Admission en médocologie
Tout comme l'addict au tabac à l'alcool ou à l'herbe ne se rend plus compte de l'effet, puisque la dopamine n'agit plus, pour l'addict à la pharmacopée, il doit en être de même. N'ayant avalé que deux ou trois boites de dolyprane ou d'eferalgan en vingt ans, je ne connais aucune accoutumance. Depuis peu sous traitements divers, et pendant deux mois coincé entre la tnt et ses guerres, dans une chambre double, ce qui fait le plus mal, c'est le cooktail avec l'info via la tnt répondant parfaitement à la strategie du choc de Naomi Klein. Voici ce que m'a inspiré cette épreuve médicale.
Je les entends, ils arrivent, les premiers me survolent en longs cortèges d'escadrilles de transall, leurs moteurs produisent comme des longues respirations, de puissants souffles progressifs. Je suppose qu'ils larguent des commandos parachutistes, je me terre dans mon lit et veille à percevoir le moindre mouvement furtif. L'absence totale de lumière et de perception olfactive facilitent l'exploitation totale de mes organes auditifs. Je fais le mort complet dans un noir absolu. Il n'y a donc aucune raison qu'ils me débusquent dans cette chambre entièrement isolée et perdue au centre de cet énorme immeuble, Et pourtant ...
...Après quelques glissements, je distingue très bien de l'autre côté de ce mur le bruit d'une perforeuse à béton. Elle effectue consciencieusement ces courts coups de butoirs absolument réguliers, engageant un long chapelet d'orifices de profondeurs égales. Je suppose que cette stratégie permet de délimiter un passage permettant à un combattant de franchir l'obstacle, une fois enfoncé, en position roulé boulé dessus et accroupie, son arme en avant. J'ai affaire à un soldat parfaitement équipé qui semble avoir déterminé l'épaisseur exacte du mur pour laisser les deux derniers millimètres intacts. Ceci afin de ne pas m'autoriser à connaître l'endroit exact qu'il attaque ni me donner les moyens de faire usage d'un seul petit trou pour lui larguer un gaz asphyxiant.
Patiemment, indéfiniment, notre homme poursuit sa tâche avec aptitude, deux heures durant. Je n'arrive pas à déterminer pourquoi je ne fuis pas illico cet endroit. D'abord l'attaque m'a pétrifiée, et ma seule stratégie consiste à mettre ma couverture en vrac au milieu du lit et me recroqueviller en dessous. A chaque fois qu'il termine un tour complet d'une centaine d'impact, je sens bien qu'il fait une pause pour faire refroidir son appareil, voire changer son foret. Les accoups réguliers du système de perforation à percuteur résonnent presque comme des salves de mitraillettes. Cela participe pleinement à cet ambiance lugubre où l'on sent que la mort rode et va tomber brutalement comme un couperet tranchant. Il ne se donne pas toute cette peine pour rien et ne va sûrement pas me passer sous le nez sans me détecter. Je suis donc condamné. Mais la question idiote que je me pose dans un moment pareil est pourquoi n'est-il pas plutôt passé directement par la porte ?...
...Je suis d'ailleurs subitement tétanisé par le fait qu'elle vient de s'ouvrir, et m'attends à voir débouler mon homme me menaçant de son arme, ou l'ennemi qu'il débusque. Je ne suis peut-être pas la cible du combat mais simple témoin privilégié. Me voilà donc pris entre deux feux puisque j'entends encore le marteau piqueur dans mon dos. Avec un seul doigt, je soulève le coin du drap qui me couvre l'œil, et là, s'offre à moi, le spectacle d'une femme en blouse légère, joliment mise en valeur par le lai de lumière et le contre-jour favorable. Me revient la vision de la fiancée du vampire qui vient prélever son petit déjeuner dans mes veines, comme tous les matins depuis peu...
Elle s'approche prestement, m'appelle par mon nom et me dit, « Il est cinq heures et demie, c'est l'heure de la prise de sang » J'émerge en pleine crise d'érectomie peut-être vient elle pour une ponction. Cette sirène venue de nulle part me sauve la vie m'extrayant de mon enfer et me ramène sur terre...
... puis je réalise lentement que l'armée en manœuvre est mon voisin de chambrée qui ronfle.
...
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