
La riposte ne tarda pas du côté de la cité johannique avec des procédures un peu obscures. C'est un grand bourgeois parisien : Robert Mahieu, qui servit de prête-nom, d'homme providentiel ou bien de généreux mécène. Le mystère reste entier sur les conditions de son engagement dans une aventure qui allait le mettre sur la paille et provoquer sa mort.
Robert était sans doute de mèche avec le duc d'Orléans. Il obtint du frère du roi, le 25 avril 1676 l'autorisation de percer un canal en forêt de Chaumont pour faire flotter et voiturer le bois vers Paris. Un accord qui ressort plus de la combine que du contrat honnête, lui attribua un droit d'exploitation pendant 40 ans et l'usage de 300 arpents de bois contre la construction à ses frais dudit canal.
Le brave Robert ne traîne pas en chemin ; en moins de deux ans, il perce son canal, de Grignon jusqu'au Loing, sur le seul bassin versant de la Seine. Il construit tous les ouvrages d'art en bois car les carrières font défaut dans cette région forestière. Il se sert des très nombreux ruisseaux et étangs de la forêt pour alimenter en eau son canal. La première livraison de bois par voie d'eau a lieu le 4 mars 1678.
La suite est beaucoup moins heureuse pour le gars Robert. On le prétend ruiné alors que très vite son canal tourne à bon régime et a considérablement réduit les bénéfices pour les seigneurs du canal de Briare, le rival voisin. Le Canal tombe immédiatement dans l'escarcelle du bon Duc qui ne devait pas être fâché de la chose, d'autant qu'il avait dans ses cartons le projet de rallier la Loire du côté d'Orléans.
En mars 1679, moins d'un an après la faillite supposée de Robert Mahieu, un édit royal autorise la suite de l'aventure. Le contrat prévoit pour le susdit Robert le remboursement des dépenses engagées dans la première partie de l' ouvrage. Lequel ouvrage devra être totalement achevé dans un délai de 6 ans à partir du début des travaux qui seront entièrement aux frais de monsieur Frère en personne.
Le 25 avril 1681 la nouvelle aventure commence sous la direction technique de Simon Lambert, architecte des bâtiments du roi, et la gestion financière de Dominique De Richemond, greffier des commissions du Conseil du Roi. Tout ça sent le délit d'initié ; rien n'a changé sous le soleil … L'équipe n'a donc plus que quatre années pour boucler le dossier et récupérer ses billes grâce au péage et à la taxe d'un écu prélevée par muid de vin. L'affaire devait être juteuse d'autant qu'on estimait le besoin à 17 563 muids de vin par an pour une capitale où la culture de la vigne était désormais interdite.
Les pots de vin ne furent-ils pas suffisants, les pressions du lobby des seigneurs du Canal de Briare furent-elles efficaces ? toujours est-il que la belle équipe resta le bec dans l'eau faute de liquidités. En 1684 l'entreprise battait de l'aile et manquait d'oseille. Il fallut, l'année suivante, monter une nouvelle structure qui bénéficia d'un délai supplémentaire et d'avantages nouveaux. Là encore, l'opacité régnait en maître sur les partenaires financiers de cette prometteuse mais si complexe affaire.
L'argent manquait toujours et Louis XIV mit la main à sa cassette personnelle pour octroyer une aide de 75 000 livres à cette opération qui commençait à traîner en longueur. Malgré cet apport royal, les travaux connurent un arrêt, une nouvelle fois, et le Duc d'Orléans qui avait abandonné le bébé, dut reprendre l'affaire en main en puisant dans sa poche. Est-ce ce contretemps qui l'empêcha de rembourser le pauvre Mahieu ? Nous le saurons jamais mais ce qui est certain c'est que sa petite-fille mena l'affaire devant les tribunaux pour obtenir enfin réparation du préjudice. Son grand- père était malheureusement passé de vie à trépas sans voir l'achèvement de ce grand ouvrage qui avait causé sa ruine complète : il avait, dans cette aventure en effet, perdu à la fois ses biens et sa santé…
Finalement après bien des déboires et des difficultés techniques, dont la réfection des ouvrages en bois du canal Mahieu, le 31 décembre 1691 les travaux sont enfin terminés. Ce sont des problèmes d'approvisionnement d'eau sur la ligne de partage des eaux qui furent à l'origine des difficultés les plus importantes. Que l'eau vienne à manquer pour un canal, surtout destiné à transporter du vin, il y avait là une belle ironie du destin.
Le premier bateau qui passa de la Loire au Loing par le canal d'Orléans, franchit l'écluse de Combleux le 5 mars 1692. La route du vin enfin ouverte, Paris allait pouvoir boire tout son saoul et le Duc d'Orléans retrouver ses billes au centuple ! L'aventure pouvait commencer, non exempte toutefois de surprises et de nouveaux coups tordus. Nous y reviendrons certainement une autre fois ! Quant à la famille Mahieu, elle attendait toujours …
Obscurément leur.
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