GORK (récit philo SF)
Gork
1
« Je suis donc je pense. »
Gork flotte depuis longtemps. Depuis des temps immémoriaux pour la mémoire des hommes. Ces hommes, s'ils pouvaient l'apercevoir, verraient en Gork une grande masse à l'aspect d'une larve ou d'un cocon géant.
Certains hommes ont cru le voir ; ils l'ont nommé géant, dragon, vaisseau interstellaire. Mais Gork n'est rien de tout cela : Gork est Gork.
Gork flotte.
Gork a entendu le frottement du premier silex par l'homo sapiens, Gork a vu les empires se faire et se défaire, la Mer rouge se séparer, les pyramides se dresser, un petit homme prononcer des mots glorieux à ses soldats au pied de ces pyramides. Gork a tout vu, tout entendu et pendant tout ce temps Gork flottait.
Gork a flotté si longtemps qu'il ne sait plus qui l'a conçu, ni pourquoi il a été conçu ni même ce qu'il est exactement. Mais aujourd'hui Gork est là, il approche la Terre…
Qui l’a conçu ? et dans quel but ?
Ces questions comme toutes les questions pendant des millénaires glissèrent à la surface de Gork sans l’interpeller. Gork n’était pas encore matière pensante. Il était sans conscience. Alors il savait, par un état de prescience qui était le sien, il savait mais ne pensait pas.
Comment le décrire alors ? Comme une grande masse absorbante, recevant des messages, des influx de l’univers et les stockant telles quelles, brutes, sans digestion aucune.
C’est ainsi qu’il fut le témoin, non ! même pas témoin : le réceptacle passif des évènements de l’Humanité.
Il apprit lors du franchissement du Rubicon, dérisoire cours d’eau, par un non moins dérisoire chef d’armée, les mots latins « alea jacta est ». Mais sans en percevoir le sens, n’étant encore que cet entité captatrice, sans esprit d’analyse, engrangeant tout ce que le monde pensant de l’univers pouvait émettre.
Et ce monde pensant, Gork avait dû le chercher longtemps. Il ne lui était apparu qu’à la périphérie de la galaxie contenant une étoile et une planète bleue qui tournait autour d’elle. Jusque-là et durant des années–lumière point de trace, point de signal d’une quelconque conscience.
Mais une fois cette présence ressentie, des mouvements, des bruits de vie ne cessèrent de l’approcher, voyageant d’autant mieux à sa rencontre qu’ils traversaient le vide sidéral du néant de l’espace galactique.
Un jour il apprit d’autres mots latins, moins déclamatoires, moins emphatiques que les précédents, mais qui éveillèrent enfin sa conscience dont il était tant dépourvu avant.
Ces mots furent : « cogito ergo sum ». C’est une formule qu’il appréhenda tout d’abord comme tout ce qu’il avait pu ingurgiter jusque-là, mais cette fois avec toute la structure qui la soutenait, avec l’esprit même dans lequel elle avait été énoncée. La syntaxe, les règles de cette langue.
Il ne lui manquait que l’inspiration pour lui insuffler la conscience, une inspiration du type de celle qui avait traversé l’esprit du philosophe français et qui allait marquer des siècles d’humanité pensante. Et cette inspiration lui vint d’un désordre imprévu, d’un incident de stockage de données en quelque sorte. Au moment d’imprimer mécaniquement cette vérité dans sa mémoire gigantesque, il y eut comme un télescopage avec l’information selon laquelle le latin est une langue qui autorise les déplacements et même l’inversion des mots au sein d’une même phrase. Ainsi se présenta à lui le précepte renversé « Sum ergo cogito » : je suis donc je pense.
