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Les 4 arsouilles

Des gibiers de potence...

 

Il était une fois une bande de joyeux godelureaux, trimards et monte en l’air, gens de peu se contentant de puiser dans la bourse de ceux qui avaient travaillé pour vivre pleinement leur existence oisive. Coupe-jarrets ils usaient du surin pour récupérer les bourses des bourgeois, les bijoux de leurs dames afin de mener une vie de bombance et d’excès jusqu’à ce qu’une cravate de chanvre ne vienne leur couper l’herbe sous le pied.

La Loire ne fit pas exception tant la richesse du transport fluvial à l’époque attirait autant les mouches avec le vinaigre que les arsouilles avec bien des trésors. Il leur suffisait de trouver occasion de beaux larcins pour s’emplir la panse et boire jusqu’à plus soif. Un négoce en somme qui faisait surtout le bonheur des taverniers et des tenanciers de bordeaux. L’arsouille n’étant pas homme à mettre de côté, sachant ô combien, ses contemporains sont malhonnêtes et risquent à tout moment de le priver de ce qu’il a fort mal acquis.

Hors donc, il y a dans une période trouble de notre histoire, une de ces époques particulièrement propices aux brigands, quand l’état lui-même bat de l’aile et est dirigé par des canailles, une formidable bande organisée qui écumait les rives de notre rivière Liger. Ce n’est pas dans les grandes villes que ces gredins attendaient la belle occasion de faire main basse mais au détour d’un méandre, au saut d’un seuil ou bien dans les gorges délicates de la Loire d’en haut.

Leur activité supposait donc une grande mobilité tout autant qu’une formidable capacité à se fondre dans la nature une fois le forfait accompli. Les bois ne manquaient d’ailleurs pas, qu’il fallait partager avec le loup, compagnon fort commode sur le dos duquel, il leur arrivait de mettre quelques-unes de leurs peu glorieuses actions. L’arsouille a hélas des envies qu’il ne peut différer, malheur à la pauvre bergère qui croise son chemin…

Suivons donc les pas de ceux qui n’hésitaient pas à se faire chauffeur quand la nécessité de s’éloigner des rives leur imposait alors de chauffer quelques arpions dans des fermes isolées afin de garder la main et ramasser quelques miettes. Le métier n’étant pas aussi florissant qu’on peut le penser, il connaissait des heures d’abondance et de longues périodes de vaches maigres. Il ne faut pas croire que la crapule est exempte des aléas de la conjoncture.

Mandrin était le chef. Ses compagnons : Aubin, Crépin et Firmin avaient respecté la règle pour appartenir à la bande, la même terminaison de leur patronyme, une curieuse délicatesse dans un univers sans foi ni loi. La liste des victimes de ces quatre forbans était longue comme un jour sans pain. Ils avaient la conscience noire comme charbon ce qui favoriserait sans aucun doute leur arrivée en Enfer.

Gibiers de potence, ils savaient leur fin et entendaient la repousser au plus loin possible. C’est dire qu’ils ne sortaient du bois que rarement, menaient coups de main expéditifs et radicaux avant que de s’envoler dans la nature. Pour jouir de leur larcin, ils étaient passés maîtres dans l’art de se grimer. Mais pour leur malheur, ils ne se séparaient jamais de peur que l’un d’eux ne parte avec le trésor de guerre de la bande.

C’est ainsi que dans le pays, la réputation de quatre curieux voyageurs se répandit comme une traînée de poudre, quatre lascars dont la particularité qui sautait aux yeux de tous était leur taille. De Mandrin un nain teigneux jusqu’à Aubin, véritable géant faussement débonnaire il y avait là une curieuse répartition de la toise en une ligne rectiligne qui amusait beaucoup ceux qui les voyaient arriver.

Au fil de leurs déguisements pourtant, la puce vint à l’oreille de la maréchaussée. Comment se faisait-il que ces curieux voyageurs, si semblables dans leur accoutrement au point de penser qu’ils étaient de la même corporation, se vêtaient de façon si différente d’une ville à l’autre. Il y avait là de quoi ne pas passer inaperçu à rebours de leur intention initiale. On peut avoir grande ingéniosité pour faire le mal et bien peu quand il s’agit de se fondre dans la masse.

Bien vite, l’idée que ces quatre lurons pouvaient être les maudits arsouilles qui semaient la terreur dans toute la région, fit son chemin le long de l’eau. Il fallait les prendre sur le fait pour mettre un terme à leurs exactions. Mais comment les suivre à la trace sans attirer leur attention ? Ils étaient si mobiles qu’il eût fallu une escouade de détectives, un luxe qui ne se pouvait en cette époque agitée.

C’est un chevalier du guet d’Orléans qui eut l’idée de coller un animal à leurs basques, une intuition si heureuse qu’elle fit rapidement le tour de nos Provinces au point que les Orléanais héritèrent du sobriquet de chien. Notre sergent avait noté que le plus grand des gredins aimait à caresser nos amis à quatre pattes.

Il chercha un animal bête au point de se prendre d’affection pour une canaille et de ne plus quitter ses pas. Il y avait dans une portée, un chiot dont le regard ne trahissait pas la moindre intelligence, il le choisit persuadé que le chiot curieusement appelé Robin était celui qui ferait l’affaire. L’homme venait d’inventer le chien policier.

