Les doigts dans le nez

À la lumière d'une chandelle
Ainsi le bon sens qui aime à être populaire prétend que c’est ainsi qu’il convient d’agir pour rendre les choses si faciles qu’elles en deviennent aisées et se réalisent sans effort. J’avoue mon incompréhension devant pareille contorsion. Dans une telle posture, je suis fichtrement incapable de faire quoi que ce soit de bien. Suis-je donc à ce point maladroit que j’échoue là où tout un chacun semble réussir haut la main ?
D’autres moins élégants dans leurs manières affirment être en mesure de mettre leurs doigts en un tout autre endroit. Cette fois, la mesure est dépassée et jamais je ne me hasarderai à tenter cette gymnastique absurde tout autant que douteuse. Il convient de ne jamais suivre au pied de la lettre ces fameuses expressions qui s’avèrent tout aussi foireuses que fumeuses.
Je mets ici le doigt sur un sujet grave que beaucoup ne veulent pas aborder. Ils sont sans doute de mèche avec le loup, celui qui vole de ses propres ailes pourvu qu’elles soient nasales. Notre langue doit aimer se donner au chat pour accepter depuis si longtemps de pareilles âneries. Il est grand temps de faire le ménage dans ce capharnaüm lexical au risque de se faire taper sur les doigts.
Les doigts des gens bien élevés n’ont rien à faire dans le nez pas plus d’ailleurs que dans l’autre réceptacle, la chose est entendue sans qu’il soit besoin d’y revenir. Que quelques morveux puissent encore s’aventurer à y quérir crottes et autres impuretés avec un doigt qu’il conviendrait de mettre à l’index de la bienséance, passe encore, puisque ceux-là refusent de se faire tirer l’oreille afin de les remettre dans le droit chemin ! Mais que d’autres tournent le dos aux conventions pour glisser le pouce là où un parfum douteux signale le forfait, j’avoue ne pas comprendre.
Le doigt du sage pointe la Lune quand le sot explore celle-ci d’une investigation impudique. Je ne mettrai pas ma main à couper dans l’aventure, le propos finirait par être scabreux à moins que la crainte soit infondée ou plus probablement trop tardive. Oublions séant ces vaines digressions langagières afin de nous donner la main sans la mettre au feu de l’action.
Les bras m’en tombent, dusse-il m’en coûter. Je les préfère cassés que petits, je les tiens trop en haute considération pour les honorer d’un geste équivoque. Qu’il fut du bras ou du doigt, ce geste déshonore bien plus qu’il ne distingue son auteur. Les mots sont curieux, eux qui se plaisent à encenser des attitudes qu’il conviendrait tout au contraire de mettre au pilon.
J’en finis par penser qu’il serait préférable de passer la main, de la confier à un personnage bien plus dextre que moi. Ne sachant où donner de la tête, je ne peux trouver ce nez qui n’est plus au milieu de ma figure de style. J’ai perdu la tête tout autant que la raison à vouloir vous entretenir de telles sornettes. Je pense préférable de prendre la tangente plutôt que de suivre le chemin du sinus.
Le nez au vent, je comprends soudain que là, se trouve la clef de l’énigme. Il m’en fallut bien des circonlocutions pour enfin découvrir le sens de cette étrange analogie. Ce nez qui s'enrhume, ne coulait pas de source ! C’est pourtant en le colmatant d’un doigt ferme que l’on évite de sombrer dans le ridicule. La bouche en cul de poule, je vous demande votre pardon de vous avoir ainsi conduit dans les chemins retors de ma réflexion.
Singeant le grand Cyrano, je pourrais, toute honte bue, conclure en déclamant : « C’est un nez, c’est un cap, que dis-je c’est une fistule ». Mais là, c’est certain, les puristes me moucheraient dans l’instant pour avoir osé cette approximation indélicate. Écrire un billet quotidien (celui-là ne restera pas dans les annales) ne se fait pas aisément ni même les doigts dans le nez !
Digitonasalement vôtre.
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