Le pouvoir, ce mal si profond
La fable domiciliaire
Une histoire édifiante.
Il était une fois, une ville qui sommeillait au pied de sa rivière. Un vieux lion gouvernait depuis longtemps sans plus écouter le bon peuple autour de lui. Le pouvoir finit toujours par vous rendre sourd quand on l'exerce sans partage. Il ne vit pas surgir un jeune loup dont les dents rayaient nos quais. Une campagne musclée, des militants se couvrant d'une tenue saillante et l'affaire fut promptement menée. La cité avait changé de bord ...
Le jeune loup prit le pouvoir et fit tant et si bien que la ville se tourna enfin vers cette rivière qui autrefois avait fait sa gloire. Il avait des idées, il les mit en application. Il voyait grand et c'est ainsi que naquit une belle et grande fête. L'ambitieux avait trouvé son exutoire ! Il fut réélu sans guère de problème, le peuple alors croyait que son édile l'écoutait encore. Bien vite, le travers du pouvoir allait à nouveau ruiner les bonnes intentions initiales.
Le temps a passé, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. L'habitude ou bien le manque d'humilité ont coupé le désormais moins jeune loup des manants des quais. Inaccessible désormais, le bel animal politique ignorait tout ce qui ne venait pas de lui. Le pouvoir est un mal profond, il isole celui qui en abuse, lui ôte tout jugement en dehors de celui, de bien peu d'utilité, des valets qui l'entourent …
C'est ce qui fit sa gloire : sa belle et bienvenue idée, qui démontrera à ceux qui veulent bien prendre la peine de comprendre, combien l'échevin a perdu de vue le lien que suppose un mandat électif. Il était autrefois au service des citoyens, désormais, fort de son passé prestigieux, de ses réussites municipales et de ses succès personnels, il se pense propriétaire de sa cité et maître de ses gens : un vieux réflexe de féodalité.
L'histoire que je vais vous conter ici cherchera à éclairer vos lanternes tout en restant dans une obscurité prudente. Le jeune loup a la procédure facile et ne déteste rien tant que la vérité. Il faut donc aller sur la pointe des pieds, le terrain est miné et le danger si grand que je ne voudrais pas rejouer la guerre des étoiles …
Ores donc il se trouve qu'une curieuse affaire est parvenue jusqu'à mes oreilles qui ont pris l'habitude de traîner partout. Je vous la livre, grimée des oripeaux de la fable. Il est prudent d'avancer à couvert quand la démocratie perd toute raison. C'est ce que je me propose de faire ici.
Une belle et grande fête célèbre la rivière et symbolise la réussite incontestable de l'échevin du coin. Ce qui devrait faire sa gloire éternelle n'a pas été traité convenablement par son petit personnel. Deux amoureux de la ville, deux manants ordinaires, cherchant un jour à protéger une idée en vinrent à s'enquérir de la propriété intellectuelle de la sus-dite célébration.
C'est alors qu'éberlués, nos deux compères découvrirent avec effroi, qu'à deux pas du beffroi, nul garde-fou légal n'avait été dressé pour défendre le Nom labélisé de l'appétit éventuel des grandes villes voisines. En bon villageois, ils décidèrent de se substituer à ceux qui avaient fauté, prenant à leur compte la propriété d'un nom sans avoir aucune intention mercantile. Ils agissaient, du moins le pensaient-ils, au nom de l'intérêt général !
Mais hélas, dans ce duo bien intentionné, il y a un individu qui du côté du palais a fort mauvaise presse. On l'accuse de tous les maux, son nom ayant même été traîné dans la boue en séance publique. Les juges finirent par laver son honneur mais depuis le moins jeune loup refuse d'entendre parler de notre homme. Le piège, car tel est vécue ainsi cette pauvre affaire, s'est refermé sur la queue du redoutable animal …
Les services du bourgmestre ont convoqué le deuxième comparse, celui seul avec lequel on accepte de converser. La démocratie locale se plaît à jeter l'anathème et malheur à celui qui ne plaît pas au maître. J'ignore ce qui se dit dans la maison commune mais à voir la mine déconfite de celui qui pensait bien faire, j'imagine aisément qu'il a subi admonestation officielle, fessée symbolique et foudres juridiques.
Car voyez-vous, en notre bonne ville, celui qui veut rendre service et agit de son propre chef est traité comme un vil gredin, tancé et montré du doigt. La ville est aux mains de ses chefs, c'est en propriétaires qu'ils envisagent des rapports qui ne peuvent être que de force. Devant eux, il est bon de baisser la tête et ployer l'échine comme lorsqu'on va à confesse !
Naturellement, il a été dit au nom du maître absolu de la ville qu'il était hors de question de rencontrer le deuxième farceur. Il existe des citoyens dans notre bonne ville mis au ban de la municipalité. Conception archaïque du pouvoir, il faut se taire et marcher droit quand le Roy en a décidé !
Je ne sais comment se terminera cette pauvre histoire. Les rétorsions sont à attendre quand deux citoyens voulaient simplement préserver un bien commun. Les menaces et les gros yeux ne sont pas de mise dans une conception ordinaire de la vie collective. Hélas, dans notre pays, bien vite, les élus se sentent propriétaires du bien qui leur a été confié.
Le vieillissant jeune loup ne tardera pas à rejoindre le vieux lion. Il n'y a pas de place ici pour ceux qui sont sourds à ceux qu'ils ne font que représenter. À trop vite l'oublier, bien des Barons ont perdu leur trône. Ce qu'ils pensaient être de droit divin ne dépend que de la volonté d'un peuple que bien vite ils s'empressent d'oublier.
C'est bien la seule chose qu'il faille retenir de cet énigmatique récit. En attendant, chacun espère que le fauve se fera agneau, dans sa cité cela s'impose, et qu'il daignera rencontrer les deux compères afin que tout se règle entre gens de bonne compagnie. Un refus de sa part pourrait, il me semble, contraindre à abandonner la fable pour récit explicite .
Obscurément leur.
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