La paille et le grain
Sous les fourches Caudines.
Quelles que soient les bonnes et moins bonnes raisons de la colère des agriculteurs, il est une question qui s'impose aux observateurs neutres de l'ire paysan. Pourquoi ont-ils implicitement le droit de sortir du cadre légal dans l'expression de leur mécontentement, droit qui est farouchement refusé aux autres corporations, à l'exception sans doute des camionneurs.
Leurs débordements sont spectaculaires, souvent générateurs de bien des tracas pour les citoyens, de grosses dépenses pour les pouvoirs publics itou. Mais on ne touche pas au paysan qui arrache un radar mobile, qui répand du fumier en ville, qui met le feu à des pneus de tracteurs : comportement éminemment écologique du reste…
Les forces de l'ordre devant ces spectacles se montrent le plus souvent débonnaires, parfois bienveillants et à d'autres moments complices. Il est de notoriété publique que les RG servent de courroie de transmission avec les leaders de la FNSEA pour orienter leurs actions. Cette complicité est d'autant plus choquante qu'elle diffère de ce qui se passe avec les autres organisations syndicales agricoles.
En toute logique, il y a donc une immunité de fait pour qui manifeste en tracteur. Il conviendrait que les autres organisations syndicales s'inspirent de cette évidence. Manifester stupidement dans les rues, à la queue-leu-leu ne vous place pas à l'abri des charges de CRS ou des canons à eau. Occuper une usine que des dirigeants menacent de délocaliser vous met en grand danger tandis que casser l'outil de travail vous conduit devant le tribunal.
Il convient de faire cela sur un engin agricole ou avec une grosse semi-remorque pour acquérir une immunité de fait, un blanc-seing qui ouvre les portes médiatiques et ferment celles des tribunaux. Il est vrai que la fourche dont sont équipés ces monstres mécaniques est de nature dissuasive pour la charge des hommes casqués, derrière un pauvre bouclier.
Il serait bon, fort de cette évidence, que les cotisations syndicales soient légèrement augmentées pour permettre l'acquisition de tels auxiliaires de la revendication efficace et tranquille. Hélas, cette mesure qui doperait les ventes de cette industrie florissante ne permettrait pas de venir en aide à la balance commerciale. Depuis 2008 et la cession de Renault à Claas, il n'y a plus aucun tractoriste tricolore, une hérésie pour une nation qui se prétend arc-boutée sur sa culture paysanne.
Nous devrions déplorer cette casse de notre tissu industriel et s'opposer à la casse de notre préfecture avec des engins qui apportent des dividendes à l'étranger. Il ne nous reste alors qu'à remplacer le tracteur par la brouette car il existe encore quelques fabricants nationaux. Je crains hélas que l'engin ne soit pas de nature à s'épargner la charge de la horde casquée… à moins de les équiper de fourches manuelles.
Pour le fumier, il faudrait alors obtenir la complicité des camarades paysans. La chose risque d'être délicate depuis que le biogaz favorise la concentration du fumier sur quelques exploitations équipées. La méthanisation vient donc en concurrence déloyale de la manifestation et une fois encore, les ouvriers en colère l'auraient dans le c...
Pour contrer cet inconvénient, il est urgent d'équiper nos dernières usines de toilettes sèches afin de mettre à disposition pour les futures luttes syndicales cette fameuse matière première et néanmoins fécale qui dissuade les pouvoirs publics. Ainsi donc, loin de crier « Morts aux vaches » les manifestants devront s'inspirer de ces précurseurs dans l'art de la constatation efficace en baissant leur ben pour remplir la benne. La paille sera remplacée par les copeaux sans qu'il ne soit nécessaire de moudre ce grain de la discorde.
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