Cupide-19 : Ode à la vie
Quelque part, en l’an 2520. Une pandémie touche la planète Terre et ses 15 milliards d’habitants. Après qu’une large partie de la population ait été décimée, les gouvernements se décident enfin à prendre quelques mesures. Nous sommes en guerre contre le virus ! Revoilà Napoléon, venu sur son beau cheval blanc pour conquérir le monde, seringues et langue de bois fièrement brandies. L’occasion de se faire un nom dans l’histoire, entre généraux et maréchaux.
Au son d’annonces de prévention santé à la voix de Castafiore, le confinement est déclaré. Ne sortez pas de chez vous ! À moins d’aller voter entre deux microbes, parce que la République vaut bien un petit sacrifice populaire. Votre devoir civique accompli, vient le tour de votre santé. Protégez-vous, et sortez couverts.
Le confinement est donc proclamé pour cinq semaines…
Semaine 1 : Horreur ! Panique et psychose ! Résurrection du mur de Berlin (autant filer la métaphore, puisque nous sommes en guerre), qui sépare familles et amis. Comme nous sommes loin les uns des autres. Et surtout, que faire de ce temps libre mais forcé, lui qui nous fait prisonniers ? – et quelle belle prison que son petit chez soi, quand d’autres n’en ont pas. Regarder son petit nombril. Vivre égoïste.
Semaine 2 : Réapparition de notre chère capacité d’adaptation, trop longtemps oubliée. L’imagination tire les bénéfices de l’ennui. L’angoisse générale se transforme en une folle inventivité. Comment occuper mon temps ? Tiens ! Et si je lisais, écrivais, regardais des films, repassais, faisais la vaisselle… Tout ce que nous n’avons jamais le temps de faire, dans cette société hyperaccélérée.
Semaine 3 : Pas si mal, ce confinement. En sauvant ma santé et celle des autres, je me découvre de nouveaux intérêts. Mes doigts grattent la guitare que je laissais sagement moisir dans le coin de ma chambre. Nouvelle vocation. Pourquoi pas envisager des études de médecine ? Aider à la recherche scientifique, plus précieuse que jamais ? Sublimation de l’enfermement.
Semaine 4 : Ça commence à être long… Mais persévérons. Après les heures d’entraînement vient la découverte du talent. Je ne suis pas si nul, finalement. Expression d’une liberté intérieure trop souvent réprimée. À défaut de rencontrer les autres, je me rencontre moi-même.
Semaine 5 : Épanouissement personnel. Mûre réflexion. Prise en compte de la valeur sociale. Dénigrement de la valeur monétaire (forcément, à mesure que les placards se vident, les portefeuilles se remplissent…)
AH NON, il ne faudrait quand même pas éveiller la conscience des peuples ! Vite, repensons un système économique à domicile, poursuivons la mondialisation à huis clos, livrée spécialement chez vous.
Vite, plus de pub : VOUS AVEZ BESOIN D’ACHETER ! LE CAPITALISME VOUS REND HEUREUX !
Ouf, il était moins une avant qu’on ne s’aperçoive de la supercherie. Remarquez, pas plus de cent pélos n’auraient pu venir protester. Les manifestations enrayées, même plus besoin du 49-3. Trop facile !
Médecins, votre mission, si vous l’acceptez, est de trouver un remède et de mettre au point un vaccin pour sauver l’économie du pays et, si possible, ceux qui la servent.
Dans notre malheur, surmontons la crise à notre échelle. Coupons les chaînes de télévision au discours catastrophiste et inefficace. Car céder à la panique ne rendra que toute existence plus morne qu’un ciel d’hiver. Restons auprès de nos proches, partageons un peu de bonheur, rires, larmes. Prenons le temps, pour une fois. Apprenons de la situation pour repenser nos modes de vie. Ne soyons pas cet Orphée qui se tourne vers la mort. Regardons l’avenir.
Claustrophobiquement vôtre.
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON