La variable aléatoire
Déclinaison d'un déclin annoncé.
« Ne varietur » : que rien ne change en ce monde si parfait. Si le variant varie, l'invariant provoque l'avarie dans une société en plein naufrage mais où les avaricieux tiennent les commandes. La variable est à l'ordre du jour, elle triomphe sous son masque, se faisant tour à tour, aléatoire ou d'ajustement, quantitative ou continue, discrète ou corrigée… Désormais la variété s'impose, le variant disposant de plusieurs passeports pour parcourir le monde selon ses humeurs.
Il n'est pas qu'un virus qui varie, prétendent les tenants d'une ribambelle de variétés de traitements tandis que les adorateurs de la pharmacopée à grande échelle préfèrent mettre tous leurs œufs dans le même panier en forme de seringue quitte à se retrouver avec une marchandise avariée pour peu qu'elle ait pris un coup de chaud.
Les variations saisonnières si chères à nos statisticiens si doués pour dissimuler la vérité sous un écran de fumée se trouvent confrontées à un redoutable concurrent qui semble faire son lit durant l'hiver. Le froid lui va comme un gant même s'il déjoue les pronostics et les spéculations en s'accordant des transformations dans l'autre hémisphère. « Ne pas perdre le nord tout en gagnant le sud » est la devise de de contrit-voyageur. S'il n'y a plus de saison, que va-t-on devenir avec les variables climatiques qui jouent elles aussi leur petite partition indépendante.
La variable s'unit à un paramètre et peut semer la panique dans la courbe. Les mathématiciens distingués ne l'ignorent pas et eussent dû mettre en garde nos carabins de ce discours qui risquait d'introduire un cheval de Troie dans nos veines, quelle déveine. La variabilité réhabilitée dans ce monde de la norme, nous eussions pu nous en réjouir si ce n'était à notre détriment. Pas moyen de déposer un brevet avec ce virus pris d'une véritable danse de Saint-Guy qui brouille les pistes de danse de tous les bals masqués de la planète. Changeant de panoplie, se grimant pour échapper à la guerre vaccinale, les variants se donnent la main pour chambouler les représentations simplistes de la bataille médicale.
Le hit-parade des variants apporte un peu de variété dans ce monde uniformément blanc des apothicaires. Ils y perdent leur latin, devant regarder la loupe de celui qui leur joue de vilains tours. Le variant se pique de muer au gré de ses voyages touristiques. Globe-trotter, il se frotte les mains en constatant que toutes les frontières lui sont ouvertes, lui qui est la source du mal se voit dérouler un tapis rouge par les lois invariables du commerce sur une planète totalement vouée au libéralisme.
Si rien ne varie de ce côté- là, les variants ont de beaux jours devant eux. Pour réparer l'avarie actuelle, les grands capitaines d'industrie proposent des colmatages qui ont pour principal objectif de rapporter de l'argent, seule obsession qui mène ce monde. Il serait temps de mettre ce système sur cale sèche pour réparer totalement la coque de ce navire fou lancé vers les portes de l'enfer. Mais ceci supposerait de mettre à l'arrêt tous les porte-conteneurs, ces vecteurs des variants clandestins.
Les historiens et les linguistes n'oublient pas de sortir de leur chapeau la variole qui en son temps eut ses heures de gloire. Issue de la même souche à moins que ce ne soit une racine, la variole est une petite pustule qui aimait à changer d'aspect dans une grande variété de couleurs. La variance conduit ici à la catastrophe et pour juguler ses effets c'est paradoxalement sur des êtres uniformes que le pouvoir s'appuie pour empêcher toute variété dans la bamboche dans une variable non d'ajustement mais d'asservissement. La varicelle quant à elle nous a enseigné depuis longtemps que tout vaut mieux que d'attraper la scarlatine.
Varie-toi, varie-toi disaient les généticiens qui voyaient dans la variété et le mélange des gènes les voies de l'évolution et de la pérennité des hominidés sur cette planète jusqu'à ce que ce virus ne vienne menacer l'espèce. Le balancier de l'histoire réclame cette fois, l'exact contraire. Protège-toi, isole-toi, repousse l'autre pour survivre encore un peu jusqu'à ce qu'un variant ne vienne te cueillir. J'avoue avoir tant brouiller les pistes que je ne sais plus comment trouver une chute à ce billet qui va en tous sens dans une variation incontrôlée des pensées variables.
Invariablement vôtre.
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