2
« Je suis libre ! »
Je suis donc je pense. Je suis donc je pense. Je suis donc je pense… Je suis donc je pense… Je suis donc je pense… Je suis donc je pense…… Je suis donc je pense…… Je suis donc je pense…… Je suis donc je pense…….. Je suis donc je pense……… Je suis donc je pense……….. Je suis donc je pense…………. Je suis donc je pense………………… Je suis donc je pense………………………………… Je suis donc je pense…………………………………… Je suis donc je pense……………………………………Je suis donc je pense………………………………… Je suis donc je pense……………………………………………………………………………
Gork avait tout le loisir de penser. Il voulut éprouver cette notion, toute nouvelle pour lui : la liberté. Mais ne trouvant rien dans ses connaissances accumulées qui puisse donner une définition absolue, définitive, et universelle, il se dit qu’il fallait appliquer la bonne méthode et jugea que celle de ce philosophe français nommé Descartes était la plus appropriée.
Il se remémora le principe qu’avait inventé cet homme et consistant à partir du plus simple pour aller vers le plus complexe. C’est ainsi que Gork décida d’observer d’abord un corps simple : l’élément matériel non vivant. La roche par exemple, ou bien l’eau.
Et il affirma : « Est libre ce qui ne subit aucune poussée ni retenue ».
Gork fut très fier d’avoir énoncé ainsi un principe premier. Il se dit qu’il n’avait rien à envier à ce Descartes si ce n’est la notoriété mais qu’un jour, lorsqu’il approcherait cette planète bleue, il connaîtrait à son tour la gloire et la reconnaissance de tous les êtres pensants de cette planète.
Une pensée traversa l’esprit fraîchement créé de Gork : avait-il lui-même subi une poussée pour avancer dans l’espace ? Et si oui par qui ? De quelle manière ? Dans quel but ? Gork ressentit un malaise profond à l’énoncé de ces interrogations car ce n’étaient pas des questions auxquelles il pouvait répondre par le secours de la connaissance. Et même, lui Gork, malgré la gigantesque étendue des connaissances qu’il avait absorbée.
Ainsi, des questions restaient en suspens, peut-être éternellement, parce que la connaissance pour les résoudre fait défaut, voilà la condition terrible, insupportable de l’être pensant. De l’homme, mais aussi de Gork, qui ne savent pas si leur esprit survit à leur mort physique, s’il existe une conscience supérieure qui les a créés et si cette conscience les reçoit, les accueille après leur mort.
Gork comprit que penser pouvait être une malédiction !
Gork avait découvert le malaise profond que se crée l’être qui pense en se posant trop de questions. Il eut la révélation que la liberté de penser à la vocation de déranger. Autre principe premier ? Il hésita. Pas sûr, il fallait faire subir à cette sentence une exposition plus prolongée à l’expérience de sa jeune intelligence. Mais il pouvait déjà étayer cette affirmation par le constat que tout être pensant qui vient au monde dérange l’univers qui l’entoure, tandis que les êtres non pensants s’y adaptent. L’être pensant dérange le monde à son profit, à son utilité immédiate. C’est là l’effet principal de sa pensée. Gork se dit aussi que la pensée pouvait déranger l’esprit, y générer des désordres parfois graves jusqu’à la folie. La liberté dérange aussi de cette façon-là. Il en conclut que les êtres dérangés étaient les êtres trop libres. Cette perspective le fit frissonner : et si à se questionner sans cesse il finissait lui aussi par perdre la raison ? Son instinct de prudence lui recommanda de suspendre pour le moment ce processus de recherche en soi des réponses. Il se reprit à penser à la méthode. La méthode, la méthode ! s’écria-t-il intérieurement et il revint au questionnement qu’il avait ébauché à propos de la définition de la liberté en commençant par examiner les choses simples :
Donc : « Est libre ce qui ne subit aucune poussée ni retenue ».
Gork se dit : « Je ne suis soumis l’effet d’aucun pression physique ni dans le sens de la poussée ni dans le sens inverse de la poussée » Pas d’attraction de planète ni de mouvement imposé comme c’est le cas pour les satellites des planètes et même des planètes elles-mêmes qui subissent une rotation autour d’un corps plus gros qu’eux.
