L’inclusion grammaticale
Le nœud du problème.
Il y a du rififi chez les grammairiens ! La règle d’autrefois porte en elle la domination masculine sur la pauvre femme par la faute d’un accord imparfait qui prétend qu’un genre l’emporte sur l’autre. C’est assez singulier et les propositions se font plurielles pour contrebalancer la terrible contrainte qui façonne à jamais les mentalités des élèves, de leurs parents et de toute la société des gens de lettres. Les analphabètes fort heureusement échappent à cette terrible dérive.
Il faudrait accorder nos violons et se satisfaire de la proximité pour déterminer à quel « sein » se vouer. Voilà une réponse digne de considération pour obtenir justement un peu plus de respect à moins que ce ne soit le contraire. Avec la langue, tant qu’on l’a tourne plusieurs fois dans sa bouche, il est toujours possible d’éviter les erreurs.
Bientôt surgira, à n’en point douter, le genre neutre qui en français, n’a jamais réussi à faire son trou. On va surgir de sa boîte pour bouter « il » et « elle » de leur socle commun. Il conviendra également d’établir des listes d’adjectifs qui ne se griment pas pour changer de genre. La neutralité conviendra parfaitement à la nouvelle donne et les Suisses francophones nous apprendront comment manier aimablement ce concept apaisant.
L’écriture inclusive acceptera-t-elle de se répandre sur le papier en lettres cursives. La rondeur de celles-ci, les pleins et les déliés fleurent bon une féminité de mauvais aloi. Il va falloir se priver de mettre la main aux mots, de leur passer en peu de pommade dans le dos en glissant un rond sur le « i » ou bien en se privant de mettre une barre aux « t ». La rectitude s’imposera à tous et la fantaisie ne sera plus couchée sur le papier.
Quant à l’abominable majuscule, elle vient imposer une majesté, une préférence tout autant qu’une considération qui semble parfaitement incongrue dans un univers ou le nivellement s’imposera au niveau du premier interligne. Des mesures drastiques seront indispensables pour interdire au « p » et à ses camarades d’aller vers le bas quand le « b » et ses consœurs prennent bien maladroitement de la hauteur. La domination des lettres hautaines doit cesser et les lettres basses ont tout intérêt à redresser la tête.
La marge est rouge, les lignes bleues. Voilà encore une survivance de la distinction entre garçon né dans les choux et les petites filles qui fleurissent dans les roses. Une seule couleur sur le papier blanc et quadrillé à moins que le quadrillage lui aussi ne tombe sous le coup de la domination masculine. Plus personne ne doit se tenir à carreaux, vive la page blanche et les cases vides.
Soudain je m’aperçois avec effroi que l’écriture exprime des penchants. Qu’elle gîte sur la droite ou bien se couche vers la gauche ne signifie pas du tout la même chose. Un redressement s’impose à tous pour ne plus donner des messages subliminaux par la graphie. Mieux encore, l’abandon de l’odieux stylo à plume muni de cartouches signifiera la volonté d’apaiser la polémique. Il conviendra par la même occasion de se passer de la mine à papier mâché et filer enfin vers la dactylographie.
Écrivons désormais à la machine et laissons même les ordinateurs le faire eux-mêmes. La machine prendra elle seule la responsabilité de ses choix, de ses accords et désaccords. Plus aucune domination des uns sur les autres, seul l’ordinateur et sa synthèse vocale devront rendre des comptes en cas de troubles intestinaux. Car le plus grand risque avec l’inclusion c’est de filer dare -dare vers l’occlusion à moins que ce ne soit la forclusion.
Mon dieu, je viens d’écrire par deux fois le pire symbole de la masculinité érigé en porte drapeau de la domination. Non seulement il convient de faire le ménage dans les règles d’usage mais un grand coup de balai s'impose dans le lexique. La tâche est immense, des siècles de phallocratie sont à railler du discours ambiant. L’égalité est à ce prix !
Inclusivement vôtre.
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