Les drones sur les centrales ? C’est terminé !
Il y eut un long retard à l’allumage de la part de la presse française : cela faisait plusieurs semaines que des drones survolaient des centrales et les média n’en parlaient pas. Puis ce fut un brutal emballement quand six sites nucléaires furent visités simultanément. Une sorte d’état de panique s’empara alors des autorités : la sacro-sainte invulnérabilité des sites nucléaires était en train de voler en éclats et l’impuissance des organismes de sécurité éclatait au grand jour. En urgence, l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) se réunit le 24 novembre pour tenter de déminer cette affaire de drones mettant à mal la sécurité des installations nucléaires. En dehors d’un survol de la situation avec de nombreux experts et d’un constat de grande impuissance, il ne ressortit pas grand-chose de cette réunion en terme d’hypothèses quant aux auteurs de ces intrusions de l’espace aérien de ces sites ultrasensibles, et de leurs motivations. Elle déboucha en revanche sur la remise au Premier-ministre d’un rapport détaillé sur les risques que font peser les drones sur les centrales, rapport réalisé par des experts britanniques à la demande… de Greenpeace !
Le résultat de cette réunion fut immédiat : malgré la permanence des survols, la presse dans son ensemble se mit de nouveau à se taire. Et désormais on ne sait plus, et l’on demeure dans l’expectative. Depuis le dernier survol connu, le 1er décembre à Golfech dans le Tarn-et-Garonne, survol finalement démenti le 4 décembre par le même journal qui en avait donné l’information, il n’est plus fait état de la moindre intrusion. La presse, et désormais sans aucune exception, continuerait-t-elle à se taire, ou n’y-a-il réellement plus de drones à survoler les centrales ? Le doute et la suspicion, forcément, sont de mise.
En revanche depuis le 6 décembre, date de mon dernier article, il y a eu quelques nouveautés.
Certaines fort cocasses. Ainsi le 8 décembre c’est un nombre incroyable de médias, plus de cinquante, qui évoquèrent un évènement préoccupant impliquant un drone. Mais un évènement survenu… en juillet ! Et en Angleterre. Ce mois-là, à l'aéroport londonien d'Heathrow , un avion long-courrier, un Airbus A320, échappa de peu à une collision avec un drone. La belle affaire en effet, et tellement exceptionnelle ! A ce point exceptionnelle que « le Syndicat britannique des pilotes de ligne (Balpa) avait [déjà] exigé une meilleure protection »(Le Figaro).
Le 11 décembre, c’est avec une même frénésie qu’un nombre équivalent de média nous apprit que l’US Navy avait abattu un drone avec un canon laser ! Un vrai exploit en effet ! Mais c’est comme si l’on ne savait pas depuis un bon moment que la Chine en était également tout à fait capable ; La Tribune : « Comment Pékin peut pulvériser les petits drones »…
Quel sens peut revêtir ce subit mitraillage médiatique quelque peu surréaliste ? S’agit-il d’une symbolique, spontanée et harmonieuse substitution au lourd silence des armes françaises de défense ? Ou d’un brutal état délirant provoqué par une situation de stress incontrôlable lié à cette affaire de drones ? Evidemment non, l’action ayant été à l’évidence fort bien orchestrée, les médias ayant des patrons, et parfois tous les mêmes, répondant à des exigences supérieures exigeant la mise en œuvre d’un épais rideau de fumée et de leurres, et les informations provenant d’Angleterre et des USA. A moins bien sûr qu’il ne s’agisse que d’une coïncidence.
En revanche pas un mot sur l’initiative originale de leurs collègues belges de RTL.be : « Énorme faille dans la sécurité de la centrale de Tihange : un drone l’a survolée en toute tranquillité ». Ce sont les journalistes eux-mêmes qui sont allés testés la sécurité
de leur propre centrale ! Et pourtant ce n’est pas par ignorance de cette démarche inédite et au résultat fort ironique que les médias français n’en ont pas parlé : je me suis moi-même chargé d’en informer directement un grand nombre d’entre eux…
La veulerie de la presse française aux ordres
L’attitude générale de soumission des journalistes français inquiète. Au point qu’Hervé Kempf, de Reporterre (« Enquête sur la terreur capitaliste »), s’en est récemment ému, et avec gravité : « Mais, au fond, peu importe. Le pesant travail [du journal] L’Opinion ne vise pas à informer, mais à créer un climat de violence. Et il n’a de sens que si l’on sait que cette feuille, dirigée par Nicolas Beytout, a reçu, comme l’a montré Mediapart plus de dix-sept millions d’euros des milliardaires Arnault, Bettencourt et autres oligarques. Comme si Les Echos, Le Monde, Le Figaro, Le Point, L’Express, Valeurs actuelles ne suffisaient pas aux capitalistes français pour imprimer leur pensée dans l’opinion publique... ».
Tandis que le même média, Reporterre, nous apprit par ailleurs que le Courrier de l’Ouest faisait de bien curieux sondages, et bien curieusement formulés : « Les militants écolo extrémistes sont-ils devenus des « terroristes verts » ? ».
Mais, et c’est bien la preuve qu’il ne faut désespérer de rien, à coté de ça sont apparus sur internet deux vrais articles sur le sujet des drones.
L’un sous la forme d’une chronique pour Libération le 7/12 : Drones : châteaux forts nucléaires en péril.
Un autre le 9/12 sur Actu-Environnement. On y apprend que « le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a publié une note annonçant qu'un appel à projets "flash" sur la protection de zones sensibles vis-à-vis des drones aériens va être publié le 18 décembre.
Objectif de cet appel flash ? "Le développement rapide de démonstrateurs permettant la détection voire la neutralisation de drones aériens" ».
Il s’agirait d’un programme d’un million d’euros.
Je ne sais guère ce que sont ces « démonstrateurs en environnements opérationnels », mais si leur fonction n'est que de détecter et neutraliser des drones, personnellement je veux bien empocher cette somme, et même beaucoup moins, pour répéter qu’il suffit… de fournir des drones suiveurs aux gendarmes des « pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie » (PSPG) chargés de surveiller les centrales nucléaires.
Enfin, une réaction politique digne de ce nom est passée totalement inaperçue, sauf aux journalistes du site Actu-environnement justement. Il s’agit d’un courrier adressé par six eurodéputés - Michèle RIVASI (EELV) et cinq députés des 5 pays frontaliers de la France - à Manuel Valls, à Ségolène Royal, au ministre de l'Intérieur et au ministre de la Défense, qu’ils interrogent en conclusion en ces termes : « Face à cet exposé inquiétant, pourriez-vous nous faire savoir ce que prévoit le gouvernement pour mettre fin à cette menace imminente ? ». « Nous espérons que vous saurez porter l’attention nécessaire aux arguments développés et prendre les mesures adéquates pour prémunir la France et l’Europe de risques radiologiques majeurs, ou même d’un blackout électrique. Nous rappelons encore une fois que le seul moyen de supprimer le risque nucléaire en France est d’entamer une sortie progressive de ce mode de production d’électricité ».
Mais à ce jour, les drones sur les centrales, c'est terminé.
Du fait d'un black-out ?
Patrick Samba
Photo : à partir de LE DRONOLOGUE
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