Chimène Badi, chantre de l’amour confus
Tomber amoureux fait partie de ces choses qui peuvent contribuer à égayer l’existence de tout un chacun, au même titre que suivre une émission de Patrick Sébastien un samedi soir ou aller s’acheter un kebab salade-tomate-oignon au suédois du coin. Nous sommes d’accord. Retomber amoureux, c’est à peu près la même chose, sauf que cette fois, on ne nous y reprendra pas à prendre de la sauce piquante. Chimène Badi, jeune artiste française dont la prestigieuse discographie la place d’ores et déjà à la droite de Barbara et à la gauche d’Annie Cordy, a décidé, non sans un certain courage, de traiter de ce thème épineux à travers sa chanson « Retomber amoureux ».
Chimène : "Et que penses-tu de Jean Romuald ?"
Il y a bien longtemps qu’on ne se parlait plus
Il y a bien longtemps qu’on ne se plaisait plus
Il y a bien longtemps qu’on ne s’était pas dit
Le prénom d’un enfant dont on aurait envie
Lorsque la chanson débute, nous
comprenons bien vite que tout va mal entre Chimène et son fiancé : d’abord, ils ne se parlent plus, ce qui peut représenter un véritable
handicap lorsque vous ne vous souvenez plus où est le programme télé.
Plus grave : ils ne se plaisent plus. Chimène trouve que son fiancé est
con et moche, alors que de son côté le fiancé pense exactement la même
chose à son encontre. Heureusement, dans la mesure où ils ne
s’adressent plus la parole, ils restent l’un et l’autre dans
l’ignorance de ce profond mépris, ce qui nous évite des vers du genre :
"je lui ai dit espèce de fumier, il m’a répondu : c’est c’lui qui dit
qui est".
Cerise sur le gâteau, ils ne veulent même plus faire d’enfant, et ont
d’ailleurs stoppé toute recherche concernant un éventuel patronyme qui
pourrait permettre de l’identifier sans trop de difficultés au milieu
d’un bac à sable. En résumé, il y a de l’eau dans le gaz entre Chimène
et son fiancé.
Et là, c’est le miracle :
Et puis un jour tout est fini, c’est là que tout a commencé
Quand on s’est dit "on se quitte", on ne s’est plus jamais quittés
Qu’on imagine l’extrême confusion qui a dû
rêgner ce jour-là au sein du couple. Dans quel abîme de perplexité s’est
subitement retrouvé le fiancé lorsque Chimène lui a annoncé : "je te
quitte" tout en restant affalée comme une baleine échouée sur la canapé
du salon ? Sentant sans doute son esprit vasciller, il a marmoné "moi
aussi", puis est parti faire la vaisselle. D’où le statu quo qui s’est
installé durablement au sein du couple. Pour ma part, je ne vois pas
d’autre explication.
Bien que la situation soit pour le moins curieuse (on imagine leurs
amis, en visite pour l’apéritif : "alors comme ça, c’est fini entre vous
et ça vient de commencer ? Chimène, pourquoi tu mets ces cacahuètes dans
tes narines ? Vous êtes sûr que ça va tous les deux ?") Chimène en tire
quelques maximes définitives qu’elle nous expose dans le refrain :
Retomber amoureux de la personne qu’on aime
Retomber amoureux et de nouveau se dire "je t’aime"
Retomber amoureux de la personne qu’on aime
Etre heureux d’être heureux, différents mais toujours les mêmes
Deux choses dans ces vers
interpelleront les esprits, même les moins clairvoyants : retomber
amoureux de la personne qu’on aime, c’est, comment dire... Marcher dans
une crotte de chien alors qu’on a déjà le pied dans le caca. En un mot,
c’est impossible. Et d’un point de vue scientifique et logique, c’est
une incongruité.
Mais que dire alors d’"être heureux
d’être heureux ?" Est-ce le pendant optimiste du fameux "peur d’avoir
peur" ? Et peut-on envisager d"être heureux d’être heureux d’être
heureux" ? Et est-ce que ça ne fait pas mal à la tête au bout d’un
moment ?
On pourrait imaginer pour le moins que Chimène va nous apporter, dans
la suite de sa chanson, des éléments de réponse qui nous permettrait de
nous extirper de cet affreux marasme existentiel qui nous assaille
soudainement. Mais non, Chimène préfère passer à autre chose, c’est-à-dire le récit laconique des splendeurs passées de ce couple incertain.
Il y a bien longtemps les dîners aux chandelles
Il y a bien longtemps les petits câlins à l’hôtel
Et le jour qui se lève, dire bonjour aux voisins
Se prendre pour Adam et Eve et croquer dans le même pain
A la lecture de ces lignes, on entrevoit
quel Eldorado a dû être la vie quotidienne des deux amoureux : des
dîners au chandelles au Buffalo Grill du coin, des nuits d’amour sans
fin à l’hôtel Première Classe, situé juste à côté du restaurant de
cow-boy et, pour finir, la tournée des chambres : "Bonjour, c’est
Chimène Badi, ça c’est mon amoureux, on s’est quitté, mais je ne comprends
pas, il est toujours là. Enfin, ce n’est pas grave, l’essentiel c’est
d’être heureux d’être heureux".
Pour finir en beauté, on apprend qu’Adam et Eve disposait d’une
boulangerie pâtisserie à deux pas de chez eux, ce qui leur permettait
de croquer dans le même pain, au petit déj’ avant d’aller au boulot.
Lorsque les dernières notes
s’éteignent, l’auditeur reste perplexe : est-ce que les choses ont fini
par s’arranger pour Chimène ? Prend-elle bien ses médicaments tous les
jours ?
Plus sérieusement, pourrait-elle nous transmettre une chronologie
précise de son histoire amoureuse ? Parce que là, je n’y comprends plus
rien. Est-elle encore avec machin ? Si oui, est-elle retournée au
Buffalo Grill ou cet endroit fait-il définitivement partie des
splendeurs passées ? Si non, a-t-elle essayé Léon de Bruxelles et, si
oui, s’y est-elle sentie heureuse d’être heureuse, voire légèrement
différente tout en étant la même ?
Nous somme preneurs de toute information sérieuse à ce sujet.
Chimène Badi, heureuse d’être heureuse
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