Liberté conditionnelle
La société du contrôle.
N'ergotons pas et profitons de ce qui nous est accordé sans nous soucier des raisons qui ont prévalu à cette merveilleuse libération. Les masques tombent en extérieur, les spectacles reprennent et les survivants retrouvent le sourire et l'envie de goûter à cette opportune liberté surveillée. Le juge d'application des peines sanitaires a examiné notre dossier à la loupe et parfois au microscope, réclamé quelques analyses, écouté les arguments des uns et des autres et surtout, pris en compte la proximité d'une échéance électorale pour se montrer magnanime.
Élargis, les anciens détenus se précipitent qui vers une terrasse bondée, qui dans une brocante surchargée, qui vers un spectacle encore trop confidentiel. L'été fait les affaires de l'état, un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, se dit de par devers lui le bon juge. Il ouvre les vannes pour qu'un flot tumultueux s'échappe de la centrale, les mains libres, le porte-monnaie largement gonflé par quinze mois d'économies contraintes. Le pécule accumulé lors de notre incarcération doit profiter à la reprise de l'économie…
Il demeure bien un petit bracelet électronique, que judicieusement, le brave décideur a glissé dans la poche des élargis. Le contrôle désormais est réalisé par le libérer sous condition, qui de lui-même, se fait le propre acteur de sa surveillance permanente. Un progrès considérable dans l'arsenal répressif, une formidable évolution dans la société qui se promet de disposer désormais de près de cinquante millions de mâtons !
Gardez le sourire, tout ceci se fait sans que vous ayez besoin de réclamer un avocat pour défendre vos droits. D'ailleurs, le voudriez-vous qu'il vous serait fort difficile de trouver un courant politique qui s'indignerait de cette entrave honteuse, de cette bride numérique dont on nous affuble. La société du contrôle, de la surveillance, de la transparence se met en place avec l'assentiment de tous les courants idéologiques. C'est si commode…
La liberté ? Vaste utopie qui s'écroule dans le même temps que disparaissent les barreaux et les chaînes. Désormais le virtuel sert de protection, d'armure invisible qui ne protège pas l'individu mais le transforme en pion, suivi à la trace par tout un arsenal, pour l'heure non létal. L'étape suivante constituera la capacité de détruire à distance, par le seul truchement de ce mouchard au forfait comme aux capacités illimités, celui ou celle qui sort des clous, pense mal et agit honteusement.
Le juge d'application des peines deviendra l'exécuteur des hautes œuvres de ce monde merveilleux et si par extraordinaire, un réfractaire trouverait manière pour sortir des écrans radars, les drones, enfin débarrassés de ces insupportables oiseaux, concurrents déloyaux et menaçants, pourront tout à loisir, jouer les chasseurs de prime afin d'abattre en pleine rue le misérable.
Sortez donc sans crainte, dans vos veines circulent le sérum de la soumission et de l'acceptation de la société carcérale sans mur. Vous avez subi le plus grand lavage de cerveau de l'histoire de l'humanité. Vous êtes les nouveaux soldats d'une fraternité et sororité qui court à sa perte dans l'exubérance d'une crise effacée.
Que la planète subisse plus encore vos débordements dans l'euphorie de cette liberté factice n'est certes pas votre problème. Après vous le déluge, pensez-vous en remontant dans les avions, les bateaux de croisière, en commandant des produits qui viennent de très loin pour satisfaire votre égoïsme d'occidentaux gavés et capricieux, en passant du pétrole à l'électricité pour vous donner l'illusion de participer à la transition écologique.
Si cette liberté retrouvée ne sert qu'à accélérer le mouvement de destruction de l'espoir, vous avez fort peu profité de votre incarcération pour amender votre comportement. Décidément, vous êtes vraiment irrécupérables. C'est à désespérer de votre capacité d'analyse.
Complotistement vôtre.
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