Il n’y a pas que l’âne et le bœuf ...
Où ça se crèche ?
L’âne et le bœuf sont encore de la fête en dépit des interdictions en tous genres qui viennent frapper nos anciennes traditions. Pour ne pas rester sur la paille sans un peu de réconfort, ils apportent de la chaleur animale à ce gentil chérubin qui manque cruellement de celle des humains. On les prétend bêtes et pourtant ils n’ont cessé de peupler nos récits, ouvrant la porte du ciel ou bien celle de l’enfer. Dans le générique des croyances, l’animal n’a pas toujours le meilleur rôle du reste !
À commencer par celui qui est venu semer la discorde en jouant les corrupteurs des créatures terrestres. Le serpent se glisse entre le ver et le fruit, faisant de la pomme ce fruit qui nous reste en travers de la gorge. Naturellement, il jette son dévolu sur la femme, c’est si commode de trouver un bouc émissaire. Pour elle les pépins, pour son compagnon, le beau rôle. Quant aux animaux, ils héritent de la mauvaise part...
L’agneau du reste n’a jamais son mot à dire. Il sent le vent du couteau sous sa gorge pour laver les pêchés du monde. Comme si le sang n’a jamais été d’une quelconque efficacité en la matière. Comme il convient de laver son linge sale en famille, la sainte trinité porte son dévolu sur la lessive Saint Marc et met la femme au lavoir et l’homme au prétoire. C’est ainsi que les vaches, sacrées ou non, sont bien gardées.
L’ibis surgit d’on ne sait où, réclamant alors le droit d’antériorité sur tout ce cheptel arrivé bien tardivement dans la tradition cultuelle. L’aigle revendique lui aussi sa part, il se sent pousser des ailes quand on évoque les glorieux Empires, ceux sur lesquels les religieux de tous poils ont porté le glaive tout autant que la croix.
Le lion rugit de plaisir à l’évocation de cette belle époque durant laquelle il a chair sanctifiée à se mettre sous la dent. Il se réserve la meilleure part en dévorant Blandine, un souvenir ému qui laisse totalement indifférente la carpe qui à titre personnel ne goûte guère le vendredi. Si les poissons sont tombés dans le filets des apôtres, depuis les méthodes des prosélytes se sont formidablement diversifiées.
L’ours qui un temps fut le presque cousin de l’humain, peut bien danser autour du pot de miel. La guêpe chère à notre bon Aignan n’a pas connu le succès des autres membres de cette ménagerie. Pourtant, les clochers disposent de bourdons, preuve s’il en est qu’elle a laissé quelques traces. Il faut bien admettre que la mémoire est sélective, la licorne ne peut plus guère monter sur ses grands chevaux, les légendes la placent désormais parmi les chimères.
Les gargouilles font encore la pluie et le beau temps. Elles évoquent les monstres de nos pires cauchemars parmi lesquels le dragon se taille le plus vilain rôle. Zélé représentant du malin et des cultes païens, il succombe dès que la foi porte celui qui s’oppose à lui. Le monstre fumeux sort toujours les marrons du feu pour permettre aux héros de le descendre en flamme. Le brasier consumé, une malheureuse femme qu’on prétend sorcière, est réduite en cendre. La salamandre peut pointer le bout de son nez, une voie royale lui est ouverte.
Le cochon, profite de l’agitation pour sortir du maïs, il s’étonne que nul n’ait songé à le faire griller. Il est vrai que son compte est bon, qu’on lui attribue tous les travers possibles. Sa réputation tourne souvent en eau de boudin, même avec le couteau sous la gorge, il ne subit pas le meurtre rituel. Il a sans doute trop fait l’andouille pour remettre les pieds dans le plat sacré.
Le taureau fonce tête baissée. Il veut sauver ses deux oreilles et sa queue. La licorne moqueuse, lui rétorque qu’avoir deux cornes, c’est forcément jouer la carte du diable. Le cerf monte alors sur ses grands sabots, affirme sans détour que sa blanche biche mérite bien plus d’égards. C’est qu’ils ont tous élevé un mausolée au dessus de leur tête pour le très haut.
Le coq comprenant le message, se dresse sur ses ergots, sentant venir l’heure de la trahison, il chante pour trente deniers. Son cri réveille la colombe qui s’en va déposer un rameau d’olivier au pied d’un pont sur lequel s’avance un chat noir. Le message ne fut pas pas saisi par le félin, qui ira se faire rôtir en enfer.
Plus loin, un chien, ignorant l’ouvrage d’art, continue de porter sur son dos, les défunts qu’il faut conduire de l’autre côté. En chemin, le passeur reste muet : chacun sa manière de traverser le Styx. Parfois le chien montre des dents, il se fait cerbère sur l’autre rive tandis que des êtres asexués jouent les anges gardiens pour les heureux élus.
Une mule qui va tranquillement son chemin, trouva chaussure à son pied. Un pape qui marche en savate, profite de l’aubaine pour monter sur son dos. Le prélat se prélasse, gagnant en ce bel équipage la ville de Châteauneuf au bord du Rhône pour y boire du vin. Sur sa route, il croise un boulanger qui lui fit offrande d’une miche de pain. Tous les animaux de notre histoire, lui emboîtent le pas...
Ainsi s’achève l’aventure de ceux qui pourtant, d’après les textes sacrés, sont dépourvus d’âme. Les animaux sont toujours les dindons de la farce dès qu’une religion se met en tête de jouer de la métaphore. Un bien curieuse manière de se sentir au-dessus de nos frères et sœurs de la création. C’est sans doute pourquoi le pape et nombre de saints, éprouvèrent toujours le besoin de prêcher les convaincus sur le dos d’un âne, laissant sans doute le bœuf pour le gentil chérubin.
Bibliquement leur.
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