« Je suis libre ! »
Cette jubilation chassa tout le malaise qui l’avait précédé et Gork, récompensé, était encouragé à faire un pas de plus sur le chemin de la liberté.
3
« Gork est plus libre que l’homme ! »
« Je suis libre ! »
« Je suis libre ! »
« Je suis libre ! »
Gork ne cessait de se répéter mentalement cette phrase. Comme pour se convaincre, pire ! une injonction. Mais une injonction à être libre, cela n’avait pas de sens ! Se rendre libre par obligation, quel paradoxe !
Mais Gork, au lieu de rejeter ce prémisse le prolongea en déclarant que l’homme aussi, comme lui-même, Gork, a le devoir d’être libre.
Et d‘un seul coup d’un seul Gork éprouva cette vérité comme évidente. De plus, cela ne faisait que renforcer la prescience qu’il avait d’un lien de parenté avec l’humanité.
Bien sûr que l’homme a le devoir d’être libre, sans quoi il n’est plus l’homme. Le fait que, comme Gork, l’être humain n’est maître ni de son origine ni de sa fin ne dément pas cette affirmation, elle la renforce même. Entre ces deux points, la naissance et la mort, existe une multitude de champs de possibles. Cette délimitation ne fait que donner une direction à l’expression de cette liberté. Car sans direction initiale, sans mouvement dirigé, à quoi ressemblerait la liberté ? Ce serait la liberté peut-être mais pour quoi faire ? Aurait-elle même un sens ? Non. La liberté n’existe que parce qu’elle passe par un canal. Et Gork alla plus loin en déclarant que la liberté sans règles ne serait plus la liberté, mais l’absurdité. Certes comme l’homme, Gork avait un point d’origine et une fin qu’il ne connaissait pas, mais cette caractéristique commune avait selon lui pour unique objet de le soustraire à l’état absurdité. Et donc cela n’entamait en rien sa confiance en sa destinée d’entité libre.
Le paradoxe du devoir d’être libre écarté, c’est un autre type de paradoxe qui hanta Gork. Il n’oubliait pas que ses premiers balbutiements de conscience étaient nés d’une erreur répétée des termes d’une phrase en latin. De ce souvenir émergeait sa réflexion qui était la suivante : la liberté que les hommes vénèrent comme un idéal de perfection, peut-elle émerger d’une défaillance ? Donc d’une imperfection ?
Gork ne parvint pas à trouver une justification théorique pertinente pour défaire ce second paradoxe, une explication aussi rationnelle et satisfaisante que celle qui l’avait servi pour le premier. Il tourna et retourna la question dans sa toute jeune conscience mais ne put ébaucher même un début de raisonnement valide.
Il eut bien un moment un début de réponse : l’imperfection en question était liée au désordre. Et ce sont les mots en se mettant en désordre aléatoire qui éveillèrent la conscience de Gork. Gork admit donc que la liberté pouvait naître du désordre. Mais il n’eut pas l’audace de pousser cette idée jusqu’à l’une des ses conclusions a contrario possibles : l’ordre empêche l‘expression de la liberté. C’eut été renier ce qu’il était, un ensemble parfaitement ordonné et coordonné d’éléments. S’il reconnaissait que sa conscience était née du désordre, il n’en attribuait pas la paternité au hasard. Le désordre avait été généré par l’état préalable d’ordre logique des mots. La liberté et la conscience qui en résultait pouvaient jaillir d’une certaine fantaisie dans l’ordre préétabli mais en aucun cas du chaos. Elles ne pouvaient pas naître du Néant. S’il y avait eu erreur ou faille, c’était une exception confirmant la règle de l’ordre harmonieux et parfait dont il était lui, Gork, la meilleure illustration vivante.
