Le paradoxe naturel
Le "vert" est dans le fruit !
J'ai croisé en plusieurs occasions de braves gens, pêcheurs, chasseurs, paysans et ruraux qui n'ont qu'un ennemi en tête, un seul : l'écologiste. Empêcheur de polluer en rond, intolérant notoire, pisse-vinaigre et ignorant de la vie réelle, l'écologiste est la bête noire de ceux qui croient sincèrement aimer la nature à leur manière. C'est le paradoxe de ce phénomène qui ne cesse de me surprendre et de repousser à fort loin les nécessaires décisions qui s'imposent dans ce pays comme sur cette planète.
Il serait bon d'examiner lucidement pourquoi un tel rejet là où particulièrement les positions et les idéaux des écologistes s'imposent de toute urgence. Les ruraux, les plus proches de la nature pourtant, vouent aux gémonies ceux qui la défendent si mal du centre des villes ou de leurs places de privilégiés de la vie. La rupture est si forte qu'il est impossible aux premiers d'écouter les arguments des seconds tout comme il est irréaliste de croire que les seconds puissent se mettre à la place des premiers.
De cette dichotomie naissent des propos absurdes et des rumeurs folles. Les « écolos » sont accusés de tout et surtout de n'importe quoi. Plus c'est gros et plus ça passe, plus la rumeur se répand sur le dos de ces chevelus idéalistes et si pervers. Ainsi, ils auraient loué des hélicoptères pour lâcher des vipères dans nos campagnes, ils auraient fait revenir le loup dans nos montagnes et sont responsables de l'invasion des silures dans nos rivières, entre autres joyeusetés dont on les affuble.
L'interdiction de la chasse à l'ortolan, c'est eux, l'invasion des cormorans c'est encore eux, la prohibition de la pêche à la seine, c'est toujours eux. Ils n'agissent que pour ennuyer les braves gens qui aiment vraiment la nature, qui vivent à son contact, qui en tirent loisirs et subsistance. Ils sont toujours à contre-temps, toujours dans le rejet des valeurs ancestrales, des traditions locales et des pratiques coutumières qui ont depuis si longtemps fait leurs preuves.
Un mur d'incompréhension se dresse entre deux mondes qui aiment pareillement la nature mais de manière diamétralement opposée. S'ils disent la même chose, s'ils constatent les mêmes ravages, les ruraux montrent du doigt les écologistes quand les coupables supposés : les écolos, accusent des entités insaisissables, trop grandes, trop puissantes pour que les premiers puissent croire en leur réalité.
C'est dans le discours trop savant, trop politique, trop intransigeant des écologistes que se perdent les gens qui préfèrent un coupable bien commode à des responsables qui remettent en cause leur façon de vivre, leurs habitudes et leur idée du progrès. Alors, ils renversent les arguments, dénoncent un complot des adversaires de la modernité et du confort. Ils évoquent en souriant le retour à l'âge de pierre qu'ils ont sans doute bien connu et attribuent à leurs adversaires tous les péchés du monde.
D'un autre côté, les actions des écologistes tout comme leur personnalité ne peuvent qu'exacerber la haine que leur portent ces braves gens. Tout en eux leur déplaît ! De leur tenue à leurs comportements, de leur langue trop savante à leur origines si urbaines, de leurs manifestations si bruyantes à leur irrespect des lois quand ils les transgressent, ils sont tout ce que ne peuvent supporter ces tenants de la morale rurale.
Alors quand je discute avec des pêcheurs qui ratissent les algues qui ont envahis le lac, ils maudissent les écologistes qui interdisent d'utiliser le traitement si commode qui pourraient les faire disparaître tout en polluant toute la région. Ils sont encore coupables d'empêcher l'introduction de carpes herbivores qui feraient tout aussi bien le travail pour d'obscures raisons. Ils sont donc les seuls et uniques responsables, il n'y a plus besoin de savoir pourquoi les algues se multiplient ainsi dans toutes nos étendues d'eau.
Quand on croise des activistes écologiques, ils évoquent sans amitié les pêcheurs et les chasseurs, ces gens qui régulent et qui connaissent si bien la nature. Ils ne peuvent accepter qu'il puisse y avoir d'autres manières de montrer un attachement à la vie sauvage. Ils sont agressifs, incapables de penser qu'ils agissent pour autre chose que l'assouvissement de bas instincts. La rupture est forcément consommée entre ces deux mondes qui partagent pourtant des valeurs voisines.
On peut donc s'interroger sur les raisons véritables de cette haine réciproque. Les maladresses des uns et des autres ne seraient pas les seules explications. Il est certain que cette animosité fait le jeu de ceux qui continuent à faire de la nature le dépotoir de leurs expériences, la victime de leur commerce, la vache à lait de leurs commerces douteux. Quand y aura-t-il enfin une prise de conscience des uns et des autres pour que les vrais apprentis sorciers soient enfin mis hors d'état de nuire pour le bien de tous ?
Écologiquement leur.
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