Le retour en force du lampiste

Dard en main, il allume la mèche ...
tandis que Freluquet éclaire le monde.
Jamais il n’aura été nécessaire d’éclairer vos lanternes en expliquant ce monde qui s’est mis en ébullition sous l’effet d’un petit virus boutefeu d’autant que curieusement, il est désormais établi que les phénix du pouvoir ne sont pas des lumières. Malgré tout, reconnaissons-leur un sens aigu de la progression lexicale pour étendre toujours plus les ténèbres sur le pays.
Mais tout d’abord, prenons le temps d’examiner la construction du mot du jour : lampiste. Elle est d’ailleurs si aisée à comprendre que même le ministre de l’intérieur semble se l’être appropriée. Au radical Lampe, l’ajout du suffixe d’attribution : iste, très à la mode en ce moment pour assigner un individu à une fonction, un clan, une pensée novice selon ceux qui ne la partagent pas, a permis son émergence dans le vocabulaire après le treizième siècle.
À l’origine, l’ouvrier qui fabriquait des lampes était un lampier. Le suffixe ier a la même fonction que son homologue mais ne porte pas en lui ce caractère péjoratif qui nuit tant à ceux qui en sont affublés : complotiste – intégriste – laxiste – journaliste - Quand le lampier cessa de mettre les mains dans le cambouis, il devint celui qui allumait avant l’intrusion de la fée électricité dans nos villes. L’allumeur de réverbère en somme.
Cette noble fonction éclaira nos soirées avant l’ère du couvre-feu, une mesure si pratique qu’elle ne risque pas de faire long feu. Il se pourrait qu’elle demeure dans l’arsenal de ce pouvoir autoritaire qui se dessine sous le regard ébahi des observateurs encore lucides. Le lampiste a donc disparu des rues pour faire son apparition dans les commissariats. Nos amis sont du reste les seuls à respecter la théorie du ruissellement, si chère aux pouvoirs libéraux.
Je pense qu’une fois encore, je me dois de vous déciller les yeux. Les ordres viennent d’en haut, leur application est interprétée par des intermédiaires de haut niveau puis suivent une voie hiérarchique qui dégringole toujours plus bas. Au bout de cette cascade de transmissions, qui le plus souvent ne laisse aucune trace écrite, des exécutants, merveilleusement conditionnés par le climat délétère de l’époque, sont poussés à bout pour appliquer à la lettre l’esprit des ordres.
Malheureusement, les dérapages, nombreux il faut bien l’admettre, laissent des traces sur les corps meurtris des bavures. Tout cela ne serait pas ennuyeux si le regard inquisiteur d’une caméra ne venait dénoncer la mauvaise interprétation des consignes. La loi n’étant pas encore appliquée, force est de reconnaître pour le ministre de l’intérieur, que les coups de matraques éclaboussent la profession. Il se doit d’agir et comme toujours en pareil cas, il punit les subalternes : les exécuteurs des basses besognes sans se poser la question s’ils n’ont fait qu’appliquer avec certes un peu trop de zèle, les attentes des décideurs.
Le lampiste est le nouveau bouc émissaire, il se brûle les doigts, perd son emploi et sauve la tête d’un donneur d’ordre qui ne perçoit pas la volonté des agents de base de satisfaire pleinement ou d’anticiper les objectifs réels de sa hiérarchie. La conscience professionnelle des uns pousse, dans le cas présent, le sommet de la hiérarchie à donner des gages à la population sur le dos de quelques quidams trop zélés.
Le sens de l’honneur se perd au sommet de la hiérarchie tout autant que celui de la responsabilité. Notre bon ministre de l’intérieur, modèle d’intégrité, de sagesse et de vertu, est à ce titre le parfait paradigme des valeurs morales de ce gouvernement. En pleine crise de la lampe à huile, il n’est pas surprenant que les lampistes soient revenus au premier plan au cœur des ténèbres de l’heure. La justice se montera exemplaire, n’en doutons pas. Il en est toujours ainsi lorsqu’il s’agit pour les juges de frapper les derniers rouages de l’état.
Lampistement leur.
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