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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Les pointes d’amour

Les pointes d’amour

Couvrez ces têtes que je ne saurais voir …

Il était une fois une plante de la famille des liliacées qui dressait fièrement sa pointe à la vue de tous. Ce joli braquemart végétal avait de quoi aiguiser les appétits ; il était délicieux au point d’honorer la table des plus grands. Il nous venait du bassin méditerranéen et, comme beaucoup de plantes mystérieuses, il se plut sur les rives de la vallée de la Loire.

Pour son malheur, l’asperge avait une forme qui titillait l’imagination des plus fripons. Sa tête avait de quoi faire perdre celle des envieux qui jalousaient sa rectitude, sa belle couleur violacée ou sa verdure. Il faut reconnaître que Henry III ne lui rendit guère service en l’offrant à ses mignons ! Le bruit courut bien vite que les pointes d’amour étaient aphrodisiaques.

Voilà une rumeur qui eut de graves conséquences. Les dames s’arrachèrent cette oblongue pointe qui les faisait rêver, à l’instar de la Pompadour qui aimait tant à se la mettre en bouche. Les hommes, dans une vaine quête, espéraient y puiser l’énergie dont l’âge les privait insidieusement. Les manger à la crème n’était alors que l’expression d’un plaisir consommé.

Il fallut mettre bon ordre à cette folie qui, fort heureusement, ne concernait que la belle société. Le légume était un luxe qui ne venait pas pervertir les couches modestes de la population. On le prétendait Légume Royal et il n’honorait que les tables des Princes et des Rois. Louis XIV exigeait même d’en manger en toute saison : le roi commande et la nature doit se plier à ses désirs qui étaient fort grands.

Les jardiniers royaux eurent alors l’idée de couvrir d'une coiffe ces têtes provocantes qui narguaient la morale et les bonnes manières. Ainsi protégées, tout autant du soleil que du regard concupiscent de quelques jaloux ou de nombreuses gourmandes, l’asperge se fit blanche et discrète. Elle devint turion d'ivoire à manger, faisant ainsi concurrence à la corne de rhinocéros. Qu’elle fût diurétique n’entravait nullement sa réputation phallique en dépit de la forte odeur dont elle agrémentait les urines.

Vous comprenez aisément que munir chaque légume d’une petite capote délicate eut tôt fait d’échauffer les esprits plutôt que de les calmer. Il fallait agir au plus vite ou bien les jardins princiers se seraient transformés en lupanars au joli moi de mai. L’asperge mâle était montrée du doigt : c’est elle qui donnait ce légume délicieux. Fort heureusement, elle ne fut pas mise à l’index. Sa compagne s’épuisant à produire de petites baies rouges contenant quelques graines noires. le rouge et le noir la confinaient au statut de reproductrice.

L’asperge se démocratisa quand des jardiniers plus astucieux abandonnèrent la capote au profit de la butte de terre. Le buttage consiste à dissimuler les griffes du légume en les recouvrant d’un monticule de terre de vingt centimètres de hauteur. Ainsi dissimulée à la vue de tous, l’asperge se répandit dans les terres sableuses de nos régions.

Il fallut pourtant trouver un instrument pour cueillir la tête. Ce fut la gouge qui permit son extraction, une sorte de corne à chaussure qui servit de modèle à ce miracle d’ingéniosité. Une fois encore, notre asperge était vouée à susciter la métaphore sensuelle. La tête devait trouver chaussure à son pied : expression dont chacun sait qu’elle renvoie à l’accouplement.

L’asperge sort de terre en cette belle période de l’année qui est aussi celle des amours. Elle se dresse fièrement, pointe son nez , faisant naître bien des convoitises. Ne fut-elle pas une héroïne d’un conte des mille et une nuits, jouant alors ce rôle qui titille toutes les imaginations ? En toute époque, elle a donné des idées aux humains ; nous ne pouvons pas le lui reprocher. Laissez-vous donc aller à ces délices et, si par inadvertance, le joli légume, qu’il soit vert, blanc ou violet vous pousse à la bagatelle, je fermerai les yeux sur ce charmant travers.

Vous pouvez passer à table ou bien céder aux délices de la sieste crapuleuse. Profitez-en bien ; la saison des asperges ne dure que bien peu de temps. Quand l’été viendra, elles monteront en graines. Mais n’oubliez pas qu’elles ne sont jamais aussi bonnes que lorsqu’elles viennent d’être ramassées. C’est en faisant votre marché auprès des producteurs locaux que vous jouirez pleinement de ses petites vertus.

Aphrodisiaquement sien


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10 réactions à cet article    


  • juluch juluch 30 avril 2016 17:35

    l’asperge aphrodisiaque......je l’ignorai.


    Pareil pour la sauvage aussi ??

    parce que depuis le temps..... smiley



    • C'est Nabum C’est Nabum 30 avril 2016 21:28

      @juluch

      Les sauvages se passent de ses absurdités ..


    • Legestr glaz Ar zen 1er mai 2016 07:03

      Dommage que l’asperge contienne de l’acide asparagusique, c’est un peu un tue l’amour non ? Et quand ça sent le soufre, ça sent le soufre ! 


      • C'est Nabum C’est Nabum 1er mai 2016 08:00

        @Ar zen

        Pour le cunnilingus il est certain que l’asperge rebute parfois


      • vip (---.---.108.13) 1er mai 2016 16:18

        Des asperges j’en ai connues, des grosses, des maigre, des longues, des courtes, pour autant n’allez pas croire que je vous recite le breviaire de pierre perret, resolument rabelaisien, ce qui lui reussit a merveille, un terrain que je n’ai pas la pretention de lui disputer. a mon niveau de gourmande, ce qui me fait saliver est de les imaginer dressees sur une assiette, accompagnee d’une sauce hollandaise. mais, avant de passer a table, ces succulents legumes ont droit a un traitement de faveur. Leur dos est vigoureusement frotte avant de plonger dans bain bouillonnant, ou ces donzelles vont se prelasser une vingtaine de minutes, en somme la dolce vitae.


        • C'est Nabum C’est Nabum 2 mai 2016 18:39

          @vip

          Pour le bain bouillonnant, il faut repasser Il y a mieux comme traitement de faveur

          Quant au reste, je vous l’accorde, on se régale


        • Prudencegayant (---.---.79.191) 2 mai 2016 16:26

          Il me semble que les femmes avaient interdiction d en manger.

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