Faim de série
La nouvelle assuétude.
Je sais ! Je réagis sans doute bien tard à cette tendance qui frise désormais le raz-de-marée. Mais je dois à la vérité de me confesser devant vous : « Je suis un mauvais citoyen du Monde. J’implore votre pardon. Je ne regarde jamais une série que ce soit à la télévision qui semble disparaître progressivement des écrans radars ou bien à l’image de tout un chacun, sur la toile. »
Que faut-il comprendre à cette nouvelle manière d’abrutir une population déjà bien abîmée par les expériences passées, les chaînes d’information continue et autres sous produits culturels diffusés et promus par tous les bénéficiaires d’une mondialisation du mercantilisme et de la sottise ? Il est bien compliqué de décrypter leurs motivations à moins qu’il ne s’agisse de faire des humains des moutons bêlants, gardés non plus par des chiens de bergers mais par des écrans qui ont même la responsabilité d’avoir en permanence sur eux.
Big Brother doit se frotter les mains. Il a des victimes consentantes, des gens qui se disent même heureux de leur sort. Ils n’ont plus faim de savoir, de culture, de réflexion. Il leur faut se gaver de sensationnel, de palpitant, de belles histoires à l’eau de rose, tout ce qui au bout du compte, les écarte de la contestation d’un système destiné à laminer l’espèce humaine et la vie sur la Planète par la même occasion.
La faim de séries suppose le déstockage massif des neurones, la braderie gigantesque du débat, la liquidation des grands classiques du théâtre et de la littérature. Toujours plus bas, le nivellement est une forme d'écrasement collectif, de liquidation totale et définitive de la pensée. Après les séries le déluge sans que quiconque ne lève le petit doigt pour tenter d’inverser l'inéluctable catastrophe !
Rassurez-vous, personne n’échappe à la chose. Vos enfants ont depuis longtemps inoculé le virus mortel. Ce sont mêmes eux qui vous ont conduits dans le gouffre. Pour faire jeune, pour être branchés, vous avez suivi le mouvement tels les moutons de l’espiègle Panurge, envoyant tout le troupeau de son adversaire dans les flots.
La civilisation se noie et tout le monde saute à l’eau, non pas pour tenter de sauver quelques personnes mais pour se jeter dans la gueule des requins qui organisent le carnage. Le clap de fin est proche désormais, toutes les conditions sont réunies pour envoyer dans les oubliettes de l’histoire les restes de l’Homo Sapiens.
La sagesse n’est plus de ce Monde. La grande braderie tourne à la liquidation de l’espèce. Derrière les écrans, des armes de destruction massive du libre arbitre, de la pensée et de la réflexion. Le grand programme qui lave plus blanc est en fait un conditionnement fabuleux. Tout y participe à commencer par la drogue d’intoxication massive : le sport.
Les tenants de l'éradication de l’humanité ont trouvé qu’avec le football les choses n’allaient pas assez vite. Les Séries sont venues au secours de ce grand dessein. Plus besoin de débat sur le dérèglement climatique ni même de propositions sur la transition écologique. On amuse encore la foule avec des mesurettes inutiles, des promesses fallacieuses tandis qu’elle se colle derrière ses écrans pour éviter de voir la réalité en face.
La fiction est devenue le quotidien de chacun. Un Océan de béatitude baigne cette espèce qui se noie à tout jamais. Les philosophes se désolent, plus personne ne les écoute. Les intellectuels en désespoir de cause font l’apologie de la nouvelle ère numérique, du tout écran. L’effet de Serre en somme, la grande combustion finale.
Vous avez faim de séries. Rassurez-vous, le clap de fin est pour bientôt et celui-là sera Universel. Il n’y aura pas de suite au prochain épisode, ni plus de saison d’ailleurs. Bâfrez-vous bien tant qu’il en est encore temps, la fin des temps est prévue dans le synopsis.
Sériellement vôtre.
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