Le récit (imaginaire) du déconfinement : les politiques reconnaissent l’inutilité des mesures « sanitaires » les plus emblématiques
Lassée d’attendre chaque matin la nouvelle du déconfinement, j’ai décidé d’en écrire le récit moi-même. Récit garanti sans langue de bois.
Ça y est, l’obligation de porter le masque dans la rue est enfin abolie. C’est avec une joie indicible que les badauds se sourient sans se connaître, infiniment heureux de pouvoir respirer normalement à l’extérieur, après des mois de compression antiphysiologique du nez et de la bouche.
« Nous n’avions pas le choix, reconnaît Mme H., à Paris. On peut le dire maintenant, les gens sont trop bêtes pour comprendre que le virus se transmet par les postillons et nous avons été contraints de décréter une obligation générale pour tous, partout, quelle que soit l’heure, pour qu’elle soit compréhensible même par les plus limités de nos concitoyens. Évidemment, un individu qui marche seul sur un trottoir peu fréquenté n’est un danger pour personne, et encore moins pour lui-même, mais nous voulions une mesure forte et symbolique, pour que la population s’associe à la peine des malades sous respirateur ». « Je sais depuis longtemps que le masque dans la rue n’est d’aucune utilité », confirme le maire de Nice, où l’accessoire est obligatoire dans l’espace public depuis l’été 2020, ce qui n’a pas empêché la ville d’avoir des taux d’incidence bien supérieurs à ceux du reste de la France. « Mais il faut bien faire quelque chose. En plus, cela évite de créer un sentiment d’impunité chez les bien portants, alors que nous, les politiques, nous nous débattons dans une situation extrêmement désagréable depuis plus d’un an. Avec cette décision, aussi arbitraire et inutile soit-elle – je n’en disconviens pas – nous avions l’impression d’associer la population à notre ‘effort de guerre’. »
De fait, le psychiatre Charles Hattan nous explique les mécanismes du port du masque obligatoire sur la psychologie des individus : « Le fait de voir tout le monde porter un masque va faire culpabiliser celui qui pensait s’en dispenser, et le faire rentrer dans le rang par désir de ne pas faire de vagues – et accessoirement par peur de la police. On a même vu des personnes pour lesquelles le masque était insupportable le porter quand même, mais dénoncer les voisins qui s’en affranchissaient, parce que ceux-ci s’octroyaient une liberté de comportement à laquelle eux ne pouvaient même pas rêver, par conformisme ou par pleutrerie. »
Certains regrettent la levée de l’interdiction. Outre les timides, les laids et les musulmanes intégristes, le responsable des recettes des contraventions au Trésor public estime que cette mesure temporaire aurait tout gagné à devenir permanente : « En cette période de faibles rentrées fiscales, cette amende de 135 euros représentait une manne pour les finances publiques. C’est vraiment dommage que se promener le visage découvert ne soit plus passible d’une sanction pénale. En outre, nous avions plusieurs idées du même ordre, qui auraient permis de profiter de l’état d’urgence sanitaire pour infliger de nouvelles amendes : interdiction de porter des chaussures en cuir le premier lundi du mois ou obligation de s’habiller en rouge le samedi. Malheureusement, ces bonnes idées ne verront pas le jour dans le détestable climat de détente qui prévaut depuis l’annonce du déconfinement. »
Du côté des lieux culturels, qui peuvent enfin rouvrir depuis aujourd’hui, le soulagement est palpable : « Enfin, je vais pouvoir proposer au public ma Nuit Louis de Funès, programmée depuis février 2020 ! » s’exclame Patrick, le gérant du cinéma Le Dantzig à Paris. « Nous savions bien que les gens ne couraient aucun risque d’attraper le virus dans une salle de cinéma remplie au tiers, et encore moins dans les immenses salles du Louvre ou du musée d’Orsay, de toute façon désertées par les touristes », confirme le représentant du gouvernement, M. A. « Mais il nous était insupportable d’imaginer que nos concitoyens allaient pouvoir se divertir quand nous devions subir les récriminations des hôpitaux surchargés. Nous avons préféré pénaliser tout le monde, c’était plus juste. »
A la question de savoir si les électeurs ne risquent pas de faire payer aux dirigeants politiques ce chapelet de brimades et d’interdictions arbitraires, tous nos interlocuteurs éclatent de rire : « Vous savez, les Français seront trop contents de retourner boire un verre en terrasse, ils vont oublier tout ça en deux temps, trois mouvements ! ». Comme le souligne le maire de Nice : « Vous avez vu la cote de popularité d’Édouard Philippe, ‘Monsieur une heure, un kilomètre’ ? J’ai l’’impression que plus on mortifie les gens, plus ça leur plaît. Cela doit venir de nos racines chrétiennes », avant d’ajouter, l’œil gourmand : « J’ai presque envie de parler d’un syndrome de Stockholm… ».
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