La dernière ligne droite
En direct de ma Segpa
Longue comme une semaine sans pain.
Il faut reconquérir le mois de juin nous disent nos doctes responsables académiques et pour parfaire cette pieuse prière laïque et néanmoins républicaine, ils nous imposent une semaine en juillet, dont deux jours pour compenser une mesure généreuse du président Hollande à la Toussaint. Heureusement que le ridicule ne tue pas, tous ceux qui un jour ou l'autre se sont occupés des destinées de l'Éducation Nationale auraient leur nom inscrit sur un monument immense.
En ce premier lundi de juillet, il est 8 heures : cinq élèves de troisième se présentent. L'un d'eux vient prolonger sa convention de stage, il repart au travail. Les quatre autres montent sans entrain en classe. Nous nous lançons dans une grande opération de rangement. Une poubelle reçoit les reliefs des années précédentes. Faire le vide à défaut de faire le plein, une manière de passer ce temps qu'on nous impose hypocritement …
9 heures, les quatrièmes arrivent à leur tour. Ils sont 6 pour deux classes. Les autres ont pris des vacances anticipées. Ceux qui sont là n'ont nullement l'intention de travailler. Comment les en blâmer ? L'un d'eux a dans son sac un DVD : « Le Marsoupilami ! ». Nous lui expliquons que l'école n'est pas destinée à regarder ce genre de niaiserie indigeste. Il ne parvient pas à comprendre …
Pour montrer l'indifférence du système, personne ne monte faire l'appel. L'administration n'est pas dupe de la parodie qui va se jouer cette semaine. Nos classes vont ressembler à un sablier qui se vide inexorablement pour un compte à rebours d'une totale vacuité. En deux heures, nous avons ranger les classes, il nous reste encore 24 heures à tuer !
Si au moins nous pouvions improviser des sorties, leur faire découvrir la ville, son histoire mais rien ne peut désormais se dérouler sans les incontournables autorisations dument signées par l'administration galopante et contre-signées par des familles qui ne cessent de jouer du stylo. La spontanéité a déserté nos classes, tout doit être programmé des mois à l'avance. Système absurde et contre-productif qui rend notre enseignement encore plus triste. Freinet, reviens, ils sont fous !
Les deux heures suivantes, j'ai sept élèves de quatrième. Ils n'ont pas plus l'intention de travailler que leurs ainés. J'ai demandé à l'infirmière de monter pour une séance spontanée de questions-réponses. L'idée ne leur plait guère et pourtant une heure et quart durant, des questions vont nous conduire à évoquer l'euthanasie, la mort, l'angoisse, le suicide, la contraception et la médecine en générale. Pour un seul garçon, cette séance est totalement insupportable. Il demande à sortir. Les autres sont restés attentifs et au terme de celle-ci, une jeune fille demande à rencontrer l'infirmière dans son bureau. Je pense ne pas avoir perdu mon temps ….
De leur côté, les cinquièmes étaient ce matin 9 pour une seule classe. Plus ils sont jeunes et plus ils nous sont fidèles. Nos camarades du primaire ne subissent pas autant que nous cette fuite inexorable d'avant les vacances officielles. Ils travaillent jusqu'au bout et ce sont eux les moins bien payés. Allez donc comprendre quelque chose. En attendant, il n'est pas encore quatorze heures, nous avons 8 élèves pour quatre classes ( trois de perte après le repas) et nous nous ennuyons à mourir dans une salle informatique presque devenue espace de sieste. Le temps s'étire sans fin et sans désir !
Mardi, ce fut une balade sur les quais de la Loire. J'avais largement de quoi raconter d'autant que la ville a installé de grands panneaux d'expositions reproduisant de vieilles cartes postales. Je m'accroche à ma planche de salut ligérienne. « Tout plutôt que d'ennuyer les quelques fidèles ! » telle devrait être notre devise. Comment repartir sur de bonnes bases en septembre quand le final ressemble à une bobine qui se dévide interminablement ? Nous installons les élèves dans la normalité de l'absentéisme, nous l'encourageons même en ne leur proposant que des ersatz d'activités occupationnelles.
Findeprogrammement vôtre.
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