Autour de 23 heures, la Terre s’est arrêtée de tourner
Carton rouge !

Le parlement hors-jeu.
Il vient de se passer un évènement comparable aux premiers pas de l'homme sur la Lune. Un pays tout entier a retenu son souffle, la Terre s'est arrêtée de tourner. Il fallait absolument marquer ce moment inoubliable qui entrera dans l'histoire. Chacun des habitants de ce pays, dans quelques années, se rappellera avec une émotion intacte, ce qu'il faisait ce soir-là autour de 23 heures …
C'est du moins la théorie de nos chers parlementaires. Ce petit microcosme de personnages importants qui désormais vivent au rythme des médias, font assaut de la plus vile démagogie pour répondre aux vibrations du peuple. L'élite, ou ce qui nous en tient lieu, se vautre avec délectation dans la plus formidable bêtise. C'est à un tel point ridicule que nous ne pouvons qu'être déshonorés de savoir qu'ils sont censés nous représenter.
Ce soir- là, si les chirurgiens continuèrent à opérer, si les infirmières ne cessèrent d'apporter des soins, si les trains et les avions poursuivirent leurs routes, si tous ceux qui avaient à œuvrer ne se posèrent pas la question de lever le pied ou pas, la représentation nationale, dans son immense sagesse, émit le souhait d'interrompre ses travaux pour prendre en compte l'immense nouvelle qu'il convenait de célébrer.
Oh, bien sûr, on peut penser à juste titre que le dossier sur lequel planchaient ces gens-là n'avait que peu d'importance. La réforme des retraites ne casse pas trois pattes à un canard boiteux et ne préoccupe nullement ce bon peuple français. Car, à l'instar de ses députés, le pays tout entier était en liesse pour fêter le plus incroyable miracle, le plus renversant retournement de situation, la plus importante bonne chose qui soit arrivée au pays depuis 1944.
C'est un député socialiste (on ne peut s'attendre à moins d'un parti si proche des gens ordinaires) qui sonna le rappel. Monsieur Christian Paul, manifestement en liaison internet avec le monde extérieur plutôt qu'attentif aux travaux parlementaires pour lesquels il est payé grassement, demanda solennellement au nom de tous ses collègues, une suspension de séance de cinq minutes pour vivre pleinement ce grand moment d'unité nationale et de liesse béate.
Madame Vautrin, sur le perchoir en ces instants historiques, déclara le plus sérieusement du monde : « Ces moments sont suffisamment rares pour que nous l'acceptions ! » Et les travaux de la représentation nationale furent suspendus pour permettre à ces gens qui se prennent tellement au sérieux, de tomber dans les bras les uns des autres , de s'embrasser sans se soucier du maillot qu'ils portaient afin de fêter la qualification de l'équipe de France masculine de football. Oui, vous ne rêvez pas, c'est ça, cet évènement mirifique qu'il fallait glorifier en ce lieu chargé d'histoire et de symboles !
La victoire de ces garçons si peu exemplaires fiscalement, méritait donc qu'on repousse de quelques minutes l'épineuse questions de nos retraites. Ces champions, on le devine aisément, ne seront jamais concernés par les coups bas que nous allons encore subir de la part de nos députés, eux aussi à l'abri de cette navrante contingence. Mais là n'est pas le sujet principal de mon courroux.
Que nos navrants élus profitent d'une telle victoire pour inonder la toile de commentaires dithyrambiques, il n'y a pas lieu d'être surpris, voilà un sujet à leur niveau. Qu'ils profitent aussi du moindre microphone pour déclarer leur conviction en la gloire de la nation, en la capacité du pays à rebondir dans les pires conditions, cela n'est pas étonnant, c'est une habitude chez eux ! Mais ce soir-là, ils nous montrèrent enfin leur vrai visage, celui de l'hypocrisie et de la fatuité cynique, de la démagogie et du populisme le plus vulgaire.
Vont-ils nous faire croire que le pays tout entier attendait ce résultat sportif ? Attestent-ils ainsi l'utilité de ce matraquage médiatique au service d'un diffuseur télévisuel ? Je n'en sais rien et je m'en fiche franchement. Il y a bien longtemps que je n'attends plus rien de ces clowns pathétiques. Mais ont-ils pensé aux conséquences catastrophiques de cette suspension de séance ? Ils viennent ainsi de créer un précédent plus que fâcheux, qui restera dans la jurisprudence sous le nom du principe des nases : « Nouvelle autorisation pour les spectateurs enthousiastes du sport ! ».
Ainsi, fort de cette initiative, un syndicat lycéen a réclamé le soir même, le report des épreuves du baccalauréat afin qu'elles ne chevauchent pas sur les matchs de cette compétition mondiale qui a enthousiasmé tous nos élus. D'autres demandes dans ce même sens sont attendues. Les ouvriers du bâtiment ont l'intention de réclamer dans les prochains jours, un arrêt des travaux lors des retransmissions des matchs de leur équipe nationale.
Compte tenu des origines multiples de la main d'œuvre dans ce secteur professionnel, la constitution des équipes va devenir un véritable casse-tête, lors du Mondial. On apprend également que d'autres corporations emboîteront le pas aux gars du bâtiment. L'économie nationale risque de subir de plein fouet les répercussions d'un moment de folie de notre parlement.
Pour l'heure, ce ne sont peut-être que supputations. Il n'est pas dit que soient entendues les revendications des uns et des autres, tous amoureux fous de cet opium du peuple. On imagine mal pourtant un refus de nos responsables puisqu'ils ont été pris eux-mêmes les doigts dans le pot de confiture. Le foot rend fou, nous le savions ; nous pouvons déplorer que les « meilleurs d'entre nous » aient aussi succombé à cette folie dangereuse.
Parlementairement leur.
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