Au bout du rouleau
En direct de ma Segpa

Vous avez suivi mes coups de gueule pour notre pauvre Segpa, abandonnée des financeurs. Il semble que le bon Président du Conseil Général ait fini par entendre la détresse de ceux qu'il avait oubliés à moins qu'il fut las de nos jérémiades qui ont la grande indélicatesse d'être étalées sur la place publique. L'homme n'aime pas être montré du doigt, il fit donc un geste d'humanité …
Des travaux de rafraichissement des locaux ont donc été décidés. J'aime la formule toute printanière, ce pléonasme adroit pour nier l'état des lieux. Dans sa grandeur, notre homme consent un petit coup de rouleau, un geste qui doit montrer à tous sa merveilleuse magnanimité. Et le petit peuple des écoliers de s'extasier devant la générosité du monsieur.
Bien-sûr, l'homme est contrarié et l'a fait savoir discrètement. Il a peu goûté un article dans la presse locale disant que depuis de nombreuses années, l'établissement était dans un état de délabrement inacceptable. Il ne faut pas ternir l'image de celui qui veut donner un petit coup de pinceau.
Les choses ne tardèrent pas à démontrer qu'un bon geste ne peut suffire à le satisfaire. Il lui faut toujours quelques petites taquineries pour conserver la main et montrer malgré tout qu'il est le maître en sa petite baronnie. Vous avez jugé que notre homme a de la ressource et bien des coups tordus pour se venger des importuns !
Ravis d'apprendre que leur établissement allait enfin connaître les honneurs de la rénovation, les élèves de l'atelier bâtiment prirent les devants pour faire avancer les choses. Ils entreprirent de monter les cloisons d'un nouvel espace destiné à accueillir le nouveau serveur du réseau. Que n'avaient-ils pas fait là ?
Immédiatement un décideur est venu déclarer que rien n'était conforme, qu'il fallait détruire sur le champ cette déplorable initiative. On ne doit pas s'immiscer dans les arcanes si complexes des marchés publics. Le pauvre utilisateur n'a rien à dire ni à décider. D'ailleurs, la suite prouvera que les élèves et leurs enseignants sont quantité négligeable dans l'univers impitoyable du conseil général.
Les travaux ont commencé. Oh, rassurez-vous, le terme de rafraîchissement a été pris à la lettre. C'est du cache misère qui sera fait. Mais pour bien ennuyer ceux qui ne font que râler, les ouvriers ont investi les lieux pendant le spectacle pédagogique. C'est si facile ! Après huit longues années d'indifférence, il ne fallait plus attendre les prochaines vacances.
D'entrée de jeu, deux classes ont été vidées de leurs occupants qui durent trouver refuge dans des salles pas vraiment adaptées. Le Collège demeurent une ressource impossible pour ces pauvres élèves si méprisés. Bien vite, nos chers ouvriers s'étalèrent aussi vite que la peinture et le chantier. La salle polyvalente et celle des professeurs furent réquisitionnées par la force publique.
Nous voilà bien ennuyés pour mener à bien une tâche qui n'est déjà pas facile en temps ordinaire. Dans le même temps, nous nous vîmes délestés de notre poste de secrétaire, standardiste, responsable de l'accueil et de l'ouverture à distance des portes. Tout va bien au cœur de cet incessant va et vient d'ouvriers.
Mais nous ne sommes pas les plus à plaindre dans ce bazar organisé en haut lieu. Notre presque collègue, une vacataire à vie qui prend en charge admirablement bien pourtant une classe plus spéciale au sein d'un établissement déjà très spécial, a dû elle déménager. Elle anime un dispositif relais particulier qui porte le doux nom d'Atelier Civique de Remédiation. Je me dois de lui faire hommage d'un billet pour évoquer son travail …
Voilà, vous savez presque tout. Je viens de m'entretenir avec mon inspecteur pour lui expliquer les raisons de mon prochain départ. Peinture refaite ou pas, les conditions faites à nos élèves sont inacceptables. L'intérêt des élèves passe toujours au second plan après la gestion scabreuse d'une situation abracadabrante. Les difficultés très transitoires du rafraîchissement de nos murs ne sont qu'une expression supplémentaire du mépris avec lequel on nous traite au quotidien.
Peinturement sien.
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