Le mécréant et le prochain Pape

La Clef du Conclave ?

Qu'est-ce qu'un affreux et incurable mécréant vient se mêler des secrets d'alcôve et des magouilles de conclave ? Je vous le demande un peu ! Pourtant, à tout bien considérer, le Pape qui sortira de la mitre de ces vieillards cacochymes en dira bien plus de notre société mondialisée que bien des avis éclairés d'expert en « vaticaneries » installés dans leurs studio de télévision.

Nous allons sans doute attendre que ces princes de l'église soient mis au pain sec et à l'eau après cinq jours de vaines controverses et de cènes réservés aux célibataires impénitents pour qu'ils se décident enfin à trouver un terrain d'entente, un nom derrière lequel accorder leurs sermons. N'espérons rien de l'esprit saint et de la divine sagesse, si ces belles stupidité d'un dogme à dormir debout avaient existé, il y a bien longtemps que cette farce pitoyable, ce ballet des vieux messieurs en soieries grotesques auraient pris fin.

Que nenni. La sarabande continue, les salamalecs et les grimaces, les génuflexions de circonstance et la componction feinte vont s'en donner à « chœur » joie sous les voutes de la chapelle Sixtine. Gloire à Dieu au plus grand des obséquieux ! Le successeur de Saint Pierre sortira des volutes du bûcher de leurs vanités innombrables. On lui donnera alors sans confession le Bon Dieu et les clefs de Saint Pierre avec en prime la belle panoplie si saillante et les chaussures rouges !

Nous verrons alors qui des caciques en basilique romaine ou du conservatisme tiers mondiste, de la vision de boutiquier de la foi ou des joyeux et obéissants tenant de libération par la croix, de la réaction en robe de bure ou de l'ouverture à double tour sortira vainqueur de ces combats de coqs déplumés.

Nous apprécierons alors ce nouveau pape qui, le temps d'un nouveau pontificat, donnera l'illusion d'un pouvoir qui n'est plus de ce monde. La planète n'a que faire de ce clown triste. Les habitants de cette vallée de larmes se moquent pour le plus grand nombre de ce pauvre représentant d'une secte en dépôt de bilan, en pleine crise de vocation. Pourtant, il faut que l'évènement soit à la hauteur des sommes englouties pour cette représentation incandescente de la pauvreté de l'église apostolique et toujours si romaine.

S'il vient du saint des saints, le petit aréopage des proches du Vatican : la curie ou ces archevêques italiens si traumatisés par deux pontificats étrangers, nous saurons que pour ce pouvoir spirituel comme pour tous les pouvoirs temporels, le peuple réel n'a rien à attendre de ces batailles si complexes. Qu'importe le strapontin que vous occupez, pour accéder au trône, il faut être proche de celui-ci.

S'il vient d'ailleurs, nous comprendrons alors que la fin de l'Europe est consommée. Il nous faudra alors mesurer vers où soufflera le prochain vent de l'histoire. Sera-ce l'Afrique et sa foi joyeuse ? Sera-ce l'Amérique latine et ses prières tristes ? Sera-ce encore l'Asie et ce monde qui s'éveille à la lumière à condition qu'elle ne soit qu'économique ?

Il se jouera encore bien des pensées inavouables au cours desquelles leur improbable foi n'a plus guère sa place dans leurs querelles de clochers. Peut-on accepter un Pape noir dans cet empire de la pensée archaïque, des descendants des Borgia,et des missionnaires de la vraie foi ? Supporteront-ils un Pontife bridé ou un suzerain ayant perdu son latin ? Peut-on Imaginer que le centre de gravité de la morale liturgique se déplace vers d'autres régions de ce vaste monde ?

Alors, le mécréant observera le résultat d'un regard distant. Il saura si les secousses sismiques de la mondialisation ont enfin été perçues par le plus réactionnaire de tous les pouvoirs, le plus inutile aussi. Il appréciera la place qui est faite au principe de réalité, au peuple tangible, aux données démographiques, au sens de l'histoire en marche. Rome ne s'est pas fait en un jour mais il lui en faut des siècles pour se défaire...

Il verra alors si, pour le reste des siècles, la puissance et la force resteront toujours entre les mêmes mains. Je sais qu'au fond, ça n'est guère d'importance tant l'église catholique est en passe de n'avoir plus aucune influence. Pourtant, je ne peux m'empêcher d'y voir un symbole fort, un signe mystérieux et peut-être divin pour qu’on envoie enfin au diable les vieilles oligarchies masculines, qui, en robe ou bien en costume, pèsent de tout leur poids sur toutes nos sociétés et organisations.

J'ai un peu l'impression de croire au Père Noël, un bonhomme qui ne serait plus blanc, qui ne viendrait plus d'Europe, qui penserait enfin le monde bien loin de notre vision pré-copernicienne. Je vais faire une prière, un vœu pieu. Pourvu que le très haut entende ce pauvre mécréant qui se mêle vraiment de ce qui ne le regarde pas. Aura-t-il un peu d'indulgence pour cette modeste prière hérétique ?

Pontificalement leur !

Image pieuse