Le bateleur de foire
Une histoire à ne pas croire ...

Il était une fois
Il était une fois un pauvre homme qui en avait fini de jouer les imposteurs. Lui qui jamais n'était sérieux avait du, des années durant, se faire passer pour ce qu'il n'était pas. Il pérorait, ratiocinait à plaisir sur ses prétendues compétences particulières, celles qui, précisément lui manquaient tant. Il passait son temps à maintenir une illusion qui finissait par lui peser de plus en plus.
Il s'en tirait car il avait, à vrai dire, un seul don : celui de raconter des histoires ou bien n'importe quoi. Alors, par le seul pouvoir d'une parole enjolivée, il avait réussi à emberlificoter bien des pauvres gens qui crurent en son verbe. Non, ne pensez pas qu'il fut alors politicien ! Ceux-là ne savent pas qu'eux aussi, ne sont qu'apparence, vent et mensonge. Lui, savait à quoi s'en tenir sur son propre compte et en souffrait grandement !
Il avait joué de la duperie dans des domaines fort différents. Il se paraît de savoirs qu'il dérobait, ici ou là, prenait à celui-ci ou bien ponctionnait à celui-là. Il accommodait à sa sauce ce qu'il en avait compris et servait le tout, pimenté de jolis mots, de belles tournures et de tonitruantes modulations de voix. Les trémolos et les jolis mots suffisent souvent à entraîner l'adhésion des foules. On le croyait, on le suivait, c'était bien là l'essentiel ....
Pourtant, un beau jour, il laissa tout tomber. Il quitta ce qui avait fait jusqu'alors une grande partie de son existence. Il jeta tout, ne laissa aucune trace de ce passé bien trop fictif. Il lui devait néanmoins un cadeau merveilleux : le goût et la pratique du discours, le plaisir du public accroché à ses propos. Il lui fallait désormais tomber le masque et devenir enfin ce qu'il s'était toujours refusé d'admettre : un bateleur de foire !
Le plus dur fut de trouver une niche, un petit créneau pour exercer son seul savoir-faire à défaut de talent. Il devait ainsi s'accepter pour ce qu'il était. Il ne voulait plus jouer de la tromperie. Les mots qu'il mettrait ainsi dans sa bouche devaient provenir du profond de son cœur. Il fouilla pour savoir s'il y avait place à la sincérité en celui qui, jusqu'alors, n'avait vécu que de grimaces et de duperies, de faux semblants et d'emprunts adroits à de plus doctes que lui !
Il n'avait cependant plus l'intention de vivre aux dépens de ceux qui allaient l'écouter. Il agirait pour son seul plaisir, sans jamais demander le moindre denier pour la récompense de son modeste verbiage, de son vice linguistique assouvi. Il en avait soupé des récompenses en sous-main, des frais indument accordés, des appointements qu'il faut toujours taire. La gratuité s'imposa à lui comme une évidence, une parole donnée qu'on ne lui retirera jamais plus !
Il regarda autour de lui, il vit ce qu'il n'avait jamais quitté. Une étrange compagne, un don de la nature, une pure merveille auprès de laquelle, depuis son enfance, il n'avait cessé de vibrer. Il accepta enfin cette évidence, c'est désormais vers elle qu'il allait se tourner pour puiser son inspiration. À la source même de toute chose en son pays.
Il prit son clavier et coucha sur le papier les récits d'enfance, les épopées historiques, les légendes de son pays qu'un voisin, vieil historien avait semées au plus profond de sa mémoire. Il était héritier d'un savoir ancestral, il ne s'en était pas douté à moins qu'il ne voulut jamais se l'avouer.
Sans plus jamais se prendre au sérieux, il fit des pirouettes et des grimaces quand autrefois,, il roulait des yeux, pour que ses récits ne soient plus jamais pris pour ce qu'ils n'étaient pas. Les contes, pour admirables qu'ils sont, supposent un talent d'acteur pour faire captiver un auditoire. Pour lui, ce sera la farce, les sourires et les facéties, il se fit bateleur de foire.
Depuis, il use sa salive à raconter n'importe quoi pour le seul plaisir des ces instants bénis où les gens attentifs et sérieux éclatent alors d'un joli rire libérateur. Point n'est besoin de se prendre au sérieux, les mots trop souvent sont exploités par bien des margoulins pour tromper et se servir. Lui ne voulait se payer que de quelques sourires qui ne feront jamais de mal à quiconque.
Si vous passez par chez nous, vous pourrez, avec un peu de chance, trouver le bateleur de foire. Il vous racontera des histoires à ne pas croire, des fantaisies bien à lui. Quelques menteries qui passeront pour vraies et bien plus de vérités encore qui ne seront pas crues. L'essentiel est ailleurs, vous pouvez m'en croire.
Vous n'en saurez pas plus, c'est à vous de découvrir ce curieux personnage. Il n'existe peut-être pas ! Si tel est le cas, c'est à vous de le faire vrai en osant à votre tour inventer des histoires à boire ou bien de Loire, de foire ou de gloire. Racontez et il vous sera beaucoup pardonné, c'est la seule morale de cette fable qu'il ne faut pas croire
Bateleurement vôtre.
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