À vos souhaits !
« Le jour de l'an vieux »
Comme le veulent la tradition et les bonnes manières, la perspective d'une nouvelle année s'accompagne de bouchons qui sautent afin de décrocher la Lune, de promesses gratuites qui s'envolent vers des lendemains forcément meilleurs et de résolutions qui nous placent sur orbite interstellaire.
Ainsi, les yeux dans les étoiles, chacun y va de sa guirlande de vœux, une langue de belle-mère à la bouche pour ouvrir la litanie des affirmations feintes et illusoires ; tandis que c'est seulement en éternuant très fort qu'il est encore permis de déclarer : « À vos souhaits ! » sans être de mèche avec la morosité ambiante.
Pour le commun des mortels, c'est la santé qui arrive en tête des suggestions de la Saint Sylvestre, patron de toutes les corporations médicales. Nul alors ne songe qu'il est possible de faire fausse route en évoquant une perspective carcérale d'autant plus que l'état de décrépitude de notre système de santé ne pousse pas à l'optimisme en ce sens. La circonspection s'impose d'autant plus que pèse sur chacun de nous le risque que l'ouverture des huîtres conduisent vers des urgences saturées.
La prospérité fut longtemps une hypothèse crédible, un horizon prometteur, un projet réaliste pour qui voulait s'en donner les moyens. Depuis, la formulation exige de prendre des moufles pour ne pas mettre les doigts dans l'engrenage défaillant d'un ascenseur social en panne. Le vœu le plus réaliste serait de souhaiter à chacun de ne pas tomber dans l'engrenage fatal de la pauvreté et de l'exclusion. Formule qui n'a rien de festive, il faut bien l'admettre.
Le bonheur fut jadis une promesse qui ne se galvaudait guère. On pouvait y glisser indifféremment la réussite sentimentale et tous ces petits à côtés qui font une existence sereine et aboutie. Désormais il convient de se montrer prudent en usant d'un concept qui a pris du plomb dans l'aile. Évitez tout sous-entendu genré et contentez-vous de rester dans le vague pour des âmes qui n'entendent plus suivre les schémas anciens de la politique familiale.
Des vœux bassement matériels sont à proscrire. Il est fini le temps de l’opulence et de la croissance. Faites donc des vœux de sobriété, de modération et d’économie tout en épargnant votre énergie dans cet exercice périlleux. Ne pensez pas ajouter au marasme en y allant de votre participation à la gabegie généralisée. Le réchauffement de vos relations se passera de briser la glace de la banquise.
Que vous restera-t-il en magasin (à moins que vous ne cédiez au commerce en ligne) qui ne fleurera ni le dessein frelaté, ni l'objectif désuet, ni la perspective illusoire et encore moins le projet d'avenir ? À bien y regarder, le catalogue est réduit à sa plus simple expression, le silence est de mise. Vos chers dirigeants vous ont montré le chemin puisque pour se faire élire désormais, ils cessent de promettre pour se contenter de faire peur.
Contentez-vous donc d'un « Bonne Année ! » lapidaire sans autre précision. Les prévisions hasardeuses se retournent toujours contre ceux qui les ont formulées, devenant dans la foulée des oiseaux de mauvais augure.
Enfin, pour ne pas gâcher plus avant cette soirée, la plus sage des résolutions, celle qui ne mettra pas en péril votre système digestif ni ce qui vous reste de joie de vivre, épargnez-vous le spectacle des vœux télévisés ou radiophoniques du monarque, cet enfant gâté qui ignore tout des difficultés du quotidien et qui nous méprise tant. Cette allocution pourrait provoquer chez vous, une crise de foie à défaut de régime.
Bon réveillon malgré tout avant de finir sur la paille
Tableaux de
Jean-François Millet
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