Le coup ne manqua pas. Quand les quatre voyageurs si reconnaissables tant leur allure ne pouvait leurrer personne vinrent dans une auberge de la ville, le sergent lâcha Robin qui spontanément alla chercher caresses et gourmandises du côté de Aubin. Le géant tomba dans le panneau, cajola l’animal qui se prit d’une affection indéfectible pour cet humain. Pour montrer qu’il avait trouvé son maître, le chien leva la patte et marqua celui qui serait désormais son territoire affectif.

Aubin au lieu de s’en indigner tomba dès cet instant sous le charme de l’animal. Le sergent se frotta les mains, il avait réussi. La suite prouva qu’il avait vu juste, le jeune chien se mit dans les pas de la bande. Partout où ils passaient, on trouvait Robin qui remuait de la queue et urinait sur les souliers du plus grand.

Il n’y avait plus qu’à surprendre la présence du chien à proximité du lieu d’un forfait pour établir la preuve que les voyageurs déguisés et les arsouilles vénéneux n’étaient que les mêmes personnes. Si les quatre bandits savaient se fondre dans la nature après leurs forfaits, Robin prit l’habitude de laisser une marque de satisfaction odorante.

Les plus fins limiers du royaume se mirent à examiner plus attentivement les lieux où les crimes avaient été commis. C’est ainsi qu’ils constatèrent la présence de crottes de chien près des malheureuses victimes. La relation fut établie et de cette affaire, la population prit l’habitude de dire d’un policier efficace qu’il avait du nez.

La bande à Mandrin fut arrêté un jour qu' innocemment ils buvaient dans une taverne habillés en moines. Naturellement Robin avait copieusement arrosé les sandales du plus grand. Ils furent mis sous les verrous avant que d’être conduits à la potence après un procès expéditif. Le jour du châtiment un fait étrange vint troubler les esprits. À l’ouverture de la trappe, Aubin, ce géant trouva appui sur le dos de Robin qui était venu à son secours.

Il fallut chasser le chien à coups de pierre pour que la justice passe. Mais cette anecdote fut à l’origine d’une nouvelle race de chien. On qualifia Robin et ses successeurs de Colley. Allez donc savoir pourquoi. Cette histoire amusa beaucoup les chroniqueurs de l’époque. Elle fit l’objet de quelques chroniques et récits qui restèrent égarés dans les archives locales jusqu’à ce qu’un certain Maurice Goscinny ne vienne l’exhumer.

Il m’en fit part et j’espère que vous allez me croire ! Bien sûr, bien des détails se sont perdus car malheureusement, nombre des archives de notre bonne ville furent brûlées dans les bombardements de 1940 qui ravagèrent le couvent des Minimes. Fort heureusement, l’archiviste du département avait mis à l’abri quelques caisses de ces précieux documents dans les châteaux de Combleux et de l’Émérillon. C’est dans le second que furent préservées quelques bribes de ce curieux récit qui a du chien.

Archivement vôtre.

 


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15 réactions à cet article    


  • Old Dan 5 février 2020 11:46

    ... au plaisir de vous lire !


    • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2020 13:02

      @Old Dan

      Chaque jour un billet chaque semaine un conte


    • juluch juluch 5 février 2020 13:07

      L’histoire de Mandrin revue et corrigé.... smiley

      Nos Mandrin actuel sont en chemise et cravate.....personne n’a songé à les faire rouer ??

      merci Nabum !



      • juluch juluch 5 février 2020 16:56

        @C’est Nabum
        Bravo pour les paroles Nabum !!

        la guitare va tres bien avec ...

        Abonné !!


      • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2020 18:48

        @juluch

        Merci c’est très gentil


      • John  Orion 5 février 2020 21:46

        Salut Juluch !

        « la guitare va très bien avec »

        Et vu que tu sembles un bon fan de gratte un petit cadeau alors ... Ça claque bien hein la Jem77 ... smiley ...

      • juluch juluch 6 février 2020 15:36

        @ Orion
        je connais nono...suis abonné à sa chaîne et je le suis sur ADX !!


      • Jjanloup Jjanloup 5 février 2020 20:29

        Bonsoir Nabum,

        Au début de votre conte j’avais cru reconnaître dans ces quatre : Micron, Castagnette, Galoubette et Bysine mais ... ce devait être des aïeux ...

        Pour le chien, Baierousse con-venait également.

        Comme quoi l’(H) histoire bégaie...

        Archéologiquement vôtre...


        • Shawford Shaw 5 février 2020 20:31

          @Jjanloup

          Oïl Agent J, c’est K ! Yes I !

          On repart comme en 40’, Buddy ? smiley


        • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2020 20:48

          @Jjanloup

          Vous êtes perspicace
          Merci


        • Kylo REN 42 PCR140x52 5 février 2020 20:51

          @C’est Nabum

          L’agent J, il bosse ce soir, Bernard NA BOOOM, gare St Jean à Bordeaux, là où on trouve les ch’ites p’itites allumettes z’intergalactiques !! smiley smiley


        • C'est Nabum C’est Nabum 5 février 2020 21:53

          @PCR140x52

          Elle vendait des cartes postales mais aussi des crayons


        • John  Orion 5 février 2020 21:41

          Salut Nabum !

          Ce conte m’a bien distrait pour ce début de soirée ... Cool ! smiley ...


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