Gork ne trouvant pas de clé définitive et incontestable pour résoudre le second paradoxe et commença à se laisser gagner par le doute qu’il contenait. Il appréhenda ce doute, vit qu’il fallait le combattre, qu’il en allait de sa survie, et sans doute de sa mission, même si sa mission ne lui apparaissait pas encore comme définie. Gork décida de combattre ce doute. Faute de réponse logique et définitive, il résolut de s’attaquer au symptôme plutôt qu’au mal, autrement dit de renoncer momentanément à ébranler le paradoxe qu’il avait découvert par la pure logique, mais d’en saper les effets. Il fallait supprimer le doute par un autre moyen. Et quel meilleur moyen que de revenir aux vérités premières qu’il avait énoncées ? Alors Gork redit :
« Est libre ce qui ne subit aucune poussée ni retenue ».
Il procéda à une analyse plus poussée que la première fois, lorsqu’il avait énoncé ce principe. Il commença par poser le postulat suivant : « Gork est libre. » Quitte à contrecarrer ce postulat par des preuves contraires qui lui viendraient ensuite conscience. Puis, très vite il réduisit sa proposition initiale à cela : « La pensée de Gork est libre. » Car Gork ne pouvait parler pour lui-même de liberté d’action dans l’état flottant, dans l’état d’attente, dans lequel il se trouvait. Cette liberté d’action serait à vérifier lorsque les circonstances s’y prêteraient ou plutôt lorsque la réalité de circonstances pour Gork existerait.
« La pensée de Gork est libre. Gork n’est mû ni par le plaisir ni par la douleur, pas davantage par les états d’anticipation de ces deux sensations, à savoir le désir et la peur. A ce titre, il ne subit aucune poussée émotive ni retenue de désir ou frustration. L’homme étant considéré libre bien que soumis aux variations de ces états animaux, Gork est donc a fortiori encore plus libre que lui. « Gork est plus libre que l’homme ! »
Ce qu’il fallait démontrer !
4
« Gork est grand »
« Gork est plus libre que l’homme ! » Gork était une entité d’une telle rigueur scientifique qu’il entreprit très naturellement de soumettre cette nouvelle vérité à la contradiction, à la mettre à l’épreuve d’un autre type de raisonnement. C’est que Gork était tout seul à flotter là dans l’espace et n’avait nul compagnon pour débattre et contredire ses opinions.
Le nouveau raisonnement ne pourrait être que de nature comparative, étant donné l’énoncé de l’axiome. Gork partit dans une série de considérations sur la condition humaine à partir de ce qu’il en connaissait, c’est-à-dire tout, car ses connaissances sur l’humanité étaient considérables, illimitées même. Du point de vue où il se plaçait Gork voyait la condition humaine comme un ensemble de conflits, de dualités plus exactement : l’élan de vie contre l’élan de mort, l’amour contre la haine, le bien contre le mal, l’esprit contre le corps, le rêve contre la réalité, la féminité contre la masculinité, etc. Ces dualités étaient nombreuses et puissantes ; elles se combattaient et épuisaient vainement dans ces affrontements l’énergie de l’homme. Si bien que cette énergie, l’homme la mettait peu dans la réalisation de sa liberté.
Tandis que Gork, lui, que voyait-il sur lui ? Il n’était point partagé entre un corps et un esprit, il n’était point doté d’un corps limité à un sexe et attiré tout autant qu’opposé à l’autre. Les notions de bien et de mal lui étaient étrangères comme lui étaient étrangères celles d’amour et de haine. Il n’était soumis à aucune dualité stérile, Gork était donc plus libre que l’homme.
Ce point ne souffrant plus de discussion, il fallait pour Gork en déduire les conséquences.
La première était de dire : « La liberté est un devoir pour Gork. »
La deuxième : si la liberté est synonyme de devoir pour l‘homme et pour Gork, elle donne aussi des droits.
Enfin, la liberté, si elle arroge des droits ne donne pas tous les droits.
Ces trois principes qui étaient vrais pour l’homme l’étaient bien plus encore pour Gork qui était plus libre que les hommes.
