Distance et détachement …
Segpa ...

... si simple !
Dimanche soir, au terme de ces quinze jours de vacances, je reçus quelques messages de soutien pour m'aider à reprendre le chemin du collège. Mes correspondants me souhaitaient bien du courage au moment de retrouver ma chère classe de quatrième. Avec sans doute un excès de confiance, je leur répondis que j'avais fait vœu de distance et de détachement et qu'il n'était plus question de me mettre martel en tête avec ces chers petits !
Il y a bien loin des discours de circonstances aux actes. Le retour aux affaires navrantes fut à la hauteur des craintes de mes amis. J'avais beau m'être bardé d'indifférence, avoir décidé de relativiser au maximum les écarts de ces élèves intenables, je constate que je rentre bien fatigué d'une première journée de cours durant laquelle je ne les ai côtoyés que deux petites heures …
Au petit matin, à huit heures, ils étaient presque tous là. Deux absents sur seize, c'est un beau score. La mise au travail est presque impossible. Les sacs ne finissent par s'ouvrir qu'après une longue insistance de ma part. Un élève cependant résiste toute l'heure, gardant son manteau et son sac fermé. Lorsque je lui en fais la remarque, il m'avoue n'avoir toujours pas de cahier. Il est vrai que nous n'en sommes qu'à notre huitième semaine de cours …
Je leur avais donné un document à lire pour les vacances. Un seul n'avait pas perdu cette feuille ; les autres égarent au fur à à mesure ce qu'on peut leur confier. Ils n'ont pas de classeur, ne savent pas utiliser des intercalaires et n'ouvrent jamais leur sac à la maison. Quant à mon zélé, il n'avait pas remarqué que mon texte était imprimé recto-verso et n'en avait ainsi lu qu'une partie. Il faut savoir garder son calme et un certain sens de l'humour …
Naturellement, le travail demandé n'avait pas été réalisé. Là, ce n'était pas une surprise et je ne m'en formalise plus depuis longtemps. Punir ? À quoi bon, ils sont censés travailler pour eux et personne ne le fait convenablement quand c'est sous la contrainte. Si les familles ne s'inquiètent pas du travail personnel, que peut le pauvre professeur ?
Nous devions participer à un concours d'écriture. Cinq élèves ont écouté avec une relative attention mes explications, recommandations et conseils techniques. Les autres ne se sont même pas donné la peine de recopier le plan écrit au tableau. Ils avaient des conversations à reprendre, interrompues par quinze jours de silence imposé. … Rassurez-vous, ils étaient plutôt de bonne composition pour cette heure de reprise et se contentèrent de chuchoter.
Par la suite, j'appris que dans les autres cours, le niveau sonore était monté de quelques tons, que des anicroches avaient lieu , qu'il s'était échangé quelques coups , histoire de ne pas perdre la main. Miracle cependant : ni expulsion ni rapport, au cours de cette matinée ! Je retrouvai la troupe à 13 heures, une heure qui ne semble pas provoquer l'enthousiasme. Cette fois, quatre absents et deux délégués en réunion.
La tension est palpable, les élèves ont appris l'absence d'un professeur d'atelier malade sans doute ou bien épuisé nerveusement par ce groupe ; on ne peut le savoir. Toujours est-il que ce collègue a très mal vécu de se retrouver face à un élève brandissant une table au-dessus de sa tête. J'avais anticipé la difficulté en programmant une séance informatique car la relation à l'ordinateur apaise un peu les troupes. Même si je fus très loin d'atteindre les objectifs que je m'étais fixés, je me considérai comme chanceux ; l'orage qui menaçait , allait éclater dans le cours suivant …
C'est pendant l' heure suivante en effet que la classe est mise au courant des dispositions prises par la direction pour atténuer les désagréments liés à l'absence du professeur d'atelier. Comme les élèves sont en demi-groupes quand ils se retrouvent dans l'espace professionnel, il leur est demandé de venir trois heures le matin pour les uns ou trois heures l'après-midi pour les autres. Cette fois c'est le scandale, l'insurrection, l'émeute. La pauvre collègue qui distribue le document informatif doit faire appel aux forces de l'ordre scolaire. L'après-midi est déjà fichue ; il n'est que 14 heures …
La suite n'a été que batailles, invectives, refus de travail, bouderies et agitation. Ceux qui avaient espéré bénéficier d'une journée de congé supplémentaire, n'acceptaient pas cette solution, intolérable à leurs yeux. Il faut dire qu'ils ne viennent pas à l'école pour travailler ; nous l'aurions remarqué depuis le mois de septembre. Nous savons que demain, les absences seront légion et que le pauvre professeur qui a accepté de couper la poire en deux, va payer cette mesure. Il aura à subir la mauvaise humeur de ces charmants bambins …
Ne pensez pas que je force le trait. Je suis resté dans la nuance. Je vous l'ai dit, je privilégie la distance et le détachement. Je ne suis pas allé aux nouvelles. J'avais bien assez à faire avec les autres classes qui demandent elles aussi, de l'attention et de la disponibilité. Ce n'est pas simple quand on passe d'abord par le rouleau compresseur de cette classe impossible. Les enseignants ne sont pas les seuls à en faire les frais …
Descriptivement leur.
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