Clint Eastwood rencontre Ricard
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RICARD BURTON : Je ne fais que me référer aux résultats décevants au box-office de votre pays. Les chiffres ne mentent pas. Votre père était comptable n’est-ce pas ?
CLINT EASTWOOD : Oui. Et pour répondre à votre attaque idiote, je vous rétorquerais que j’attends les premières critiques.
RICARD BURTON : Il faut bien reconnaître que la France semble apprécier chacune de vos sorties, même mauvaises. « Gran Torino » était à peine du niveau du « Maître de Guerre » et pourtant, c’est votre film le plus quasi-unanimement salué par la critique et ceux qui les lisent sans penser qu’ils peuvent aussi avoir un avis.
CLINT EASTWOOD : Je ne vais pas me plaindre que quelques torches fions comme Positif fassent de « Gran Torino » la grande œuvre qu’elle n’est pas. D’ailleurs tout à fait entre nous alors que tout le monde pensait que je l’avais tourné en trois semaines, en réalité, j’ai fait « Gran Torino » en temps réel, ou presque. Une journée et c’était dans la boîte.
RICARD BURTON : Et votre dernier, donc, « Invictus » ?
CLINT EASTWOOD : Très cher Monsieur Burton, mon film parle de rugby, de bravoure, de valeurs fédératrices. C’est un long spot de publicité pour un pays qui a mis l’Apartheid derrière lui. Ce qui n’est pas forcément le cas de la France comme vous me le disiez en off cher Monsieur Burton.
RICARD BURTON : J’imagine sans mal que c’est un tire larmes prônant des valeurs compassionnelles et de tolérance. Soit, la meilleure façon de devenir intolérant avec ceux qui ne sont pas d’accord avec ces éventuelles valeurs universelles dictées par une pensée globale. Je vous renvoie d’ailleurs à Heidegger, qui je suis certain, vous devez connaître sur le bout des doigts.
CLINT EASTWOOD : Ne pensez surtout pas mon cher Monsieur Burton que je ne sois pas un peu cynique, parfois.
RICARD BURTON : Depuis « Impitoyable », sans conteste votre meilleur opus avec « Ca va Cogner », la critique hexagonale n’a de cesse de dire que vos films sont crépusculaires. Est-ce un terme qui vous convient ?
CLINT EASTWOOD : Ce n’est un secret pour personne que vos critiques s’appauvrissent de jours en jours. Les Cahiers du Cinéma des années 50 ont flanqué une frousse à tout le monde et depuis tous sont restés bloqués dans cette idée de l’analyse vieillotte et redondante. C’est tout aussi vrai pour vos films à vrai dire. Alors je rigole car tous mes films sont crépusculaires et tous ceux de Walt Disney qui sortent en vidéo sont les vrais chefs d’œuvres de Walt Disney. Tant et si bien que, finalement, il n’y a plus vraiment de différence entre critique de cinéma et attaché de presse dans votre pays.
RICARD BURTON : Je vous trouve un peu gonflé de dire cela car je me souviens d’un de vos films, il y en a d’autres, « Créance de Sang » qui a à peine le niveau d’une diffusion Direct8.
CLINT EASTWOOD : Il y a des creux dans la vie d’un homme Monsieur Burton. Vous le savez mieux que personne je crois savoir.
RICARD BURTON : Pour terminer sur une note un peu plus sympathique et privée, autant vous avez fait, il est vrai, une carrière professionnelle brillante mais personnellement, vous avec été un homme plutôt inconstant. D’ailleurs on le remarque chez vos enfants qui payent encore aujourd’hui les pots cassés d’un père extrêmement agité. N’avez-vous pas le regret d’avoir sacrifié la carrière de vos enfants au profit de vos intérêts ?
CLINT EASTWOOD : Mes enfants se trouvent là où ils le méritent. Je vous signale que j’ai donné sa chance à ma fille en lui offrant un rôle dans « Les Pleins Pouvoirs ». Elle n’a pas su transformer l’essai. Tant pis pour elle. Je n’allais tout de même pas me mettre à faire des films uniquement avec elle tout ça parce que madame n’était pas capable de décrocher des rôles autre part que chez papa. Pour ce qui est de mon fils Kyle, encore heureux que je lui laisse utiliser mon nom pour faire sa musique. Cela lui ouvre les portes de quelques clubs de jazz certains que mon nom peut attirer les curieux. Grâce à cela il gagne de quoi payer ses traites, à peine plus. Il est rétribué à sa juste valeur. Et puis j’ai fait des gamins car à l’époque c’était à la mode.
RICARD BURTON : Vous pensez quoi des derniers films d’Hollywood, la 3D ça vous tenterait pour un prochain film ?
CLINT EASTWOOD : Douze années pour faire « Avatar » et tout le monde s’extasie devant cette schtroumpferie. Si c’est ça l’avenir du cinéma, alors je préférerais qu’Edison et les Lumières n’aient jamais existé. Deux choses sont mises en avant dans les critiques de ce film, vous pourrez remarquer ainsi que mon parallèle entre critique et attaché de presse n’était pas fortuit : la prouesse technique et le fait que le film ait coûté 500 millions de dollars. Si cela en fait un bon film, une bonne analyse, alors je comprends qu’on puisse aimer « Gran Torino », un film à la base, fait pour être exploité dans le quartier Coréen de Los Angeles. La 3D, très peu pour moi c’est le cache misère de la création et croyez bien que John Ford n’avait nullement besoin de cela pour donner du relief et de la profondeur à Monument Valley.
* Interview réalisée avec Clinr Eastwoodywoodpecker
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