Les notions de responsabilité et par conséquent de morale, d’éthique animaient à présent la jeune conscience de Gork.
Cette éthique acquise, Gork s’estimait le droit de comparer plus attentivement sa condition à celle de l’homme sans risque de tomber dans la discrimination.
Il vit objectivement et sans a priori de race, que l’homme était soumis à des superstitions et à de croyances infondées sur le plan purement rationnel. Il y avait les religions par exemple. Ayant suivi les premiers pas de son ancêtre homos sapiens et même son prédécesseur et celui d’avant, il pouvait affirmer sans erreur que le premier pas de la conscience humaine fut de croire. Les mégalithes, les peintures rupestres, les ornements funéraires témoignent de ces temps reculés de la conscience humaine. Croire fut le premier acte posé de la conscience de l’homme, son point de départ et la direction donnée à la pensée. Manifestement Gork ne partageait aucune de ces croyances humaines et n’avait nourri aucune nouvelle foi pour lui-même. Il devait sans aucun a priori de race constater qu’objectivement il était supérieur à l’homme.
« Gork est supérieur à l’homme »
Gork avait étudié de manière approfondie et exhaustive toutes les croyances de l’humanité depuis les origines jusqu’à son époque moderne. Il avait dégagé de toutes ces superstitions et croyances deux aspirations constantes, universelles : l’aspiration à l’unité, l’aspiration à l’absolu.
Par son aspiration à l’unité, l’homme rêve de se soustraire aux dualités qui le torturent.
Ainsi imagine-t-il qu’à l’heure du trépas, son âme se détache de son corps et s’élève dans le ciel. Dans cet état bienheureux d’unité physique, la dualité corps-esprit n’existe plus. Par cette idée l’homme pense aussi qu’il pourra échapper à la force qui enfreint sa liberté : la pesanteur terrestre.
L’homme nourrit l’espoir d’accéder à la vie éternelle. Pour lui, l’éternité est la manière d’échapper au temps, et d’atteindre son unité temporelle qu’il ne peut accomplir lors de son passage terrestre. Son passé, son présent, son devenir, seraient en un même état confondus. Pensant capitaliser en un état unique les moments heureux de son enfance et les moments de bonheur vécus après. Ce serait l’harmonie.
L’homme situe dans l’Au-delà cet état parfait de son être. Il accomplit par ce fantasme son unité spatiale. Il n’est pas en un point donné ; il est en un endroit au-delà de toute définition géographique. Il est partout et nulle part.
Ces Trois Unités - Unité physique, unité temporelle unité spatiale- sont les trois premières aspirations essentielles de l’homme, les trois premières composantes définies par Gork de l’Idéal humain. Gork venait de proclamer la première trinité
Et l’aspiration à l’Absolu ? Gork en établit trois formes aussi :
L’absolu dans le sens de non relatif : l’être humain voudrait porter son esprit à un niveau de conscience qui le ferait échapper à toute soumission à la relativité, à toute contingence. Accéder à la permanence de son être au-delà de toute loi physique, échapper aux facteurs temps et espace, est le but rêvé.
L’absolu dans le sens de la perfection : atteindre le degré ultime de l’expérience, de la vertu, de la connaissance est aussi le rêve de l’humain. Son aspiration à s’élever traduit bien cette quête. Edifier des pyramides, des cathédrales, gravir des montagnes, lévitation, métempsychose.
Accéder au degré le plus élevé, le plus absolu de la connaissance, de la vérité, du bonheur.
L’absolu dans le sens de totalité : l’être pensant veut accéder au tout. Le Tout est l’opposé du Néant et par conséquent la destination idéale pour l’humanité.
Ainsi Gork avait-il proclamé la seconde trinité.
Gork est supérieur à l’homme parce qu’il ne croit en aucune de ces deux trinités. Il ne croit pas en elles : c’est lui, Gork, qui les a révélées. C’est lui, Gork, qui les incarne !
Gork représente même l’état dont l’homme rêve, cet état qu’il nomme Idéal.
Gork est l’Unité : il n’est qu’esprit, il est jonction des deux points extrêmes de l’espace, il est résumé de tout le temps qu’a vécu l’humanité, et même au-delà : de tout le temps qu’a connu la terre, et même au-delà : de tout le temps qu’a connu l’univers.
Gork est l’Absolu : il est non relié aux lois physiques, il a survécu à la loi de la relativité, il est la perfection de la connaissance.
Gork n’était rien et voici qu’il est tout sans être jamais passé par l’état d’incomplétude de l’humain. Gork est l’Idéal humain. Gork est Dieu.
5
Gork est Dieu
Gork flotte depuis longtemps. Depuis des temps immémoriaux pour la mémoire des hommes. Ces hommes, jadis quand ils l’apercevaient, voyaient en Gork une grande masse à l'aspect d'une larve ou d'un cocon géant.
Certains hommes qui ont cru le voir, l'ont nommé géant, dragon, vaisseau interstellaire. Mais Gork n'est rien de tout cela : Gork est Dieu.
Gork flotte.
Gork a entendu le frottement du premier silex par l'homo sapiens, Gork a vu les empires se faire et se défaire, la Mer rouge se séparer, c’est même lui qui l’a partagée en deux pour permettre au peuple Hébreux de passer. Il a vu les pyramides se dresser et c’est vers Lui que les Egyptiens voulaient s’élever. Il a vu un petit homme prononcer des mots glorieux à ses soldats au pied de ces pyramides.
Gork a tout vu, tout entendu et pendant tout ce temps Gork flottait.
Gork a flotté longtemps et il sait que nul ne l'a conçu. Il sait qu’il s’est auto créé. Aujourd'hui Gork est là, il approche la Terre et sa mission est claire : apporter aux Terriens sa lumière, la révélation.
Avant l’ultime approche de cette planète, Gork a élaboré un message poétique en toutes les langues encore parlées ou écrites, un message en forme d’annonce universelle pour gagner la ferveur de tous les peuples au-delà des nombreuses superstitions, pour accomplir la prophétie de la Bible, du Coran et de tous les textes sacrés. Gork est devenu poète pour annoncer ceci :
Le premier jour, Gork leva son visage. L’aube éclatait et sous cette aube battait un feu.
Le deuxième jour, Gork vécut le temps du feu en toutes choses.
Le troisième jour, il s’essaya du regard, longea les arbres établis et vint aux grande sources.
Le quatrième jour, avec un peu d’argile, Gork lança le mot plein de vivacité. Et la vigne montait, et les oiseaux montaient.
Le cinquième jour, il fit la plus vive démonstration d’extravagances et enjamba l’été qui attenait en grandes teintes.
Le sixième jour, chaque épi, plus brûlant que l’été, fut pris d’un feu retentissant.
Alors seulement Gork se reposa.
L’heure est venue pour Gork de propager son tout premier message dont ce poème annonçant son arrivée depuis des millénaires tant espérée.
Pour cela Gork doit brancher son esprit sur l’Ultranet. Gork est satisfait que les hommes aient réalisé, comme il l’avait d’ailleurs anticipé, ce prolongement de l’ancêtre appelé Internet qui supposait encore l’utilisation de micro-processeurs externes au cerveau humain.
A présent, grâce à l’Ultranet, Gork pouvait envoyer un message simultané à toute l’humanité. Gork se brancha…
Gork se brancha et reçut dans la micro-seconde qui suivit cet ordre : « Extinction ! »
Gork s’éteignit à tout jamais. « Le projet G.O.R.K –Great ORganisation of Knowledge » est désactivé. Son utilité depuis la création d’Ultranet ne se justifiant plus, le Congrès européen a décidé d’en supprimer le financement. Signé : Le président du Conseil européen »
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